Des accords secrets entre Paris IV et Abu Dhabi cautionnés par le Quai et l’Elysée provoquent une fronde grandissante dans le monde universitaire.
Tandis que Valérie Pécresse assure la promotion de « l’autonomie » des universités et alors qu’étudiants et profs sont dans la rue, le Quai d’Orsay et l’Elysée négocient en douce la commercialisation dans le Golfe de la plus prestigieuse des universités françaises, la Sorbonne. Tractations occultes ou accord secret ? Des professeurs d’université évoquent déjà une « Sorbonne Gate », d’autres une véritable « bombe à retardement ».
La « franchisation » de la marque Sorbonne, une université fondée en 1257 sous Saint-Louis, au terme d’un accord « exclusif » avec Abou Dhabi, a été négociée par Paris IV avec la bénédiction de Chirac et Sarko. Trois universités parisiennes sont légalement autorisées à porter le nom de Sorbonne dans leur appellation officielle : Paris-Sorbonne (Paris IV), Sorbonne Nouvelle (Paris III), et Panthéon-Sorbonne (Paris I). On perçoit mal sur quels fondements juridiques, Paris IV, sous couvert d’une « exclusivité » négociée sous le tapis, en interdirait l’usage aux deux autres au Moyen-Orient. C’est pourtant l’oukase actuellement imposé par l’Elysée.
À l’origine de l’implantation de la Sorbonne à Abu Dhabi, c’est Gilles de Robien, alors ministre de l’Education nationale de Jacques Chirac, qui, le 19 février 2006, parraine, en qualité de « témoin », un accord de partenariat international pour l’implantation d’une annexe – privée – de l’Université de la Sorbonne. Ce 19 février, le ministre n’omet bien sûr pas, dans son discours, de faire l’éloge tant de la coopération franco-émirienne que de « notre vieille et belle Sorbonne (…) héritière d’une tradition d’excellence multiséculaire ».
Les accords passés, valables pour 10 ans, entre les émirats et le président de l’époque de Paris IV, Jean-Robert Pitte, restent mystérieux. On sait seulement que cette annexe de Paris Sorbonne sera privée, et que le projet initial prévoyait d’accueillir à terme 1 500 étudiants. Ceux-ci sont soumis à des droits d’inscriptions relativement élevés – 13 000 dollars par an – dont Paris IV doit percevoir 15 %.
Pour l’année 2007-2008, l’université de « Paris - Sorbonne Abu Dhabi » n’accueillait que 273 étudiants. Des inscriptions qui ne génèrent donc que des « royalties » fort modestes pour cette annexe nichée dans le riche émirat. Autre souci, « Paris - Sorbonne Abu Dhabi », pour satisfaire aux exigences des Emirats, a entrepris de délivrer – aussi – des diplômes en droit, une compétence non reconnue à Paris IV. Pour y pallier, Paris IV s’est adressée à ses « consœurs », et en particulier à sa voisine du quartier latin, Paris I (Panthéon-Sorbonne), mais en lui proposant un simple rôle de sous-traitant. Pour des raisons de prestige, Paris I refuse de jouer les supplétifs… Pour honorer son engament de délivrer des diplômes en droit (licences et masters) « Paris - Sorbonne Abu Dhabi » est contrainte de passer un accord de sous-traitance avec Paris II puis Paris V. Ce qui suscite dans la sphère universitaire quelques ricanements relatifs au « bricolage », comme à « l’improvisation », ayant présidé à l’internationalisation de Paris IV.
Dans la sphère universitaire, on se plait à qualifier de « chiraquerie » cet accord de coopération. À l’origine, c’est en effet Pascal Renouard de Vallière, un consultant international, qui a eu l’idée d’une Sorbonne implantée aux Emirats. Cet ancien de chez Dassault doit à Chirac son titre de Chevalier national de l’Ordre du mérite. Pour sa peine – la coopération universitaire franco émirate – Renouard de Vallière était supposé encaisser deux millions de dollars, croit savoir un professeur de Paris I au fait du dossier. Mais il semble que le versement de la somme promise se soit heurté à des difficultés imprévues.
En 2007, également alléchée par la manne potentielle que représente le Golfe persique, comme par le désir de s’internationaliser, c’est Paris I (Panthéon-Sorbonne) qui négocie avec le Qatar, un des Etats pétroliers les plus dynamiques de la région. Lequel cherche à attirer des universités françaises. Des discussions s’ouvrent par ailleurs entre le Qatar et l’école militaire de Saint-Cyr ou l’Ecole Nationale de la Magistrature.
Côté Qatari, c’est le procureur général, M. Al Mari, qui est l’interlocuteur du Président de Paris I, Pierre-Yves Hénin. Al Mari devait connaître une notoriété inattendue dans l’hexagone ces derniers mois pour avoir été désigné, dans le livre Bel ami, comme le père de la fille de Rachida Dati… Ce qu’il a fermement démenti !
Le haut magistrat peut toutefois se prévaloir d’autres affinités avec la France, en particulier celle d’être docteur en droit, diplômé de Paris I… En février 2008, le procureur général invite le Président de Paris I au Qatar pour « la mise en place la mise en place d’un programme de coopération académique ».
Parallèlement aux discussions avec le Qatar, Paris I entre en négociation avec Bahreïn, toujours avec le projet d’implanter dans ce Royaume une antenne de Panthéon Sorbonne… Là aussi les discussions sont suffisamment avancées pour qu’une invitation officielle soit adressée à Pierre-Yves Hénin début février 2009, à l’occasion d’un voyage officiel de Nicolas Sarkozy. Subitement, le Quai d’Orsay et l’Elysée interviennent et interdisent ( !) sans aucune explication – dans un premier temps – au Président de Paris I de signer un accord avec le Qatar ou avec Bahreïn.
L’ambassadeur de France à Bahreïn, Yves Oudin, adresse alors un courrier savoureux à Pierre-Yves Hénin : après consultation du ministère des Affaires Etrangères, « il m’est revenu que votre visite à Bahreïn soulevait des objections d’opportunité, je l’ai donc dit aux autorités bahreiniennes », explique l’ambassadeur. En clair, le Quai a pris l’initiative d’annuler le déplacement du président de Paris I ! Au nom « d’objections d’opportunités » ! Diable …
Les dirigeants de Paris I tentent de comprendre, mais la ministre de tutelle, Valérie Pécresse, n’est manifestement au courant de rien. Un courrier au chef de l’Etat demeure sans réponse (officielle). On comprend toutefois que le dossier relève avant tout des compétences conjuguées de Claude Guéant et de Jean-David Lévitte.
Deux courriers de Paris I s’avéreront nécessaires pour obtenir de Bernard Kouchner une réponse le 18 février 2009. Le ministre finit par faire savoir que « les autorités françaises sont liées par l’accord Franco-émirien », signé en février 2006, lequel « comprend une clause précisant que l’université sera l’unique implantation de l’Université Paris-Sorbonne au Proche et Moyen-Orient. Dans ce contexte et compte tenus des enjeux actuels de notre coopération avec les Emirats Arabes Unis, il n’apparaît pas possible de reprendre une deuxième fois l’appellation « Sorbonne » dans cette région du monde. »
La réponse du ministre laisse totalement incrédules les acteurs du dossier. Lesquels ne parviennent pas à croire que la « marque » Sorbonne ait pu être ainsi abandonnée aux Emirats en exclusivité pour l’ensemble du « Proche et Moyen-Orient », en échange d’une simple redevance de 15 % sur les droits d’inscriptions de 250 étudiants…
Rappelons que la transaction passée entre ces mêmes Emirats pour l’ouverture d’un musée du « Louvre Abu Dhabi » porte sur 400 millions d’euros…
À lire et à relire sur Bakchich.info :
Bonjour,
Je ne suis pas etonne que notre cher french doctor et accessoirement sioniste notoire et ami des dictateurs africains,s associe avec une autre dictature adepte de la torture pour exporter la culture francaise:Lisez plutot cela et vous comprendrez : http://www.uaetorture.com
Sorbonne, "fleuron" … pour les péquenots et les nouveaux riches… en quoi la Sorbonne (quelle Sorbonne ?) dispenserait une meilleure formation et des diplômes plus cotés que d’autres Universités françaises ?
La Sorbonne a précisément bien besoin de se refaire à l’étranger car elle sent le sapin en France …
Moyennant quoi il faut bien considérer que la quasi gratuite de l’enseignement supérieur en France, conjuguée a la massification du baccalauréat, sans aucun filtre pour l’orientation (s’inscrire en philo avec un bac pro est possible …) est une véritable question pour l’ensemble des contribuables. La fabrique à chômeurs diplômés qu’est devenue l’Université française s’explique en partie par cela … Pour les universités "qui facturent", la relation pédagogique se double d’un "service client" qui garantit la qualité du service et partant du diplôme. Le succès des écoles de commerce tient à cela.
Quant à M. Pitte, il est géographe et non juriste. En termes de droit administratif, il n’avait pas "compétence" pour signer un tel accord. M. Henin n’a qu’à "ester en justice" et trouvera gain de cause … En outre, la Constitution prévoit que des accords bilatéraux puissent être ratifies par le Parlement : ou est la représentation nationale dans cette affaire ? Il parait qu’on aura même bientôt des députes pour l’étranger …
Enfin, il existe probablement en France ou ailleurs un petit malin qui n’est pas encore sorti du bois et qui a du faire la démarche a l’INPI pour déposer la marque "Sorbonne". En quoi une institution est-elle "légalement" ( ???) propriétaire du nom qu’elle porte ?
Pour être juste, pour une Sorbonne qui s’installe dans le Golfe, vingt établissements américains , canadiens, australiens, … Nos chicaillas franco-francaises et notre orgueil désintéressé (vraiment ? ) nous aveuglent sur cette réalité qu’il faut quand même énoncer. Il y a bien derrière la Sorbonne ou telle autre Université française des enjeux nationaux en termes de présence française, d’influence française et éventuellement des contrats, des marchés qui donneront de l’emploi à ceux qui sortent (ou s’en sortent) des Universités … A ce titre Pitte a bien mérité de la patrie, tout comme Hénin qui a tente de se démener. Pour deux présidents d’Université activistes, combien de présidents-fonctionnaires qui se contentent de leur chaire tranquille d’où ils mandarinent diafoirussement et de mettre des coups de tampons sur des diplômes d’autant plus ronflants qu’ils sonnent de plus en plus creux, faute de contenus professionnels, pointus, adaptés, conférant à l’étudiant un veritable crédit …
Au final, un reglement transactionnel entre Paris 1, Paris 4, la Republique et les Emirats est probablement la meilleure piste …
Pauvre Université, pauvre France … Saint-Sorbon, ora pro nobis !