En ces temps de rigueur budgétaire et de coupes claires dans son budget, le ministère de la Recherche ne veille pas trop à son grisbi.
Des fonds qui ont l’air de profiter plus aux entreprises qu’aux chercheurs qu’ils sont censés financer, c’est ce qui ressort lorsqu’on examine l’une des antennes du ministère de la Recherche, l’Association nationale de recherche et technologie (ANRT). Une belle et bonne œuvre qui, via le CIFRE (convention industrielle pour la formation et la recherche), « subventionne toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au cœur d’une collaboration de recherche avec un laboratoire public. » Un superbe lien entre entreprise, université et recherche.
En moyenne, 45 000 euros de subvention pour l’entreprise (plus un crédit d’impôt) sur trois ans, intégralement « versés par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui en a confié la mise en œuvre à l’ANRT ».
Un étudiant-chercheur qualifié, une subvention, un partenariat avec un labo, l’entreprise a tout à y gagner… D’autant que l’ANRT se veut peu regardante sur l’utilisation de son magot, du devenir de l’étudiant, et des obligations de l’entreprise. Un petit manque de suivi dont a pu se rendre compte Julien M.
Conventionné Cifre en 2005 avec la société de biotechnologie TBC, le jeune thésard pense toucher 30 000 euros par an de la part de son entreprise, tel qu’indiqué dans sa convention Cifre… Ou du moins les « 23 484 € brut annuel », plancher en dessous duquel ne veut descendre l’ANRT… Raté, son contrat, pourtant passé sous les fourches caudines de l’asso, plafonne à 21 000 euros brut annuel.
Pas franchement enclin à rechercher une autre entreprise pour terminer sa thèse, le garçon avale une première couleuvre. Qui sera suivi d’un petit nid de serpents. L’ami Julien voit en effet ses salaires, et ce dès 2005, n’être versés qu’au compte goutte… tout comme ses feuilles de paie. Mieux, les salaires indiqués et ponctuellement réglés ne correspondent pas au contrat signé qui prévoyait 1 750 brut par mois (soit 21 000 euros annuel), déjà en dessous du seuil obligatoire. Sympathique. Dernière petite douceur, aucune déclaration aux caisses de retraite n’est réalisée, quand bien même des retenues en ce sens, sont inscrites sur la feuille de salaire.
Au final, près de 70 000 euros de débours pour le chercheur en trois ans… En revanche, l’entreprise a, elle, bien perçu ses 45 000 euros de subvention, sans que l’ANRT ne trouve rien à y redire… Alertée en 2006 par le chercheur sur les difficultés rencontrées et l’utilisation étrange de la subvention Cifre, elle a gentiment fait envoyer promener Julien. Et l’ANRT de lui expliquer que les relations entre l’association et la société « ne le concernent pas ». Sympa.
En attendant une éventuelle procédure pénale, le différend opposant TBC à Julien passera le 6 mai devant les prud’hommes.
Manifestez tranquilles chercheurs, vos subventions sont bien gérées…
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Parmi les rumeurs de couloir que je suis amené à entendre (les machines à café communes à plusieurs laboratoires sont toujours bruissantes d’informations) est arrivé à mes oreilles que certaines entreprises pharmaceutiques utiliseraient le crédit impôt-recherche pour se faire un cash-flow : sur X crédit d’impôt (dont l’argent est censé être intégralement utilisé en R&D, ou du moins tel est le principe) une portion seulement arriverait effectivement aux laboratoires de R&D.
beaucoup de conditionnel dans tout cela, mais une piste à creuser ? En tout cas, les thésards sont la chair à canon de la recherche, ça c’est vrai et ça ne change pas à travers les âges … sauf prudhommes.