Art, argent, musées et dépendances.
Le temps du Beau, de la Culture et de la sacralisation des œuvres d’art est révolu. Place à la profanation des Œuvres, aux « musées-emporium », à la « Ruée vers l’art », au capitalisme culturel ! Ce point de vue, c’est celui de Jean Clair, historien de l’art qui fut également longtemps directeur du musée Picasso à Paris. Il vient de publier un livre, Malaise dans les musées, paru le mardi 2 octobre aux éditions Flammarion, dans la petite collection Café Voltaire dans lequel il s’insurge contre la marchandisation de la Culture. L’exemple le plus provoquant : la création « d’un petit Louvre dans la capitale de l’Etat Fédéral des Emirats Arabes unis (EAU) , (…) avec des œuvres louées des collections françaises » afin de, comme l’affirme entre autres Jean-René Gaborit, conservateur général honoraire du Patrimoine dans une « Lettre ouverte à Jack Lang » datée du 12 janvier 2007, « obtenir, pour l’industrie française, la commande d’un certain nombre d’avions de combat » (p. 44).
Et les initiateurs du projet d’accroître le malaise de nombre de conservateurs et autres personnels des musées en bafouant l’éthique du lieu des muses. D’abord, « l’idée d’une contrepartie financière constitutive du projet (la France a reçu une somme évaluée entre 700 millions et un milliard d’euros) » contrevient à cette éthique « qui a pour fondement le désintéressement des prêts, seul garant de la préservation des œuvres et d’une diffusion culturelle équitable » (p. 47). Ensuite, « cette coopération (…) a été passée avec un pays où il n’y a pas de divisions entre les intérêts de l’État et ceux de la famille régnante. Il s’est donc agi, pour l’Etat français, de traiter avec une collection privée, propriété de l’émir d’Abou Dhabi » (p. 49). Or, aucun État n’a jamais « aliéné ses collections » aux intérêts d’un particulier. Ce fait sans précédent ne mobilise guère les médias de l’hexagone. Quant à la responsabilité de l’État français dans les conditions de travail déplorables des ouvriers du chantier du Louvre aux EAU, seuls trois sites Internet se sont jusqu’à présent intéressés au sujet (cf. humanrightswatch.org).