Après sept semaines de procès, Yvan Colonna a été condamné à perpétuité, assorti d’une peine de sûreté de 22 ans, pour l’assassinat du préfet Erignac, le 6 février 1998. Et le brouillard reste total !
A quelques heures du verdict dans le procès d’Yvan Colonna, personne ne comprend plus très bien les conditions dans lesquelles le Préfet Claude Erignac a été abattu, touché à la tête de plusieurs coups de feu, le 6 février 1998, à 21 heures 05, alors qu’il remontait l’avenue Colonel Colonna d’Ornano, à trente mètres du théâtre « le Kalliste ». Du travail de pro chez les tueurs, du travail d’amateur du coté de l’appareil répressif !
Après onze ans d’instruction et trois procès en assises (le premier contre les complices de Colonna et les deux suivants en la présence de l’assassin présumé), les zones d’ombre restent nombreuses. Si de très fortes présomptions existent désormais pour considérer que Colonna a participé à l’opération, rien aujourd’hui ne démontre, de façon irréfutable, que c’est lui qui aurait tiré. Seules les premières déclarations de ses présumés complices, alors que lui était en fuite, vont dans ce sens.
Or, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, n’avait pas hésité à déclarer en 2003, lors de l’arrestation d’Yvan Colonna : « La police française vient d’arrèter … l’assassin du Préfet Erignac ». C’était aller vite en besogne et accréditer la thèse, courante en Corse, selon laquelle Yvan Colonna était condamné d’avance.
En tout cas, la défense de Colonna, en jetant le trouble dans les esprits, aura réussi un véritable exploit politique. Un Préfet, symbole de l’Etat, a été abattu en Corse. Or, c’est la justice française, aujourd’hui, qui apparait sur la défensive. Même « si on se fait guère d’illusions sur le verdict », concède l’un des conseils du berger de Carghèse
Bakchich revient sur les principaux errements qui ont semé la confusion et le doute dans l’opinion.
Près de vingt personnes ont été témoins du crime. Pas un ne reconnait Colonna. Ainsi Jean Pierre Versini, un enseignant de 61 ans, décrit les membres du commando avec précision, le premier, « longiligne », et le second « grassouillet ». « En tout cas, pas du tout monsieur Colonna qui ne cadre pas avec mon visuel ». Autre témoin, Joseph Colombani, haut fonctionnaire corse et ami de Claude Erignac, a expliqué aux jurés aux deux procès qui se sont succédés : « J’ai regardé Yvan Colonna ici même en 2007 et je n’ai pas eu le déclic. Je le regarde aujourd’hui, et je n’ai pas de déclic. »
« J’ai eu le temps de le regarder et je suis sûre et certaine, ce n’est pas lui », assure quant à elle Marie-Ange Contard, croupière de casino et passagère d’une voiture qui circulait, le soir du crime, aux abords du lieu de l’exécution.
Ces témoignages ont naturellement servi la défense de Colonna. D’autant plus qu’aucune reconstitution n’a pu avoir lieu, faute de l’acceptation des principaux accusés.
Ce sont les listings d’appel téléphonique des portables des membres du commando présents sur les lieux du crime, qui ont permis de les confondre peu après leur arrestation. Seul hic, Yvan Colonna ne possédait pas de portable. Il n’existe, dans ces conditions, aucune preuve matérielle de sa présence sur les lieux.
Reste le pistolet automatique retrouvé à proximité du corps avec, deux mètres plus loin, le chargeur. Or l’arme a été dérobée, le 6 septembre 1997, lors d’un attentat à l’explosif commis contre la gendarmerie de Pietrosella. Or l’affaire a été instruite au cordeau par le juge anti terroriste Gilbert Thiel et jugée en 2003. La justice a considéré qu’Yvan Colonna était présent à Pietrosella, comme les principaux membres du commando Erignac, et les a condamnés, malgré les dénégations de Colonna.
La participation de Colonna à cette opération ne prouve pas, pour autant, qu’il ait lui même tiré les coups de feu contre Erignac.
Vingt-quatre heures s’écoulent entre l’arrestation, par la DNAT, des premiers membres du commando et la tentative d’interpellation de Colonna, qui entretemps a pris la fuite. D’intenses polémiques sont revenues sur cette erreur manifeste. Le commissaire Roger Marion, qui dirigeait ces opérations, a été soupçonné d’avoir laissé partir Yvan Colonna, en raison des liens que certains de ses amis du ministère de l’Intérieur (socialiste à l’époque) entretenaient avec le père d’Yvan, Jean-Hugues Colonna.
Ce dernier, un ancien député socialiste devenu un notable influent en Corse, s’intéressait sur l’île à des opérations immobilières. Un incident l’opposa même au préfet Erignac, comme Libération l’avait raconté..
Résultat, les principaux membres du commando dénoncent, très vite après leur arrestation, le rôle d’Yvan comme étant le tireur. Ces déclarations sont accablantes, circonstanciées, réitérées. C’est l’atout maître du ministère public, même si, depuis, ils sont revenus sur leurs accusations. Hélas, il n’aura pas été possible, lors de leurs aveux, de les confronter à celui qu’ils accusaient.
La fuite de Colonna ne plaide pas en sa faveur. Mais elle n’indique pas, pour autant, quelle fut sa participation exacte à l’assassinat. Complice ? Tueur ? Ou encore, comme cela fut soufflé par Pierre Alessandri, un des membres du commando. Est-ce que Colonna se serait désisté au dernier moment de sa responsabilité, cette désertion expliquant que ses comparses l’auraient plombé face aux flics ? Le doute encore et toujours !
Toutes tendues vers l’objectif de l’arrestation de l’assassin présumé du préfet Erignac, la DNAT, les RG, la P.J. et la gendarmerie n’ont cessé de se tirer dans les pattes lors de l’enquête pour être les premiers sur le coup. Et arracher au passage la reconnaissance en Sarkozie. De nombreuses pistes, qui se révèleront être des impasses, ont été suivies par les enquêteurs. La piste agricole, celle des pompiers, des patrons de discothèques, des réseaux corses en Afrique, du casino d’Ajaccio ou encore des tueurs venus de Miami. Autant d’auditions, autant d’échecs. Et une concurrence très forte -trop forte ?- entre les différents services de police. Le patron de la DNAT, Roger Marion accusera même celui du SRPJ Demetrius Dragacci d’avoir informé la famille de Colonna des suspicions qui pesaient sur Yvan favorisant ainsi sa fuite. A cela, faut-il encore ajouter l’enquête parallèle menée par le successeur d’Erignac, le préfet Bonnet et le groupe de pelotons de sécurité (GPS). Autant d’éléments parallèles forcément défavorables à la manifestation de la vérité.
Il était normal que leur procès démarre sans Yvan Colonna, puisque ce dernier était en fuite. Mais, huit jours avant la fin du procès, le présumé tueur est arrêté, le 4 juillet 2003. Une bonne justice aurait voulu que le tribunal décide de joindre le cas d’Yvan Colonna aux autres.
Le Parquet général plaida en ce sens. Hélas, les magistrats du siège en décidèrent autrement et ce premier procès de l’affaire Erignac se termina en l’absence du principal accusé.
Ce fut une belle occasion ratée de confronter Yvan Colonna à ses présumés complices. Ce qui n’avait pas pu être fait en garde à vue, pouvait l’être cette fois. L’épreuve de rattrapage aura été, elle aussi, ratée.
Face à une défense remontée et créative, qui fit feu de tout bois, il aurait fallu un président de tribunal habile et courtois. Ce que Didier Wagogne ne fut pas. Sa mauvaise gestion de l’affaire Vinolas a définitivement fait déraper le procès et lui a valu une demande de récusation de la part de la défense. « On a l’impression d’être devant une junte birmane ! Vous êtes disqualifié, vous êtes indigne de présider ces débats, vous devriez partir ! », déclare au président Wagogne un des avocats de Colonna, Antoine Sallacaro, l’arbitre des élégances au barreau d’Ajaccio.
Tout autre avait été le climat lors du premier procès de Colonna devant les assises. Le président du Tribunal d’alors, Dominique Coujard, usa de tous ses talents humains et de sa connaissance du dossier pour faire passer la pilule de la réclusion à perpétuité contre Colonna, sans que la défense ne le prenne à partie. Ni que le doute soit semé dans l’opinion
La Justice d’assises est un étrange théâtre, où l’intime conviction doit plus parfois à la qualité des intervenants qu’aux arcanes du code pénal. Cette fois, le président du tribunal fut mauvais, les avocats de la Défense brillants et l’opinion publique déboussolée.
Le cours du procès fut tellement sinueux que les journalistes sortirent de leur nécessaire réserve. La bataille fit rage sur les bancs de la presse.
L’ Association des journalistes judiciaires aura été mise à feu et à sang sur le cas Colonna. Le camp des pro Colonna fut animé par le Figaro et le Parisien le le camp des anti par la représentante de l’AP. Un dîner de réconciliation avait même été proposé, mais sans succès. C’est dire le climat délétère qui a présidé les audiences pendant sept semaines.
Sur l’Ile, le courant nationaliste est prêt à voir dans la condamnation à perpétuité, réclamée par le Parquet hier en fin d’après midi et sans doute confirmée aujourd’hui, une nouvelle affaire Dreyfus. Dans ces conditions, les spécialistes les plus avertis de la situation en Corse craignent une forte flambée de violence, à l’annonce du verdict.
Les plus pessimistes des experts prévoient même un scénario catastrophe : « Pendant onze ans, l’assassinat d’Erignac a accaparé les services de l’Etat au plus haut niveau, laissant le champ libre aux intérêts mafieux dans l’île. Or ces mêmes intérêts, après le procès chaotique auquel on a assisté, sont dans la situation la plus favorable pour frapper à nouveau un grand coup ». La théorie du cadavre exquis.
Bien sûr, on ne s’ennuie pas avec les affaires corse. Mais au bout d’un moment, ça use !
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Après avoir également lu l’article paru dans les colonnes du journal le figaro, que dire de certains propos ? : Monsieur Chabert, il est indigne de traiter de lâche Yvan Colonna. La lâcheté c’est de la peur consentie et l’attitude d’Yvan de refuser d’assister à ce qu’il considérait comme une mascarade, c’est tout simplement de la dignité. La Justice est passée dites-vous. Vous vous trompez, elle a trépassé. Corsica Libera que je ne connais pas, a bien raison de réclamer la fin de notre justice d’exception.
Edmond Siméoni voit juste en disant que la volonté provocatrice de la justice est un problème qui concerne le peuple français. L’indépendance de la Justice doit être garantie non plus par son omnipotence intouchable qui permet de couvrir les crimes et de condamner des innocents présumés !
Une cour suprême de citoyens contrôlant la Justice apparaît nécessaire. Une police des juges des juges est comme le dit critiqueduliberalisme.com le passage obligé pour ne plus connaître les effets maffieux des réseaux qui nous gouvernent, les juges et les politiciens s’innocentant en s’enfermant dans leurs tours d’ivoire communiquant par des souterrains invisibles !
Je souhaite vivement que Jean Talamoni voie clair en prédisant chez ceux qui refusent ce verdict une grande combativité. Face à l’incurie des députés qui font les lois, il est temps que se lève le peuple des citoyens qui va choisir de nouveaux représentants à l’Assemblée Nationale pour avoir enfin la capacité et l’assurance de mettre en place toutes les mesures CONCRETES pour que CHAQUE citoyen puisse vivre digne et libre sur une terre française qui réchauffe son âme.
Je précise que je ne suis pas corse. J’aime leur attitude fière et romantique, leur proximité de la nature qui, il est vrai, les a gâtés. Ce n’est pas pour autant que je les aime tous. Je peux même dire que j’en exècre certains dont précisément membres de la justice pour des raisons d’inhumanité scandaleuse qui éclateront sans doute bientôt au grand jour.
Maître de Maisonneuve dites-moi quel tort a la justice de « nous défier » …, si nous ne transformons pas son pouvoir, si nous n’en enlevons pas tout ce qui est nauséabond ?
Ces éléments auraient dû bénéficier à l’accusé et le faire acquitter.
vous avez oublié la lettre du père de Colonna reconnaissant la culpabilité de son fils et une version plausible, Colonna avait prévu de participer à ce commando mais se serait désisté.
Le père ami avec Roger Marion, c’est fou le nombre de gôchôs au grand coeur, ayant fricoté avec Pasqua du SAC-GUD et ses réseaux mafieux…
"Près de vingt personnes ont été témoins du crime. Pas un ne reconnait Colonna. Ainsi Jean Pierre Versini, un enseignant de 61 ans, décrit les membres du commando avec précision, le premier, « longiligne », et le second « grassouillet ». « En tout cas, pas du tout monsieur Colonna qui ne cadre pas avec mon visuel ». Autre témoin, Joseph Colombani, haut fonctionnaire corse et ami de Claude Erignac, a expliqué aux jurés aux deux procès qui se sont succédés : « J’ai regardé Yvan Colonna ici même en 2007 et je n’ai pas eu le déclic. Je le regarde aujourd’hui, et je n’ai pas de déclic. »
« J’ai eu le temps de le regarder et je suis sûre et certaine, ce n’est pas lui », assure quant à elle Marie-Ange Contard, croupière de casino et passagère d’une voiture qui circulait, le soir du crime, aux abords du lieu de l’exécution.
Ces témoignages ont naturellement servi la défense de Colonna. D’autant plus qu’aucune reconstitution n’a pu avoir lieu, faute de l’acceptation des principaux accusés.