La manifestation des indépendantistes corses le 4 avril à Bastia a dégénéré. Entre cagoules, chemises noires, cocktail molotov… Enrico Porsia, qui couvrait l’événement pour Bakchich a été agressé.
La sentence du procès Colonna venait à peine de tomber. Le vieux leader nationaliste Edmond Simeoni lance un appel « à la mobilisation de la jeunesse corse ».
Lundi 30 mars 2009, des centaines de jeunes désertent les bancs de l’école et descendent dans la rue partout en Corse. A Bastia, la « mobilisation » des jeunes est au plus fort. Ils sont lycéens, collégiens. Ils ont 13, 14, 17 ans. Ils sont fièrement habillés en chemise noire, nouveau signe distinctif des nationalistes. Ils n’ont aucune conscience politique, ils ne savent même pas pourquoi ils manifestent… contre le système colonial français.
Ils sont violents. Très nerveux. Ils ont la haine. Ils s’en prennent d’abord aux poubelles. Ils les brûlent. Ensuite, ils cherchent le contact avec les CRS. Durant les affrontements, ces derniers font un abondant usage de grenades lacrymogènes. Un usage pas toujours régulier. Les tirs tendus se multiplient. Un jeune reçoit un lacrymo en plein visage. Coma. Il échappe à la mort par miracle.
Hier, samedi 4 avril, « c’est la revanche », disent les jeunes en chemise noire.
Les indépendantistes de Corsica Libera, en perte de vitesse face aux autonomistes du Parti de la Nation Corse, veulent récupérer ces jeunes agités. Corsica Libera appelle à manifester à Bastia.
Environ 3.000 personnes répondent présent. Les manifestants parcourent le boulevard Paoli, principale artère de la ville, dans le calme. Ensuite, ils se rassemblent devant la préfecture. Après quelques interventions, très applaudies, les leaders nationalistes appellent les manifestants à se disperser dans le calme…
Il est 18 heures. Des jeunes masqués surgissent de la rue Carnot, des cocktails Molotov à la main. Ils ont soigneusement préparé leur attaque. Ils remontent l’avenue du Maréchal Sebastiani et balancent les bouteilles incendiaires sur les gendarmes mobiles en poste devant la préfecture, square du Maréchal Leclerc. La riposte est immédiate. Une pluie de grenades lacrymogènes rend l’air irrespirable. Les camions anti-émeute repoussent les manifestants. Je fais quelques photos. Un responsable du mouvement indépendantiste me demande de ne pas prendre les jeunes de face.
Les manifestants se replient vers la place St-Nicolas et attaquent la mairie de Bastia. Les CRS, qui protègent le bâtiment, multiplient les tirs de lacrymogènes. Sans charger. Visiblement, les responsables de la sécurité sur l’île ont la crainte d’une nouvelle bavure. Ils ont des ordres. Pendant deux heures, les CRS en poste devant l’hôtel de ville se font caillasser, sans bouger. Seules les grenades lacrymogènes sont tirées régulièrement. En ce samedi 4 avril, nous n’avons pas vu un seul tir tendu. Vers 19 heures, les jeunes manifestants s’en prennent au Crédit agricole, sur la place St-Nicolas. L’agence est saccagée et incendiée. Les forces de l’ordre ne chargent pas. Ils se contentent de multiplier les tirs de lacrymogènes. La place St-Nicolas est envahie par les gaz.
Je cherche à approcher les jeunes casseurs. Je les suis pendant qu’ils harcèlent les CRS. Je leur demande si je peux prendre des photos. Ils sont masqués. Un jeune, très excité, avec un masque à gaz et un gros caillou dans les mains, me crie dessus. Je demande si je peux le prendre en photo, au moins de dos. Il refuse sec. Il est de plus en plus agressif et nerveux. Je me déplace. Un peu plus loin, je vois surgir, au milieu du brouillard provoqué par les gaz, un autre jeune, un drapeau corse à la main. Il n’est pas masqué. Je l’approche et je lui demande si je peux le prendre en photo, de dos, avec son drapeau. Je n’ai pas le temps d’attendre la réponse. Le type avec le masque à gaz me tombe dessus. « Pas de photo je t’ai dit ».
Il n’est pas seul. Je me retrouve entouré par une trentaine de jeunes encagoulés. Hyper agressifs. Ils me prennent pour un flic. Je leur dis que je suis journaliste. Je leur parle en italien. Ils ne comprennent pas. « Parle en Français ! », crient les jeunes « nationalistes » en chemise noire. Je suis encerclé par des gosses encagoulés. Mon petit appareil photo m’est arraché des mains. Je proteste, car je n’ai pas « volé » des images. J’ai demandé. Pour toute réponse, ils fracassent mon appareil en le lançant par terre. Ils me poussent. Nous sommes au bord du lynchage.
Un lynchage auquel j’échappe de très peu, grâce à l’intervention d’un responsable de Corsica Libera. « Arrêtez, c’est Porsia. C’est le journaliste qui a sorti l’enquête sur Rocca Serra et Santini. Il est avec nous. Il est contre la France ! » Je réplique : « Je ne suis ni avec vous, ni contre la France. Je suis journaliste ! » - « Viens, pars d’ici vite. Il ne s’est rien passé », me dit le responsable indépendantiste. « Non, il s’est passé que mon appareil photo a été volé et cassé », je réponds. Les jeunes sont de plus en plus agressifs. Le responsable indépendantiste n’arrive pas à les raisonner. Les jeunes ne reconnaissent pas son charisme. « Viens, il faut partir tout de suite ». Un autre adulte surgit et se fait large au milieu des jeunes. Un type grand et gras. « Il faut que tu t’en ailles maintenant ! », m’ordonne le responsable de Corsica Libera, pendant que son visage change de couleur. Il vire complètement au blanc. Il a peur qu’on me massacre. Et il me fraie un chemin au milieu des chemises noires encagoulées.
Je ne vois même pas le coup venir. C’est l’autre adulte, grand et gras. Il n’a pas pu s’empêcher de me frapper. Alors que je lui tournais le dos. Son coup s’écrase sur mon oreille. Une grosse gifle, la main ouverte, mais portée avec une certaine puissance. « Il faut vraiment que tu t’en ailles », me répète le responsable indépendantiste. Qui m’accompagne hors de la foule. Son visage est complètement livide. Il ne contrôle plus rien, et il a peur que je sois lynché pour de bon.
Je suis son conseil. Les chemises noires n’aiment pas la presse. Il est 20 heures.
Bilan de la journée. Une cinquantaine de blessés parmi les forces de l’ordre, dont 6 grièvement. Les jeunes casseurs ont aussi tenté d’incendier la mairie annexe de la ville de Bastia sur la place du marché. 3 manifestants ont été légèrement blessés à leur tour. Aucune interpellation n’a eu lieu. Et Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, débarque aujourd’hui en Corse.
Rectificatif : Sur une séquences de France 3 Corse on distingue nettement un CRS assurant la protection des locaux de l’hôtel de Ville de Bastia en train de tirer un projectile en caoutchouc à hauteur d’homme . Notre journaliste, à ce moment là du côté du Crédit Agricole, n’a donc pas pu le voir
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Bonsoir tout le monde, désolé j’y remet ma couche.
Mr Porsia, la Corse peut avancer avec des gens comme vous qui n’ont pas peur de dire ce qu’il faut quand il faut mais là cela dépasse l’entendement. Passons pour l’amalgame des chemises noires mais parler des tags fascistes là non ! D’un il n’y a eu que deux tags, vous en faites une généralités, et oui la jeunesse Corse n’est pas du coté du Duce, quand même avec votre intelligence et un peu de recul, imaginez un instant le tagueur : surement pas un grand philosophe, voir un abruti du quartier pris dans son euphorie débile.
Pour finir, je ne nie pas votre agression si elle s’est vraiment passée dans les conditions citées mais étant moi même étudiant donc faisant parti de cette jeunesse corse en quête d’une voie sereine je suis indigné de vos propos nous qualifiant de racistes et sans aucune conscience politique. C’est bête mais en fait votre récit aurait pu être écrit par un certain C.Barbier…
J’étais en ville ce jour là, et je peux témoigner.
Cette jeunesse est à jeter à la poubelle.
Je suis corse, et j’ai eu honte de ce que j’ai vu.
Aucune conscience politique, aucune idées, aucun discours.
Des casseurs, ni plus, ni moins.
Si la jeunesse est l’avenir d’un pays, alors autant le dire de suite, la Corse n’a pas d’avenir.
30 ans de lutte pour en arriver là…
Je suis écoeuré.
Bonjour,
apparemment que M. Porsia, notre journaliste ait failli se faire lyncher sur place ne suffit pas. Certains veulent le lyncher réellement, ou dans les commentaires. Pour connaître Enrico depuis un moment sachez juste que les menaces et intimidations ne l’ont jamais intimidé. Que ses enquêtes sur la Corse ou ailleurs sont étayés et courageuses, toujours, et très souvent gênantes pour quelques uns. Et à ceux là sachez juste qu’il est inutile de le menacer, ou de menacer Bakchich. Ce genre de méthode nous conforte plutôt. Nous sommes des poils-à-gratter. Alors messieurs les censeurs, grattez-vous, nous ne nous tairons pas. Et sitôt qu’Enrico aura quelque chose à dire, nous serons ses porte-voix.