Ce lundi, 11 ans après l’assassinat du préfet Erignac, débute le procès en appel d’Yvan Colonna, condamné en première instance à la perpétuité. Avec un seul but, obtenir plus qu’une demi-vérité.
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité sans peine de sûreté au mois de décembre 2007, l’assassin présumé du préfet Erignac n’a jamais cessé de clamer son innocence. Depuis la prison de Fresnes où il reçoit trois fois par semaine la visite de ses proches, le berger de Cargèse s’apprête ce lundi 9 février à comparaître devant la cour d’assises spéciale de Paris où, une fois de plus, il fera face au clan Erignac.
« Sa détention se passe bien », confie l’un de ses avocats. Comme le relatait le Figaro, Yvan Colonna est « un prisonnier sans histoire. Il a appris l’italien avant de se mettre au basque, il fait du sport, ne regarde guère que les informations à la télévision. Il dévore les livres. Parmi ses dernières lectures : Gomorra, de Roberto Saviano, Le Successeur, de Kadaré, La Colonie horticole de Saint-Antoine (bagne pour enfants à Ajaccio sous le Second Empire), mais aussi Récupérer les eaux de pluie ou Se chauffer au bois ». De saines lectures, mais dont on voit mal comment elle pourrait appuyer l’argumentaire de sa défense.
Pour beaucoup, Yvan Colonna était condamné d’avance. Les déclarations de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, le jour de l’arrestation de Colonna, assurant avoir mis fin à la cavale de « l’assassin du préfet Erignac », aurait scellé définitivement le sort du berger. Après avoir hésité, la défense de Colonna a d’ailleurs décidé de porter plainte contre Nicolas Sarkozy pour atteinte à la présomption d’innocence. Une affaire hautement symbolique qui sera jugé en appel à partir du 4 mars.
Dans un texte transmis à Bakchich, Jacques Bernard, délégué départemental du comité de soutien à Yvan Colonna écrit : « A l’instar d’un Patriot Act américain qui s’est ouvert sur les abus les plus liberticides, se caricaturant avec Guantanamo et ses régimes d’exception, la Loi française a institué une Justice anti-terroriste dont les méthodes et les polices relèvent de l’arbitraire. C’est en effet seulement dans ce genre que, par une très inquiétante inversion du Droit, c’est à l’accusé qu’il appartient, comme pour Yvan Colonna, de faire la preuve de son innocence et non à l’accusation de faire celle de sa culpabilité ! Laisser prospérer un si révulsant mécanisme ne reviendrait pas seulement à se passer la corde au cou, mais aussi à ouvrir soi-même la trappe pour se pendre ! » Déjà, lors de l’enquête, Yvan Colonna s’étonnait de la capacité qu’avait les enquêteurs à « faire parler le silence. »
De son côté, Dominique Erignac, la veuve du préfet, est sortie de son propre silence pour demander à Yvan Colonna de reconnaître sa culpabilité. Dans une interview au JDD, parue dimanche 8 février, elle affirme : « On parle toujours de l’honneur corse. M. Colonna pourrait peut-être avoir l’honneur et le courage de nous donner la vérité. »
Car de vérité absolue, le premier procès à peiné à en dégager. Incertitudes des témoins oculaires, doutes du médecin légiste, méthodes controversées des flics du commissaire Roger Marion : les tâtonnements de l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac ont en effet soulevé quelques doutes. Surtout, la condamnation du berger corse a laissé sans réponse quelques questions fondamentales posées par l’affaire Erignac. La justice a dû reconnaître par exemple qu’elle n’avait pas appréhendé la totalité du groupe dit des « anonymes » responsable du meurtre. Les instigateurs intellectuels de l’attentat restent également impunis. Bref, un certain nombre d’énigmes demeurent et pourraient éventuellement bénéficier à l’accusé. Surtout dans le cas où la défense de ce dernier se préparait éventuellement à sortir, le moment venu, une nouvelle carte de son chapeau…
Celle-ci pourrait bien venir s’abattre sur les déclarations des membres du commando. Les uns et les autres ayant réussi à dire, avec plus ou moins de conviction, tout et son contraire. Ces hommes, mais aussi leurs compagnes, ont, dans un premier temps dénoncé « Yvan » comme étant le tireur, pendant leur garde à vue, en mai 1999. Déclarations accablantes, circonstanciées, réitérées - l’atout maître du ministère public. Ainsi Pierre Alessandri déclare-t-il à la police lors de sa garde à vue : « Mon rôle consistait à assurer la protection de celui d’entre nous chargé d’exécuter le préfet Claude Erignac, à savoir Yvan Colonna. » (…) « C’est Colonna personnellement qui avait en charge d’assassiner le préfet Claude Erignac au moyen d’une arme que nous avions dérobée lors de l’action menée contre la Gendarmerie de Pietrosella. » Et d’ajouter : « C’est lui qui a abattu le Préfet Claude Erignac. ».
Avant, des mois plus tard, de se rétracter. Le 26 décembre 2000, le même Alessandri assure aux enquêteurs : « Je voudrais juste vous dire qu’Ivan Colonna n’était pas sur le lieu de l’assassinat du Préfet de Région. » Sans plus d’explications.
Didier Maranelli, un autre membre du commando, lui emboite le pas : « Je tiens à déclarer qu’Yvan Colonna n’a jamais fait partie du groupe auquel j’appartenais. » Ajoutant, quelques temps plus tard, avoir été « mû » lors de ses premières déclarations accusant Colonna par « la peur de voir mes proches inquiétés » par les enquêteurs de la Division nationale Anti-Terroriste qui lui avaient intimé d’accuser Yvan Colonna.
Au procès de 2007, Pierre Alessandri, Didier Maranelli, Alain Ferrandi et les autres ont défilé, pour dire du bout des lèvres, sans un regard pour l’accusé, que celui-ci n’avait pas participé au crime d’Ajaccio. Ce fut pire encore que quand ils le chargeaient - le tournant des débats. Reste à la défense d’expliquer dans quel but, le commando a dans un premier temps accusé le berger de Cargèse. Devant le manque de conviction des membres du commando à le disculper, Yvan Colonna les a accusé de « protéger quelqu’un d’autre ou quelques-uns ». Reste à savoir qui.
Yvan Colonna a donc -sans surprise- l’intention de bâtir une défense offensive en s’attaquant aux errements des enquêteurs de l’ancienne Direction Nationale Anti-Terroriste (DNAT) qui l’avaient confondu. Sur les 21 témoins que ses avocats ont décidé de faire appeler à la barre, 13 sont en effet des policiers ayant participé à l’enquête sur le meurtre du représentant de l’Etat dans l’île de Beauté, avec des moyens souvent très contestables.
Toutes tendues vers l’objectif de l’arrestation de l’assassin présumé du préfet Erignac, la DNAT, les RG, la P.J. et la gendarmerie n’ont cessé de se tirer dans les pattes lors de l’enquête pour être les premiers sur le coup. Et arracher au passage la reconnaissance en Sarkozie.
Mais, oh surprise, le berger corse n’a pas fait citer le patron du service de l’époque, le pittoresque Roger Marion dit « Eagle Four » (comprendre- « y-gueule fort »). L’ami Marion avait, comme Bakchich vous l’avait conté, attendu quelques jours avant de lancer la chasse au Colonna, malgré les accusations de certains gardés à vue. Avec à la clé, 4 ans de cavale. Un temps de réaction qu’il avait justifié à l’époque en rejetant la faute sur certains de ses collègues des RG. Lors du premier procès, Marion avait, sans ambiguïté, chargé Colonna assurant à l’avocat de la famille Erignac que « bien évidemment », Colonna était parmi les tueurs du préfet de Corse. Justifiant par la même occasion ses méthodes policières et donc les premiers aveux du commando. Une déclaration qui, comme Claude Guéant avait dû le confirmer à la barre, avait été faite sans aucune pression de l’Elysée.
A lire ou relire sur Bakchich.info
Cher Simon Piel,
Je découvre tardivement votre article, mais je le lis attentivement. Je dois être le seul, d’ailleurs : comme presque toujours chez Bakchich, le fond est pertinent, mais le texte, manifestement non relu, se trouve entaché de grosses erreurs.
Il y a la maladresse pitoyable, mais anodine : "comme Bakchich vous l’avait compté". Mieux vaut en rire.
Mais reprenons la dernière phrase de l’article : "Une déclaration qui, comme Claude Guéant avait dû le confirmer à la barre, n’avait été faite sans aucune pression de l’Elysée." Là, on ne comprend rien. Ce "n’avait été faite" est non seulement incorrect, mais enlève tout sens à la phrase. Que vouliez-vous dire, Simon ? La déclaration avait été faite sans pression de l’Elysée ? Ou au contraire n’avait pas été faite sans pression ?
Le plus bizarre pour moi, c’est que votre article est en ligne depuis plus de 10 jours dans cet état lamentable, sans rectification. Que fait la police ?
Aujourd’hui commence le second procès en appel d’Yvan Colonna, le plus célèbre de tous les prisonniers corses (je le précise, pour ne pas que l’on croie que son cas est unique).
Il avait été condamné en première instance à la prison à vie, pour un assassinat auquel il avait nié avoir participé, et pour lequel il n’existait aucune preuve matérielle de son action…
Le principal argument de ceux persuadé de sa culpabilité : sa fuite !
Ainsi donc, quoique je comprenne que cet évènement jette le doute, je vais vous proposer à vous qui me lisez, un petit jeu de rôle… Tout le monde peut participer, y comprit (et c’est même souhaitable pour confronter les points de vue), ceux convaincus de sa culpabilité…
Je vais vous demander de considérer qu’il est innocent, et de vous mettre à sa place dans les mêmes circonstances… Imaginez un instant… Un haut responsable est abattu pas loin de chez vous, et vous n’y êtes pour rien. À la suite de cet assassinat, la police procède à un très grand nombre d’arrestations sans preuves bien flagrantes ; certains des hommes arrêtés restent même plusieurs mois en prison, avant d’être libérés du fait d’un dossier totalement vide. Ainsi, Mathieu Filidori et Marcel Lorenzoni sont restés, plus d’un an en prison dans le cadre de l’enquête sur la mort du préfet pour rien (pour le cas de Mathieu Finidori, la police a même reconnu à posteriori avoir falsifié les preuves !). Jean Castela et Vincent Andriuzzi, furent présentés à tort comme les instigateurs de l’assassinat, et à ce titre ont fait respectivement 8 et 7 ans de prison, alors que le seul élément à charge était l’intime conviction de Roger Marion qui dirigeait l’enquête !
Puis, un an après le meurtre, tandis que les arrestations ne ralentissent pas, ce sont des amis à vous qui sont arrêtés, cette fois, avec des preuves formelles. Et puis, voilà qu’ils disent que c’est VOUS l’assassin. Vous faites une conférence de presse pour expliquer le contraire, mais voilà que vous découvrez, à votre grande surprise, votre photo en première page d’un magazine, avec comme texte en dessous : « Wanted, assassin »… Que feriez vous dans ce cas là ?