Pour éviter que le doute sur sa culpabilité profite à l’assassin du préfet Erignac, la justice veut vite le rejuger. Après que « Bakchich » a révélé que le procès en appel aurait lieu dès janvier 2009, la famille Colonna lance la polémique.
Branle-bas de combat dimanche dernier dans l’île de Beauté. La faute aux révélations de Bakchich sur le père présumé corse du colonel Kadhafi ? Si l’info sur le géniteur putatif n’est pas passée inaperçue en Haute-Corse, c’est un autre écho publié ici en fin de semaine qui a mis une partie de la Corse-du-Sud, cette fois-ci, en émoi. Surtout à Cargèse, le berceau de la famille Colonna. Ce jour-là, la sœur d’Yvan, le tueur présumé du préfet Erignac, condamné en fin d’année dernière à la réclusion criminelle à perpétuité, surfait sur Bakchich, son site d’information préféré. Christina Colonna est alors tombée sur le Confidentiel en question, mis en ligne en fin de semaine dernière, annonçant pour janvier 2009 la date du procès d’assises d’appel de son frère. Et l’animatrice du comité de soutien de son frère d’entonner, dans un communiqué outré rédigé sur le champ, son antienne préféré : le déni de justice.
A la lire, rejuger Yvan Colonna un an après son premier procès serait « le signe que l’affaire Colonna continue de gêner, sans doute autant que sa condamnation sans preuve en première instance ». Le délai qu’elle juge « extrêmement court et sans précédent », entre le premier procès et l’appel est pourtant tout à fait conforme à ce qui était prévu par les autorités judiciaires à peine la condamnation du prévenu acquise en décembre dernier. La représentante du procureur général Laurent Le Mesle dans la salle des pas perdus de la cour d’assises avait en effet évoqué à l’époque devant les journalistes ce délai d’un an. La veuve du préfet de Corse souhaitait elle-même un appel « qui arrive vite, dans moins d’un an si possible ». A ce moment-là, personne dans le clan Colonna ne s’en insurgeait.
Mais en lisant Bakchich, Christina Colonna s’est aperçue que plus Yvan retarderait son nouveau rendez-vous avec la justice française, plus les chances d’échapper à une condamnation seraient grandes. En décembre dernier, les cafouillages du début de procès d’assises ont en effet passablement ébranlés la conviction de culpabilité du berger corse qui dominait jusqu’ici dans l’opinion publique. Incertitude des témoins oculaires, doutes du médecin légiste, méthodes controversées des flics du commissaire Marion : les tâtonnements de l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac ont en effet soulevé quelques doutes. Surtout, la condamnation du berger corse a laissé sans réponse quelques questions fondamentales posées par l’affaire Erignac. La justice a dû reconnaître par exemple qu’elle n’avait pas appréhendé la totalité du groupe dit des « anonymes » responsable du carnage. Les instigateurs intellectuels de l’attentat restent également impunis. Bref, un certain nombre d’énigmes demeurent et pourraient éventuellement bénéficier à l’accusé. Surtout dans le cas où la défense de ce dernier se préparait éventuellement à sortir, le moment venu, une nouvelle carte de son chapeau…
Pour éviter que le doute ne s’instille plus avant auprès de l’opinion publique, le procureur général Laurent Le Mesle, l’ancien conseiller ès-affaires judiciaires de Jacques Chirac, a donc intérêt à ne pas repousser l’appel aux calendes grecques. Quitte, comme le soutient le comité de soutien du berger corse, à « expédier l’affaire Colonna au plus vite » ?