L’Etat Français a passé son temps à courir après les assassins présumés du préfet, sans s’interroger sur les commanditaires ou se demander "à qui profite le crime".
Née en Italie après l’assassinat d’un juge en 1982, la théorie du « cadavre exquis » s’applique parfaitement à la mort violente du préfet Erignac en février 1998. Lorsqu’un Etat démocratique est attaqué de plein front –et c’est le cas lorsqu’un grand serviteur de l’Etat succombe sous les balles d’un tueur–, tout l’appareil d’Etat se concentre très normalement sur la recherche des assassins, sous la pression de l’opinion. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs quelques sérieuses bourdes dans l’enquête. Comme Bakchich l’explique, Roger Marion a raté la bonne bergerie.
Chef de l’enquête policière en 1998, le préfet Roger Marion, a cru longtemps à « la piste agricole » plutôt soft : 57 volumes et une instruction, ouverte en 1998 et qui n’est toujours pas close malgré l’ouverture du procès du présumé assassin. Deuxième bourde, Yvan Colonna, principal suspect, avait pris le maquis.
« Après la mort du préfet Erignac en Corse, explique un magistrat qui fut longtemps en poste à Ajaccio, toutes les polices se sont fait la guerre et le grand banditisme a eu une paix absolue ». Ce sont les années où, comme l’explique l’excellent ouvrage de Jacques Follorou et Vincent Nouzille, les Parrains corses, la Corse a basculé d’une société clanique traditionnelle à des méthodes nettement mafieuses du fameux gang de la « Brise de mer ». Sans que, pour autant, l’alarme ait été déclenchée au sein de classes dirigeantes qui l’été, n’aiment rien tant que rencontrer quelques bandits à l’ombre d’une paillotte corse…
Les tueurs du préfet Erignac ont-ils pu, malgré un vague vernis nationaliste, être instrumentalisés par le grand banditisme ? Fort possible, à en juger par plusieurs témoignages de magistrats recueillis par Bakchich. Le mode d’exécution extrêmement professionnel –trois balles dans la nuque–, porte plus la marque des vrais truands que des bergers idéalistes.
Claude Erignac, « excellente cadaveri »…