« La police française vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Claude Erignac. », Nicolas Sarkozy, le 4 juillet 2003. Une phrase qui claque comme une condamnation et pour laquelle le berger poursuit un citoyen pas comme les autres.
Ca ne ferait pas un beau roman, ni une belle histoire. Peut-être juste une romance d’aujourd’hui. Les rebondissements du procès en appel d’Yvan Colonna, consécutifs aux déclarations de Didier Vinolas, rappellent à tous, et surtout aux avocats du berger, le caractère éminemment politique de la scène qui se joue.
Une autre procédure, bien loin de la très médiatique cour d’assises spéciale, mais tout autant chargée de symboles, doit trouver son issue à partir 4 mars devant le TGI de Paris. Le 4 avril 2007, Yvan Colonna, tout détenu à la prison de Fresnes qu’il est, a porté plainte contre Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur de son état, pour atteinte à la présomption d’innocence en violation de l’article 9-1 du Code civil, et atteinte au principe de séparation des pouvoirs et droit à un procès équitable.
Un qualificatif qui se pose avec force au vu des dernières étrangetés qui ont entouré la déposition choc de Didier Vinolas lors du procès d’assises d’Yvan Colonna. Au point même que certains s’exclament : « C’est un procès à berger ! »
Le 4 juillet 2003, jour de l’arrestation de Colonna, Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, s’était laisser aller à pérorer face caméra : « la police française vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Claude Erignac. »
Et de récidiver le 14 janvier 2004, lors de son discours au Bourget : « La République réelle à laquelle je crois, c’est celle qui met en prison l’assassin présumé de Claude Erignac. Et j’étais très sensible, Jean-Pierre Raffarin à ce que tu as dit, tu étais le Premier ministre Français quand la police française l’a arrêté et bien moi, je veux dédier une partie de ce discours à Madame Erignac et je veux penser à son mari qui est un grand serviteur qui fait honneur à la République, aux fonctionnaires et à l’Etat. Il n’est pas mort pour rien. La République réelle, et que le message soit bien entendu au-delà de cette salle, c’est celle qui traite les cagoulés et les poseurs nocturnes de bombes pour ce qu’ils sont : des meurtriers et des lâches. La Corse mérite mieux que des meurtriers et des lâches. »
Où l’on sent que le mot « présumé » est employé avec conviction.
Le 22 janvier 2007, Nicolas Sarkozy enfonce le clou. A la question posée par un journaliste de France 3 Corse : « Vous pensez qu’il est l’assassin comme vous l’avez annoncé le jour de son arrestation ? », le ministre de répondre : « Si vous le savez, il n’y a pas que moi qui le pense, sinon je ne pense pas qu’on l’aurait gardé en prison. » Le berger, dans l’attente de son jugement, est alors en détention provisoire, donc présumé innocent.
La défense de Nicolas Sarkozy, devenu entre temps président de la République, a formulé une demande de sursis à statuer arguant de sa qualité nouvelle de président de la République, protégé de toutes poursuites par l’article 67 de la constitution.
Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions.
Mais pour les défenseurs d’Yvan Colonna, « les actes commis par Nicolas Sarkozy l’ont été bien antérieurement à son élection au rang de président de la République. Il s’agit donc d’actes pleinement détachables de sa fonction présidentielle ». Il s’agit ni plus ni moins d’« une inégalité manifeste entre les droits de Monsieur Nicolas Sarkozy et de Monsieur Yvan Colonna, le second étant dans l’impossibilité totale de faire valoir ses droits et se défendre face au premier. »
Une inégalité qui prend toute sa saveur au regard de la tendance un brin procédurière de l’omniprésident. La société Ryan Air, le site internet du Nouvel Observateur ou encore les éditeurs de la poupée Vaudou l’on appris à leur dépends. Avec parfois des absurdités juridiques. Ainsi, alors que Nicolas Sarkozy venait d’être débouté dans l’affaire de la poupée vaudou, le jugement précisait qu’il était condamné aux dépens (Les sommes qu’il a été nécessaire d’exposer pour obtenir une décision de justice), violant ainsi le fameux article 67 de la constitution…dont, semble-t-il, Nicolas Sarkozy a une acception très large.
Si depuis sa prise de fonction, le président s’en est tenu à son devoir de réserve, le château suit le procès d’assise de Colonna de très très prêt. Pas le genre de dossier qu’on délègue. Trop à y gagner mais surtout beaucoup à perdre. De son côté, Yvan Colonna délesterait bien Nicolas Sarkozy de 50.000 euros dans cette affaire au titre des dommages et intérêts. « C’est la guerre des tranchées », lâche l’un des avocats du berger. Réponse le 4 mars.
Lire ou relire dans Bakchich :
Ce n’est pas le Président Sarkozy qui a inventé la "présomption de culpabilité", pas plus que ce n’est le Parquet de Toulouse quand il l’écrivait en 1995 - preuves à l’appui - pour prolonger la détention préventive de Daniel Massé, en l’absence de charges :
http://www.presume-coupable.com
Daniel Massé est resté présumé coupable malgré son acquittement en 2002 pour se voir condamné en appel en 2003 à 25 ans de prison pour une tentative d’assassinat qu’il a toujours niée.
Daniel Massé a toujours Proclamé son Innocence, dans ces conditions et après 1957 jours de détention, il peut prétendre à une libération anticipée autour des 2020 - 2025.
Dossier pénal intégral et Requête en révision transmis sur demande à la rédaction de Backchich avant le dépôt proche de la dernière.
Merci de m’avoir lu. Yannick Massé
Il faudrait arrêter de mélanger tout …
Evidemment, les droits de la défense ont été bafoués lors des audiences du procès en appel de Colonna. Evidemment aussi, il est absolument choquant que le ministre de l’intérieur ait pu parler de "l’arrestation de l’assassin du préfet" mais ce n’est certainement pas en raison de "l’innocence présumée d’un prévenu". Parce que ce principe ne peut s’appliquer qu’en absence de jugement et à ma connaissance, en 2007, Colonna avait déjà été jugé - et reconnu coupable des faits - par "défaut criminel" (l’ancienne contumace).
A mon avis, il ne faut pas aller chercher trop loin.
Même si la réaction de N.S. n’est pas excusable et mérite sanction, elle est compréhensible.
En tant que ministre de l’intérieur et futur candidat aux élections présidentielles, cette histoire n’était qu’une occasion de plus de faire parler de lui et de s’accaparer le mérite de cette arrestation.
Aujourd’hui, vu le fonctionnement actuel de notre système judiciaire, Ivan Colonna a besoin de beaucoup d’argent pour assurer sa défense. Je trouverais normal que N.S. contribue (financièrement par paiement de dommages et intérêts) à la défense d’un homme qu’il a envoyé en prison sans preuve !
Je suis persuadé qu’Ivan Colonna obtiendra gain de cause (comme d’autre avant). Seulement, d’ici là, il aura eu le temps de gâcher sa vie en prison.