Avec son nouveau Secrétaire Général, Anders Fogh Rasmussen, et après le « succès » du sommet de Strasbourg, l’Otan est fin prête pour repartir en guerre en Afghanistan.
En liesse étroitement contrôlée et en état de siège, Strasbourg a soufflé ce week-end les 60 bougies de l’Otan sur fond de gaz lacrymogène. Un bonheur ne venant jamais seul, l’organisation a aussi célébré le retour de la France au sein de son commandement militaire intégré. Une décision qui, à n’en point douter, donnera rapidement à notre président bien aimé, l’occasion de parader sur la scène internationale, abandonnant la gestion de la chienlit domestique, des statistiques déprimantes, des fessées aux banquiers et des plans sociaux à répétition, à ses petites mains du gouvernement.
La guerre froide n’étant plus qu’un vague sujet de baccalauréat sur lequel il est de bon goût de faire l’impasse, Otan rime désormais avec Afghanistan ; là où, si l’on en croit les médias, se joue notre liberté chèrement acquise. L’avenir de nos retraites par répartition, de nos comptes sur livrets et la sauvegarde des recettes du fromage au lait cru que le monde entier nous envie.
Qu’on ne s’y trompe pas, si le G20 a enfin accouché de sa liste multicolore des paradis fiscaux, c’est un peu, certes, pour tempérer l’appétit des financiers cupides, mais surtout pour assécher une fois pour toutes, la production afghane de pavot, l’arme de destruction massive par excellence. Mais si…
Otan et Afghanistan : une rime riche. Tellement riche qu’elle avait, il y a quelques mois déjà, justifié l’édition très discrète d’un bréviaire à usage des communicants de l’Organisation, pour leur permettre de marteler avec conviction la version officielle de la Nouvelle Histoire du Monde Illustrée. (« Ce document est destiné à aider tous ceux qui prennent part à l’explication de la situation en Afghanistan et de la mission de Force Internationale de Sécurité et d’Assistance, et tout particulièrement ceux qui sont en contact avec les médias ».) La nouvelle bible est intitulée L’Otan en Afghanistan – la version officielle au 6 octobre 2008. En d’autres termes, comment enfumer les peuples abrutis par la télé-réalité, via leurs nigauds de journalistes. Bakchich se l’est bien sûr procurée et l’a dévorée. Avec gourmandise.
Les mecs commencent très fort : « L’Afghanistan demeure la priorité n°1 de l’Otan. Ce n’est pas un choix (sic) mais une nécessité. Nous sommes en Afghanistan pour longtemps, sous mandat de l’ONU et nous y resterons aussi longtemps que nécessaire et que le peuple afghan nous le demandera… » . L’ouvrage passe en revue sur un ton résolument martial mais optimiste, tous les aspects de la question et les mots qui servent le mieux les thèses qu’il soutient. Le ton est donné dès la première page : « Les forces de sécurité afghanes et la Force Internationale de Sécurité et d’Assistance (ISAF) gagnent du terrain. Chaque fois que les militants affrontent les forces afghanes et de la coalition internationale ils battent en retraite… »
Le renvoi de bas de page après le mot « militants » vaut sa boule d’opium : « Les forces d’oppositions militantes serait le terme approprié. Mais il ne doit pas être utilisé avec les médias. En fonction de l’audience et du groupe auquel on se réfère, les phrases militants-insurgés/extrémistes-talibans/extrémistes-ennemis de l’Afghanistan pourront être utilisés… »
Le message a été reçu 5 sur 5 par nos médias hexagonaux qui ne se réfèrent plus qu’aux « insurgés » dans les nouvelles du front qu’ils nous distillent. Chacun peut en être témoin s’il y prête une attention suffisante. C’est à ce genre de détail qu’on peut juger de la fiabilité du tableau qu’on nous peint.
Bien entendu, la Voix de l’Otan précise également la manière dont il convient d’évoquer l’action des protagonistes locaux : le Pakistan, le rôle de l’Iran, le rôle de la fédération de Russie, tout est précisé, à la virgule près. Pour cette dernière par exemple, le costard est vite cousu : « des discussions sur un éventuel déploiement de moyens militaires russes en Afghanistan sont exclues (out of question)… rien n’entrera sur le territoire afghan qui n’aura été préalablement discuté et accepté par la République Islamique d’Afghanistan… »… Non mais !
Un peu plus loin (page 12) est évoqué dans un style très « politburo » une question centrale et très sensible sur la présence des « libérateurs » au beau milieu du terrain de jeu d’Hamid Karzaï : « Nous, Otan/Force Internationale de Sécurité et d’Assistance, avons pris acte de la nomination du général Mc Kiernan comme commandant en chef des forces américaines en Afghanistan. Nous nous félicitons de cette initiative qui renforce la coordination entre la force militaire internationale….. ». Puis l’affaire prend un tour inattendu ; l’auteur prend soin de rappeler aux porte-voix de l’OTAN que « …cette décision ne modifie en rien le mandat de la Force Internationale de Sécurité et d’Assistance et n’agrège pas sa mission avec la mission américaine ‘Liberté Durable’. Comme l’ont affirmé les autorités américaines, ‘Liberté Durable’ continuera à mener des actions de contre-terrorisme et des opérations de détention sous un mandat séparé… ». Ouf, on nous a épargné les corvées de gégène…
Prudent en dépit des accolades et des surenchères d’amabilité strasbourgeoise, notre grand stratège Sarko 1er ne s’est pas laissé forcé la main par l’ambiance festive. Il a déclaré à son nouvel ami Barack Obama que nous n’augmenterions pas notre contingent d’arracheurs volontaires de pavot. En tout cas pas dans l’immédiat.
Peut-être a-t-il eu connaissance du rapport de 275 pages rendu là encore dans la plus grande discrétion en novembre 2008 par le National Defense Research Institute de la Rand Corporation, l’une des têtes pensantes du complexe militaro industriel yankee (« Intelligence Operations and metrics in Iraq and Afghanistan – Fourth in a series of Joint Urban Operations and Counterinsurgency studies). Les auteurs, Russel Glenn et Jamie Gayton ne sont pas tendres et leur plume, nettement moins plombée que dans l’opus précédent. A partir de nombreuses auditions de militaires, de spécialistes du renseignement, de diplomates, de plusieurs nationalités, ils dressent un tableau nettement moins optimiste de la situation afghane. Un enlisement qui ne dit pas son nom, qu’ils attribuent « à un échec du renseignement qui, dans certains cas, confine à l’absurde »…
Comme quoi, deux lectures valent mieux qu’une, en particulier lorsque ni l’une ni l’autre ne sont destinées aux pauvres citoyens que nous sommes.
Lire ou relire dans Bakchich :
"Le message a été reçu 5 sur 5 par nos médias hexagonaux qui ne se réfèrent plus qu’aux « insurgés » dans les nouvelles du front qu’ils nous distillent. "
Et alors ?? Où se situe le problème ? Un insurgé est un révolté ; que les afghans soient révoltés me parait la moindre des choses avec l’ordonnance que leurs délivre l’occident ! Je préfèrerai "résistants" mais bon, faut pas trop en demander surtout aux média habituellement campés dans la bonne posture, petit doigt bien collé où il faut .
Des militaires américains importants avaient envisagé que la meilleure aide que l’on pourrait apporter aux Afghans, serait de négocier avec les Talibans qui continuent à se renforcer et à se rapprocher de Kaboul..
L’afghanistan ne serait’il pas le chiffon rouge que vont brandir les puissants, réunis récemment à londres, qui nous font croire qu’il faut leur faire confiance pour voir apparaître un nouvel ordre économique… ?!