Le 29 juin devait s’ouvrir un étrange procès à la cour d’appel de Toulouse : il a été reporté au 21 novembre. L’Etat gabonais y est opposé à un ressortissant franco-tunisien pour détournement des deniers publics. Une fois n’est pas coutume, les autorités de Libreville sont parties civiles…
Simple conseiller technique auprès de la direction générale du Budget du Gabon en 1992 et 1995, Ali Jendoubi garde un souvenir impérissable du pays d’Omar Bongo. Son passage à Libreville lui a coûté une mise en examen pour faux et usage de faux, détournement de fonds publics, et une condamnation en première instance à un an de prison avec sursis par la justice française en octobre dernier.
La faute, sans doute à un excès de probité, une tare mal vue au pays du président Bongo.
Peu après son arrivée dans le service, M. Jendoubi fait connaissance avec les us et coutumes gabonais. « Fin 92, j’ai découvert un vaste système de détournements des indemnités de logement et d’ameublement des Coopérants financées par la Caisse Française de Développement (CFD) et ce, afin que ces sommes soient reconduites chaque année au moins au même niveau ».
Selon lui, 70% des fichiers étaient composés de « non ayant droits », haut fonctionnaires gabonais et hiérarques du régime. L’opération était simple et organisée par René Hilaire Adiaheno, alors directeur du budget, aujourd’hui au cabinet du Président Bongo. « Des faux dossiers de coopérants étaient créés dans le système informatique dont M. Adiaheno était administrateur et les sommes détournées atterrissaient sur des comptes ouverts à la BICIG (filiale gabonaise de la BNP). Avec la complicité de la BICIG, des chéquiers étaient ensuite émis sur ces comptes et remis à M. Adiaheno et à ses complices. Lorsque j’ai découvert ce système, il a tout fait pour me faire recruter par l’Etat Gabonais et a tenté en vain de monnayer mon silence… »
Devant son refus et à contrecœur sans doute, l’Etat gabonais a donc misé sur les tribunaux français pour faire taire l’importun. Connu pour sa droiture, le régime du mollah Omar l’accuse d’avoir organisé un système de détournements de fonds à son profit, et lui réclame la bagatelle de 1,5 millions de francs (225 000 euros). Mieux, c’est Paul Toungui, gendre d’Omar Bongo et ministre des finances, qui représente le Gabon dans cet affaire. Le même Paul Toungui « avait réussi a glisser dans les dossiers d’indemnités de logement son appartement d’Owendo (port de Libreville Ndlr) offert par la Barclays Bank », jure M. Jendoubi. Une sorte d’hommage du vice à la vertu.
Magnanime, la juge qui a instruit l’affaire a revu la somme détournée à la baisse : 85 000 euros. Un chiffre issu d’une enquête de 7 ans, deux commissions rogatoires internationale et de savants calculs : Mme Munier-Pacheu s’est évertuée à éplucher les comptes du prévenu en les comparant à ses revenus…et a commis quelques impairs ! Elle a notamment oublié de prendre en compte la dévaluation du franc CFA en 1994 ou les primes de résultats pour faire son estimation…
Malgré ces errements, M. Jendoubi a été condamné par un tribunal correctionnel à un an de prison avec sursis et 85 000 euros d’amende en octobre dernier.
Déjà fort bien loti, le parc immobilier du Gabon en France pourrait même s’agrandir grâce à cette affaire. Le Trésor Public Gabonais, qui réclame toujours 225 000 euros à M. Jendoubi, a demandé à la Trésorerie des Créances Spéciales du Trésor de Châtellerault une assistance au recouvrement de créances, conformément à la convention fiscale franco-gabonaise. Sans attendre le jugement définitif de cette affaire au pénal, le Trésorier de Châtellerault réclame cette somme depuis 1999 à M. Jendoubi et a pris des mesures conservatoires à son encontre en mettant sous hypothèque légale du Trésor son seul bien immobilier.
Mais le mollah Omar devra attendre le verdict de la cour d’appel du tribunal correctionnel de Toulouse pour savoir s’il a fait une nouvelle acquisition.