Robert Louis Dreyfus a secrètement décidé de résoudre le conflit opposant Diouf et Labrune par un duel historique, selon les règles de l’art déterminées par le Code élaboré en 1777 par d’honorables Irlandais.
Robert Louis-Dreyfus (blême, sur son lit de justice, se tamponnant le visage avec un gant de toilette Adidas) : Gentilshommes, il est temps de régler ce conflit qui m’épuise et vous ridiculise. Vous vous faites duellistes, soit, mais acceptez-en les règles. La première offense appelle la première excuse, même si la riposte a été plus outrageante que l’insulte [1].
Vincent Labrune : La première offense est assurément l’irrespect total témoigné par Pape en refusant de répondre à nos convocations.
Pape Diouf : Nonobstant vos déclarations, la première offense qui m’ait été faite est votre seule existence.
Robert Louis-Dreyfus : Rangez vos poivrières et attendez avant de vous arroser ! Discutons calmement. Sachez que si la première offense est un démenti, l’offenseur doit demander pardon en terme exprès, ou échanger deux coups avant toute excuse, ou trois avant toute explication ; ou sinon continuer à faire feu jusqu’à tant que l’une des parties essuie une blessure sévère [2].
Pape Diouf : Mon âme et mon honneur sont déjà meurtris au supplice par l’infamie que le conseil de surveillance m’oppose en chacun de ses actes.
Vincent Labrune : Vous n’oseriez ! Continuez seulement, et je jette à vos trousses tout ce que la France compte de journalistes sportifs !
Pape Diouf : Les deux pèlerins qu’ils doivent être sont juste assez pour disputer une partie d’Awalé.
Robert Louis-Dreyfus : Holà ! Il est strictement interdit, en toutes circonstances, directement ou indirectement, d’en venir aux mains. Aucune excuse ne saurait être acceptée pour une telle offense ! [3]
Vincent Labrune : Mais aucune excuse n’est plus recevable, en aucun cas, une fois les adversaires en place, même s’il n’y a pas encore eu échange de feu ! [4] Pape, vos vaines tentatives d’échapper au nécessaire contrôle que ce pauvre Bob veut vous imposer sont la meilleure preuve de votre faute et de votre incompétence !
Pape Diouf : Ma faute et mon incompétence ? Mais qui êtes-vous pour vous permettre ! Vous n’êtes rien, vous venez néant. Et quand bien même vous auriez un jour été, je vous le dis, vous êtes mort !
Vincent Labrune (fulminant de mercure derrière le chien de garde de sa poivrière) : Mort ! Des menaces ! Ah ah !
Pape Diouf : Vous êtes mort parce que vous n’avez pas le désir de faire grandir l’OM, vous n’avez pas ce désir parce que vous croyez le posséder, vous croyez le posséder parce vous n’essayez pas de donner, mais essayant de donner vous voyez que vous n’avez rien, et voyant que vous n’avez rien vous essayez aujourd’hui de vous donner. Essayant de vous donner, vous constatez que vous n’êtes rien, et voyant que vous n’êtes rien, vous désirez devenir…
Vincent Labrune : … Désirant devenir, on vit ! [5]
Robert Louis-Dreyfus : Gentilshommes !
Pape Diouf : N’avez-vous donc aucun respect en criant ainsi alors qu’à quelques mètres, la sueur des maux qui le rongent coule sur son front, et Bob l’éponge ! Saligaud fielleux !
Robert Louis-Dreyfus : Oui, mais nom d’une tong Pape, maîtrisez-vous ! Toute insulte à une dame placée sous la protection doit être considérée comme une offense d’un degré plus grave, et doit être réglée en conséquence. [6] Or, là, vous souillez Labrune !
Vincent Labrune : Vous notez Bob, vous notez ! Ah ah ! J’ai son soutien Pape, renonce !
Pape Diouf : Je compte plutôt en finir au plus vite avec vous, et pouvoir reprendre les rennes du club pour poursuivre sa marche en avant.
Robert Louis-Dreyfus : Il est d’autant plus nécessaire de vous dépêcher plutôt que de perdre du temps en argumentant : les duels ne doivent jamais se tenir la nuit, à moins que la partie offensée n’ait dessein de quitter les lieux avant le matin – ce qui ne semble pas être le cas. Mieux vaut éviter toute procédure lorsque les esprits sont échauffés. [7]
Pape Diouf : Je refuse de reporter. L’intérêt supérieur du club mérite que la question soit réglée, céans.
Vincent Labrune : Oui, finissons-en ! Mais ma poivrière me semble enrayée, je crains souffrir de me faire assaisonner sans pouvoir me défendre…
Robert Louis-Dreyfus : Si l’offenseur donne sa parole d’honneur qu’il ne sait pas tirer, l’offensé a le choix des armes ; ensuite de quoi, cependant, l’offenseur ne peut décliner la seconde espèce d’arme proposée par l’offensé. [8]
Pape Diouf : Voyez-bien Labrune que Bob sait qui est l’offenseur dans cette affaire !
Vincent Labrune : Bob !
Pape Diouf : Très bien, non plus de feu, je choisis la plume !
Vincent Labrune : La plume du Condor que vous allez encore recruter pour jouer attaquant cette saison ?
José Anigo (qui sort, Deus ex machina, de la casquette posée de dos, au comptoir du minibar) : Raille, Labrune, mais je lis ton jeu, grippe-sou, tannerais-tu la peau du Pape que je ne te laisserais pas l’avoir ! Je le seconde ! Que je trépasse si je faiblis ! Ose, tout burné que tu es, assumer ton humeur belliqueuse ! Rayons Labrune, non pas avec l’irrégularité d’une plume, mais avec un bon cul-rouge du sceau des nouveaux ballons de Thiriez ! Voyez comme ils ont été persuasifs sur nos 16 ans !
Vincent Labrune : Ah ah ! Vous ne voulez pas en répondre seul, Pape ! Très bien, dès lors, moi aussi je me fais seconder, par l’un de ceux qui régissent vraiment ce club !
Régis Rebufat (sortant, enrobé, de derrière les rideaux) : Tout cela est absurde ! Finissons-en !
Pape Diouf : Vous ! Les seconds doivent être du même rang social que celui qu’ils secondent, puisqu’ils peuvent être amenés à prendre part au duel. [9] Bob, si vous jugez que José vaut un avocat, alors pourquoi nous handicaper tous les deux d’un conseil de surveillance !
Robert Louis-Dreyfus : Quoi qu’il en soit, il va falloir reporter, vous me fatiguez et je m’assoupis…
Pape Diouf : Dans le cas d’un report, j’ai le choix du terrain ; je laisse à Labrune le choix de la distance, José et Rebufat s’arrangeant sur le moment et les termes de l’échange de feu. [10]
Jean-Claude Gaudin (alité, sous les draps, à côté de Robert Louis-Dreyfus) : Le choix du terrain, le choix du terrain… Tout n’est pas si simple !
Pape Diouf : Vous avanciez pourtant vos contacts au plus haut de l’État, à Paris !
Vincent Labrune : Ah ah ! Vous voyez, tout doit se décider à Paris !
José Anigo : Qu’importe, fatche de plaideurs ! À l’ancienne, sur la pelouse du Vélodrome.
Vincent Labrune : Venir à Marseille ? Moi ? Jamais !
José Anigo : Hé, le Parigot, même si tu te caches là-haut et que tu nous prépares une embuscade, nous enverrons la CFA te poursuivre ! Tu déchantes !
Vincent Labrune : Ah ah ! Nigaud, tu te crois malin, mais si vous nous aviez laissé faire, Gerets serait resté !
Robert Louis-Dreyfus : Il faisait du bon boulot celui-là ?
Pape Diouf : Sans nous avoir promis Émon et merveilles, il a touché les sommets avant de fléchir sur la fin, assommé par un pâle Bordeaux. Un mauvais coup de Blanc !
Régis Rebufat : Il faudrait savoir !
José Anigo : Tu vois Bob, il faut garder Pape. Lui fait du bon boulot : s’il avait été à la place de l’autre Marchand, on n’aurait jamais perdu Blanc !
Pape Diouf : Pauvre milliardaire… Que cet homme souffre ! Lorsque je le vois, je retiens la leçon de vie qu’il donne aux gens… Vous voyez, tous autant que vous êtes, et même ceux qui ne sont pas encore sorti du troisième chapeau, toute blessure assez sérieuse pour troubler les nerfs et, nécessairement, faire trembler la main, doit mettre fin aux hostilités pour ce jour-là. [11]
Robert Louis-Dreyfus : Merci Pape. Tentons une conciliation avant la rencontre, puisque, après échange de feu, les coups ont été insuffisants. [12]
Pape Diouf : Non que je vise mal, c’est surtout que je n’ai pas voulu lâcher le parapluie de mon indifférence : je veux bien être tué, mais pas sali.
Vincent Labrune : Une conciliation ? Soit. Mais Bob, Pape se met le doigt dans l’œil.
Pape Diouf : Ah non, le 18, je ne peux pas !
Vincent Labrune (soupirs) : Qui vivra Veyrat…
Robert Louis-Dreyfus : Ou pas…
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[1] Art. 1er du Code irlandais du duel, 1777.
[2] Art. 4.
[3] Art. 5.
[4] Art. 7.
[5] Je suis mort, René Daumal, mai 1943.
[6] Art. 10.
[7] Art. 15.
[8] Art. 16.
[9] Art. 14.
[10] Art. 17.
[11] Art. 22.
[12] Art. 21.