Après avoir manié le bâton pour mater la rébellion, Paul Biya, président du Cameroun, agite une grosse carotte pour calmer les émeutiers. Au grand dam de ses ministres…
Obsédé par sa « révision constitutionnelle » qui lui permettrait de prolonger indéfiniment son mandat présidentiel, Paul Biya, le chef de l’Etat camerounais, éblouit depuis quelques jours ses compatriotes par l’admirable finesse de sa stratégie politique. Après avoir intensément joué du bâton (et de la carabine), provoquant sans doute la mort d’une centaine de manifestants au cours de la semaine de révolte du 25 février 2008, le président agite maintenant toutes les carottes qu’il peut pour « apaiser les esprits » de ses compatriotes.
Le père fouettard, qui avait annoncé, furibard devant la caméra de la télé d’Etat, le 27 février, que « force resterait à la loi » et que les « apprentis sorciers qui manipulent la jeunesse » seraient impitoyablement châtiés, s’est donc subitement transformé en Père Noël. Revalorisation salariale de 15% pour les fonctionnaires ! Défiscalisation des produits de première nécessité ! Diminution des droits de douanes sur le ciment !, a-t-il ordonné à ses sbires lors d’un conseil des ministres, le 7 mars dernier, avant de retourner à ses pantoufles. Et que ça saute !
Depuis, les ministres s’arrachent les cheveux et les poils de menton. Où donc trouver - d’ici le 1er avril, a exigé le Chef… – de quoi financer de telles pochettes surprises alors que la seule augmentation des salaires des fonctionnaires « devrait se traduire par une hausse des dépenses de 86 à 114 milliards de francs Cfa par an, soit 7,2 à 9,5 milliards francs Cfa par mois », selon M. Babissakana, expert économique du cabinet Prescriptor ?
Faudra-t-il, à nouveau, faire les yeux doux au FMI ? Siphonner les excédents pétroliers ? Ou, solution la plus évidente pour tout esprit lucide, réduire le fantastique « train de vie de l’État » ? On imagine la mine des apparatchiks à la sortie du fameux conseil des ministres du 7 mars. Comment ?! Il faudrait donc, pour calmer les gueux, sacrifier quelques-uns de nos Hummers de luxe et déserter quelques temps les boutiques des Champs-Élysées ?!
Paupaul, lui, se moque bien de l’intendance et des états d’âme ministériels. « À l’écoute de son peuple, proclament sans rire les commentateurs zélés, il donne les grandes orientations »… Ayant donc abandonné ses ministres à leurs calculatrices, le génial stratège moustachu peut donc concentrer son attention sur l’Assemblée Nationale – où il a pris soin de faire élire, en juillet dernier, une écrasante majorité RDPCiste (son parti) et où, miracle du calendrier, s’est ouverte le 13 mars 2008 la cruciale session parlementaire au cours de laquelle il est prévu de faire sauter le vilain article 6.2 de la Constitution qui verrouille le nombre de mandats présidentiels. La victoire du Sun Tzu de Yaoundé sera alors totale. Croit-il.
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