Son allure de fausse bonhomie cache une redoutable bête politique. De Saint-Quentin à rue de la Boétie, siège de l’UMP, Xavier Bertrand s’est imposé, à petits pas, en Sarkozye.
A l’UMP, l’été on ne chôme pas, surtout quand on est son fringant secrétaire général. Xavier Bertrand, mécano du parti sarkozyste depuis janvier dernier, a secoué les cocotiers de la droite depuis deux mois. Entre l’écriture de « plusieurs chapitres » du livre qu’il publiera après les régionales, les coups de fils avec De Villiers plusieurs fois par semaine en vue du rapprochement électoral, l’organisation du campus de Seignosse, l’annonce de la taxe carbone qui « se fera » et le non cumul des mandats pour les ministres, le « chouchou » de Sarko n’a pas ménagé ses efforts. Peu étonnant donc qu’il ait clamé ce week-end dans les Landes que « nous sommes le peuple qui aime le plus la politique. » A commencer par lui-même, sans oublier de protéger son petit fief de Saint-Quentin. Souvenirs printaniers de Haute-Picardie.
Ce jour-là d’avril 2009, il est à son zénith dans cette proximité qu’il cultive. Dans la salle municipale du quartier Saint-Jean à Saint-Quentin, Xavier Bertrand, patron de l’UMP, adjoint au maire en charge des animations, député de l’Aisne, devient impétrant dans la confrérie du boudin de Saint-Quentin Saint-Jean. Sur scène, il reçoit sa médaille des mains du grand maitre. Ce genre d’image se répète inlassablement lors des différentes manifestations. Un peu comme dans la série des « Martine », Xavier Bertrand vit pleinement sa fonction d’adjoint en mouillant le maillot en plusieurs épisodes.
Xavier tire à la carabine et fait de la barbe à papa le jour de l’inauguration de la fête foraine de la Saint-Denis. Xavier joue au football sur le sable de la plage de l’hôtel de ville, son bébé depuis 1992, « idée piquée par Delanoë » ne manque-t-il pas de rappeler. On a aussi Xavier qui participe à une bataille de boules de neige pour l’inauguration du village de Noël. A chaque fois, il est suivi d’une cour qui ne manque pas de rire à gorge déployée. Il veut être vu. Et quand il était ministre, il voulait aussi que sa suppléante, Pascale Gruny, députée le temps de son passage au gouvernement, soit vue, allant même jusqu’à éplucher la presse locale pour voir le nombre de photos où elle apparaissait.
Un observateur juge : « Il est impressionnant. Il va dans toutes les fêtes. En début d’année, il participe aux vœux des plus petites communes de l’arrondissement de Saint-Quentin. Il a compris que l’ancrage local était important. » Et il a aussi compris l’importance des réseaux. Quand il est à Saint-Quentin, il ne perd pas une occasion de déjeuner avec des entrepreneurs et dans des cercles fermés de gens influents. Le même observateur anonyme estime : « Son appartenance à la franc-maçonnerie lui sert aussi et surtout de réseau. Ça fait longtemps qu’il se prépare un destin national depuis Saint-Quentin. » Tel une araignée qui tisse sa toile.
En parallèle, il s’est forgé l’image d’un élu proche du peuple. « Il est très fort pour ça » analyse le socialiste Jean-Pierre Lançon, conseiller municipal d’opposition. « Il a une très bonne mémoire des noms, des histoires des gens qu’il rencontre. Il demande des nouvelles de la famille. Des enfants. » Xavier, pour les Saint-Quentinois, c’est un peu le gamin du coin qui a réussi. On lui tape dans le dos. On le tutoie quand on le croise sur le marché le samedi matin. Il cultive sa bonhomie. Mais derrière son ton mielleux se cache un redoutable édile. Un calculateur. Jean-Pierre Lançon poursuit : « Le Xavier Bertrand qu’on croise à Saint-Quentin n’est pas le même que celui qu’on croise à Paris. » En Picardie, il n’est pas le même que ce fayot décrit par les Guignols de l’info qui a réussi à se glisser dans les petits papiers de Sarko au point de lui succéder à la tête de l’UMP.
Mais cette proximité avec les plus hautes sphères n’a guère servi sa ville. Jean-Pierre Lançon continue : « Contrairement à Borloo qui a fait venir Toyota à Valenciennes, lui n’a pas fait venir de grosse entreprise à Saint-Quentin. Il a été ministre du Travail, mais le taux de chômage à Saint-Quentin est resté supérieur à 13 %. »
Bien sûr, les proches de celui qu’on nomme X.B. quand d’autres se font appeler MAM, NKM ou DSK, trouvent qu’il a été un formidable appui pour la ville. Un jeune UMP pense : « Il a contribué à faire parler de Saint-Quentin dans les médias nationaux. » L’esbroufe. Y a que ça de vrai. Freddy Grzeziczak, adjoint au maire en charge des affaires sociales, judas du MRC (Mouvement républicain citoyen) et nouvel ami de Dupont-Aignan et de son parti Debout la République livre : « Il a réussi à dynamiser une ville qui en avait besoin. Il a profité de sa place dans les ministères pour obtenir de l’argent. S’il n’avait pas été là, les robinets ne se seraient pas ouverts aussi facilement. Il n’a pas abandonné Saint-Quentin. »
Ce qu’il a réussi aussi : faire venir le président sur ses terres le 24 mars pour un discours qui restera comme le discours de Saint-Quentin. Mais cette visite du chef de l’Etat restera une grande déception pour X.B. Au départ prévue pour durer une demi-journée, elle s’est considérablement réduite pour ne durer que deux petites heures. Pas de visite d’entreprise. Pas de serrage de louches au Pôle emploi de Saint-Quentin endeuillé par un suicide quelques semaines avant la venue de Sarko. Rien du tout. Sarko n’aura vu que le palais des sports. Et les Saint-Quentinois n’auront vu que des cordons de CRS et un périmètre de sécurité impossible à franchir. Pas content le chouchou de ce passage furtif. « Il espère qu’il y aura une autre visite », dit un proche.
Mais l’ancrage local a du plomb dans l’aile depuis qu’il a pris ses fonctions de chef de l’UMP. Il pointe parfois le bout de son nez en conseil municipal comme pour le vote du budget puis disparaît, téléphone high tech en main. La semaine à Paris et le week-end à la rencontre des militants dans toute la France. Quoiqu’il en soit, dans quelques semaines, il inaugurera tout de même une nouvelle édition de la plage de Saint-Quentin. Il tapera la baballe sur le sable. Ce fin stratège de la politique nationale n’est finalement localement qu’un gentil organisateur (G.O.) qui a fait de Saint-Quentin son club med… la mer en moins.
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Xavier Bertrand est le prototype du frère la gratouille qui pue le complexe de supériorité et ne peut pas s’empêcher de prendre son interlocuteur de haut.
Je me demande s’il est encore capable d’avoir des remords ou s’il a encore un minimum de conscience morale.