A l’occasion de ce 1er mai unitaire en France, petit rappel historique autour d’une journée du travail qui ne s’est institutionnalisée qu’avec la 2ème guerre mondiale.
L’unique douleur, la vraie cruauté de ce 1er Mai, sera donc l’absence de Ségolène au sein du cortège unitaire, partis-syndicats. « Tous ensemble ! » « Tous ensemble ! », on s’est en effet réconcilié le temps de parcourir quelques kilomètres à pied sur le goudron de Paris.
Bien sûr l’absente s’est excusée pour sa priorité donnée « aux travailleurs et à Niort » plutôt qu’à Martine et Paris… On est comme ça à Niort, dans « la Venise de l’Ouest » où, autre particularité, les footballeurs sont des « chamois » !
Vous rappeler l’histoire de ce jour de flemme peut vous aider, peut-être, à surmonter la blessure Ségolène. C’est connu, à la moitié du XIXe siècle, avec la Révolution industrielle on invente aussi l’homme robot que l’on nomme prolétaire. Deux bras, deux jambes (si possible) rien dans la tête, du vin rouge, de la bière et hop, ça tourne. Mais pas toujours rond.
Et le prolo, c’est-à-dire aussi la femme prolo et l’enfant prolo, deviennent grincheux. Ils s’organisent sous la couverture d’odieux gangs subversifs comme « L’Association Internationale des travailleurs », fondée par un bourgeois qui sautait sa bonne (ce qui est très mâle), un dénommé Karl Marx.
Pierre Bourdieu a certainement déjà expliqué pourquoi, mais c’est aux Etats-Unis que le front ouvrier est le plus rouge. Les associations ouvrières, traquées par une police capable de provoquer la nostalgie du baron Sellière, s’organisent.
En 1884, les différents délégués ouvriers, clandestins et tous anars que l’on nomme « Les Chevaliers du Travail », sont d’accord pour « imposer avant deux ans à leurs patrons la journée de 8 heures ». Les jours qui précèdent le 1er Mai 1886, le mot d’ordre court : « Samedi prochain les ouvriers doivent défiler ». Environ 200 000 prolos noircissent le pavé américain. A Chicago, qui est le foyer des enragés, ils sont plus de 80 000 à faire procession. Il y a les maris, les femmes et les enfants en habits du dimanche et qui chantent sans lendemain. Et sans incidents puisque la manif s’arrête tranquille près du lac Michigan.
Des patrons, affolés par tous ces disciples de Monsieur Marx, accordent les « huit heures », d’autres non. Le lundi 3 mai, à Chicago, c’est donc la grève. Devant les usines Mc Cormik les grévistes se cognent à des « jaunes », la police tire. Un mort.
Le lendemain, les ouvriers habitués à mourir à petit feu, au boulot, mais pas tués par des fusils, se réunissent, place Haymarket, toujours à Chicago, pour protester. Traduisons cela en une forme de « CRS=SS »…
La réunion se passe dans le calme jusqu’à ce que les flics débarquent. A ce moment précis, une main anonyme jette habilement une bombe dans les rangées policières. Tombe un homme en uniforme, les autres ouvrent le feu. Tombe un ouvrier. Le lendemain, les leaders qualifiés « d’anarchistes », sont conduits en prison. Ces « Martyrs de Chicago » ont des noms : Albert Parsons, August Spies, Michael Schwab, George Engel, Adolph Fischer, Samuel Fielden, Louis Lingg. Parsons, Fielden, Fischer, Engel vont être pendus tandis que Lingg est suicidé en prison. Pendus par un Black Friday le 11 novembre 1887. Depuis, chaque 1er Mai, en dépit de la répression, le prolétaire tente de fleurir les rues pavées de la planète !
En 1889, pour fêter le centenaire de la Révolution Française, Paris organise une Expo Universelle. Une aubaine pour tous les marxistes du monde qui se retrouvent aux Fantaisies Parisiennes une salle habituée à des spectacles plus légers, située au 42 rue Rochechouart. On fonde la « Deuxième Internationale » et, à la demande de Raymond Lavigne, on adopte le principe de la manif planétaire du 1er Mai.
Mais le cri du peuple n’a pas force de loi. Le 1er Mai 1891, à Fourmies dans le Nord, la troupe tire sur les grévistes. Parmi les dix morts, 8 ont moins de 21 ans et Marie Blondeau devient une icone quand on habille son cadavre de blanc, et qu’on lui glisse une gerbe de fleurs rouges entre les bras. La Grande Guerre va modifier les choses. Il y a les héros survivants que l’on ne peut faire taire, et ces femmes en usine qui ont pris la place des hommes partis au front… Le traité de Versailles précise, dans son article 247, que « dans la mesure du possible », il faut proposer aux ouvriers « une journée de 8 heures et une semaine de 48 »…
Hitler, sans doute son côté socialiste, va déclarer le 1er Mai jour du Travail, puis, en 1941, ce sera le tour du régime de Vichy. Ce qui donne un résultat surprenant, la décision de Pétain mise à part, le 1er Mai n’est pas le « Fête du Travail », mais plutôt un moment d’anarchie calé dans le calendrier. En 1951 le sublime Pie XII, qui n’a rien vu d’étrange se passer à Munich pendant la montée du chancelier moustachu, déclaré le 1er Mai jour de « Saint-Joseph Artisan ». Il est grand temps que Ségolène en face autre chose : le jour de la Bravitude ?
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En effet, Jacques-Marie Bourget, le 1er mai s’est institutionnalisé après la seconde guerre mondiale. Au niveau syndical, il y eut une bataille féroce au sein de la CGT dans les années 1920. En effet, il y avait alors la CGTSR (Libertaire Révolutionnaire) et la CGTU (Stalinien Unitaire). Les militants de la CGTSR prônaient un syndicalisme de combat, de terrain, sans permanent et sans concession avec les patrons. Ceux de la CGTU préféraient voir leur syndicat institutionnalisé, avec des permanents qui sont rapidement devenus des Apparatchiks. Lors d’un Congrès houleux, la CGTU est devenu majoritaire et est devnue la CGT actuelle. En 1946, de nombreux anciens responsables de la CGTSR ont fait partie des Anarcho-Syndicalistes qui ont créé la CNT avec l’aide de Cénétistes espagnols qui avaient combattu le franquisme et ensuite le nazisme.
Tout ceci pour dire que ce qui s’institutionnalise n’est pas forcément une bonne chose et peut expliquer qu’il y ait eu moins de monde aux manifs que le 19 mars. En effet, beaucoup de Français, installés dans leur cocon individuel, profitent de ce férié institutionnel pour s’aérer à la campagne, en famille tout en restant attentifs aux évènement sociaux car ils ne se sentent pas à l’abri d’un coup de trafalgar dans leurs boîtes…
Aujourd’hui, le 1er mai est unitaire et c’est tant mieux. L’Intersyndicale doit se réunir dès le 4 mai. Pourvu qu’elle n’éclate pas car le pouvoir n’attend que çà pour étendre sa pieuvre néo-libérale sur les salarié(e)s.
Le maillon faible reste la CFDT. Pendant la réunion, baîllonnez Chérèque et tout se passera bien… !