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L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !

Libéralisme / vendredi 25 avril 2008 par Olivier Vilain
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Chute de l’immobilier ? Système financier sous perfusion ? Inflation et émeutes de la faim ? Alors que le capitalisme, sous sa forme néolibérale, prend eau de toutes parts, les livres qui en font la promotion ne connaissent pas la crise. Avec « L’économie ne ment pas », c’est au tour de Guy Sorman de prendre son bâton de pèlerin.

L’ouvrage de Guy Sorman, L’économie ne ment pas, tient tout entier dans son titre : l’économie serait régie par des lois naturelles imposant la politique à suivre. Une antienne rabâchée depuis le XVIIIe siècle, en dépit de toutes les sciences sociales. Pourtant, l’auteur s’en sert pour affirmer que l’État peut bien établir un filet social, mais surtout ne pas empiéter sur la sphère marchande.

Pour lui, le salut vient de « l’allongement de la durée du travail » (p.268) et du libre-échange qui « est unanimement reconnu comme un facteur de développement » (p.321). Ouvrons les yeux : « il est avéré que là où l’on peut licencier le plus aisément - Pays-Bas, Danemark -, le chômage est plus faible (…) » (p.277) et aucune solution « n’est envisageable sans réduction des coûts » du travail (p.323). Aux yeux de Sorman, les sceptiques sont soit idéalistes, soit idéologues (p.9). Bref, incompétents (p.49). Ces assertions relèvent en fait de la ferveur religieuse, plutôt que de la science, fût elle économique (voir l’interview de Jacques Sapir sur Bakchich TV).

Un essai peu inspiré par la rigueur scientifique

Guy Sorman emprunte le genre de l’essai, qui allie l’exotisme du voyage au badinage mondain. Ce genre de journalisme littéraire, très prisé ne serait-ce que par Bernard-Henri Lévy, permet d’entretenir l’illusion naturaliste. L’auteur ne décrit-il pas ce qu’il voit ? Il fait surtout l’économie de l’étude de sa grille de lecture, de toute bibliographie, de toute définition des thèmes abordés ; même de celui de la mondialisation, pourtant à la fois processus technique et construction politique. Difficile ensuite de plaider pour l’infaillibilité de la science économique libérale.

Guy Sorman reprend son pèlerinage planétaire, entamées il y a déjà plus de vingt ans, avec les Etats-Unis en tête. Tous les pays évoqués (Inde, Chine, Europe…), toutes les situations rencontrées (développement récent, plus ancien…) sont jugés à cette aune, à travers une série d’oppositions binaires qui sont autant d’impasses : la bonne politique s’oppose à la mauvaise, le réalisme économique à la démagogie politique, etc. Son travail se borne à recueillir l’opinions des économistes rencontrés. Ils sont invariablement formés aux Etats-Unis - notamment à l’université de Chicago, temple du néolibéralisme -, et ont souvent été de hauts fonctionnaires internationaux.

Pas un mot sur 30 millions de morts dues à la misère

L’économiste Jagdish Bhagwati « a une telle réputation de chantre de la mondialisation qu’il faut lui demander si sa démarche est bien scientifique (…) » (p.68). Aux yeux de Sorman, cet indien ayant travaillé pour l’OMC est quelqu’un de « pondéré » (p.79). La preuve : « dans ce débat sur la mondialisation soupçonnée de faire baisser les salaires, Bhagwati devine le spectre renaissant du ‘‘péril jaune’’ » (p.71). Sorman a rencontré aussi le croisé Gary Becker qui propose de mettre fin à la gratuité des universités et de faire payer les migrants afin de réguler les flux migratoires.

Dans ces conditions comment s’étonner que l’auteur préfère évoquer la diminution du nombre de pauvres, généreusement attribué au développement du libre-échange, plutôt que les 30 millions de personnes qui meurent chaque années de misère, selon le PNUD ? Plus étonnant, même le New Deal, qui a tiré des millions d’américains de la pauvreté dans les années trente, comme les conquêtes du Front Populaire, sont présentées comme deux expériences qui feraient l’unanimité contre elles. Le scoop tient en une page, mais Sorman continu d’être interrogé sur son livre comme s’il s’agissait d’un travail sérieux.

Si le monde était dominé par la rationalité décrite par les néolibéraux, aucun lecteur ne devrait passer ses congés payés avec un livre aussi dévot.

« L’économie ne ment pas », Guy Sorman, Fayard, Paris, 2008, 354 p.

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7 MESSAGES

Forum

  • L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !
    le vendredi 25 avril 2008 à 20:05, jlm38070 a dit :
    Des congés payés !!!! Fi donc !!! Quelle horreur !!!! Pour m. Sorman, des congés sans solde à la rigueur, mais surtout, pas de congés !!!!!
  • L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !
    le vendredi 25 avril 2008 à 20:02, Phoskito a dit :

    Cher Olivier,

    je n’ai pas lu le livre de Guy Sorman et je suppose que je serais aussi navré que vous en le lisant. Mais ma déception tiendrait de toute évidence à d’autres raisons que les vôtres car je crois que votre critique souffre un certain nombre de faiblesses. Elle semble, à vrai dire, marquée par les erreurs habituelles des critiques de la pensée économique, lorsqu’elles sont écrites par des non-économistes.

    Ne le prenez pas mal, mais le simple usage du terme "néo-libéral" tend à vous disqualifier, dans la mesure où ce terme appartient peut-être au vocabulaire de la science politique, mais il n’appartient en aucun cas au vocabulaire de la science économique. Aucun économiste ne se désigne comme "néo-libéral", sauf pour rire. Cette expression n’aurait pas beaucoup de sens, si vous y réfléchissez bien, puisque l’économiste ne prêche la liberté que lorsqu’elle lui paraît efficiente, de la même manière qu’il prêche pour le camembert au lait cru, si cette pratique lui paraît efficiente. Le but de la science économique n’est pas de produire une idéologie sur le système politique mais de répondre à des préoccupations plus neutres et plus générales, tout comme un astrophysicien se soucie assez peu des conséquences de ses recherches sur le code de la route. J’exagère à peine.

    Votre commentaire sur l’Université de Chicago traduit lui aussi une certaine naïveté. S’il est vrai que cet établissement a accueilli un grand nombre de chercheurs comme R. Lucas, R. Barro, G. Stigler, G. Becker et d’autres qui prônaient une moindre intervention de l’Etat dans l’économie, cela ne fait guère de tous ses professeurs et anciens élèves des anarcho-capitalistes radicaux. Tout comme il y a des capitalistes à Paris 8, des libéraux à Assas, des fascistes à Sciences po, ou des socialistes à HEC, cette université est avant tout un rassemblement d’individualités, souvent brillantes. La critique de la pensée économique est bien entendu un exercice nécessaire. Mais cette pensée reposant sur des raisonnements pointus, le discours qui consiste à la considérer comme une idéologie aussi simpliste que les idéologies partisanes est évidemment trompeur. Les logiques économiques ne sont pas à la portée immédiate de tout un chacun. Les vulgariser requiert un réel talent, que n’a peut-être pas Monsieur Sorman. Ce n’est pas pour autant qu’il est bienvenu de pourfendre une discipline dont les travaux ont beaucoup apporté à l’humanité, aussi bien sur le plan matériel que sur le plan de la conscience individuelle. De plus, comme la liberté est généralement plus productive que l’absence de liberté, le raisonnement économique a indirectement beaucoup contribué aux libertés individuelles, puisqu’on lui doit d’avoir convaincu maints despotes de renoncer à leurs abus en échange d’un profit supplémentaire.

    J’espère donc que les mauvais livres ne vous donneront plus, à l’avenir, d’occasion de médire sur une bonne démarche intellectuelle. Cordialement.

    • L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !
      le lundi 28 avril 2008 à 09:14, O.V. a dit :

      "Ne le prenez pas mal, mais le simple usage du terme "néo-libéral" tend à vous disqualifier, dans la mesure où ce terme appartient peut-être au vocabulaire de la science politique, mais il n’appartient en aucun cas au vocabulaire de la science économique. Aucun économiste ne se désigne comme "néo-libéral", sauf pour rire."

      Il y a plusieurs choses à vous répondre (sur l’école de Chicago, notamment), mais passons. Juste une citation, au hasard de mes lectures : "En 1953, l’économiste Louis Baudin, écrivait : ’’le néo-libéralisme est en voie de formation. La semence est jetée, la moisson viendra à son heure.’’"

      Cette phrase est tirée de Néo-libéralisme version française, François Denord, Demopolis, Paris, 2007, p.303.

      Ce livre s’attache en particulier à étudier la formation de ce courant de pensée à travers la tenue du colloque Lippman dans l’entre-deux guerre et la constitution de la Société du Mont-Pélerin (SMP), dans l’après-guerre, deux événements dont Louis Baudin était partie prenante.

      Mais qu’est-ce donc que le néo-libéralisme ? Selon F. Denord, c’est un "réformisme conservateur". "L’innovation de ce libéralisme renouvelé fut d’imaginer l’Etat comme l’acteur de son propre dessaisissement". (p.305).

      Enfin, si certains économistes dénient le terme de néo-libérale, vous n’êtes pas obligé de les croire.

      Après deux décennies de privatisations, y-compris celles effectuées par le Général de Gaulle, de modification de la fiscalité, du financement de l’économie, de libre-circulation des capitaux et des marchandises, de refonte du code du travail et de restrictions à la Sécurité sociale ; l’économiste Jacques Garello, lui aussi membre de la SMP déclare : "la France se retrouve plus socialiste en 2004 qu’en 1981". Il poursuit : "l’expression politique du libéralisme n’existe plus" et "les voix libérales ont été bâillonnées". (ibid. p.307)

      Voyez, jusqu’où le dénie peut aller. Et, il n’a pas l’air de rire.

  • L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !
    le vendredi 25 avril 2008 à 19:36, Al1 a dit :
    N’avez-vous pas aussi l’impression de réciter un catéchisme ?
    • Catchisme ?
      le samedi 26 avril 2008 à 06:51, O.V. a dit :
      Avant d’en convenir, dites-moi où exactement sinon vous serez retenu et obligé à lire l’ouvrage de G.S.
  • L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !
    le vendredi 25 avril 2008 à 19:32, idv a dit :

    Le fait que la biologie révèle l’existence d’une différence gigantesque entre agressivité d’action, propre à tous les règnes, et violence gratuite, propre à l’espèce humaine laisse totalement indifférent « intellectuels » et philosophes, le fait que l’éthologie révèle qu’excepté l’humain aucun animal ne tue pour tuer laisse totalement indifférent psychologues et sociologues, le fait que la zoologie révèle que seul l’animal humain pratique génocide et suicide laisse totalement indifférent politiques et religieux, le fait que la quasi-totalité des sciences humaines révèle le caractère non-conservateur de l’humaine agressivité laisse totalement indifférent enseignants et parents, le fait que l’astrophysique révèle l’existence d’une différence sans commune mesure entre Univers en expansion et compulsion à la rétention (thésaurisation) propre à « homo sapiens » laisse totalement indifférent journalistes et simples quidams…

    Et, par ailleurs, le fait que dans une indifférence quasi générale – aujourd’hui comme tous les autres jours de l’année – plus de 20 000 enfants vont crever de faim (chiffre ONU), que plus de 2700 désespérés vont se suicider (chiffre OMS), qu’en cet instant plus du tiers des habitants de la planète errent en guenille et le ventre vide (chiffre ONU), que d’ores et déjà 30 % des maladies ont une cause environnementale (chiffre OMS), qu’à présent plus que jamais le chacun pour soi acharné l’emporte sur l’altruisme partagé, qu’aujourd’hui bien avant qu’il naisse tout enfant soit condamné à se battre comme un forcené pour acquérir demain son droit d’entrer dans l’arène…

    Bref ! Aujourd’hui, et n’en déplaise aux innombrables agités de tous bords et aux innombrables penseurs de tous poils, ce n’est plus une poignée d’indices mais un flot ininterrompu de faits bien concrets et rouge sang qui, jour après jour, trahit la profonde démence de l’humain.

    • L’économie ne ment pas ? Et la nature, bordel !
      le samedi 3 mai 2008 à 12:52, snipoza a dit :

      Merci à OLIVIER VILAIN de nous éviter une pollution intellectuelle par la lecture de GS. Merci à IDV de donner une vraie perspective au sujet.

      Pauvre PHOSKITO généreux de condescendence pour celui qu’il nomme "mon cher Olivier", perclu de ses croyances économistes, on croit rêver quand PHOSKITO idéalise et idéologise le "développement des libertés individuelles" dûe à une organisation associale qui produit autant de mort de misère de guerre de haine de destruction massives de l’Humanité et de la Nature.

      La propension compulsionnelle de l’Homme à la rétention-thésaurisation inversement proportionnelle à l’expansion de l’Univers (je reprends à mon compte le propos d’IDV) est parfaitement illustrée par le repli sur son quant-à-soi du donneur de leçons qui s’effarouche du néologisme néo-libéral. J’appelle le système qui génère 20000 morts par jour, l’Ordre marchand selon la terminologie de l’idéologue Jacques Attali, un Ordre libéral-fasciste, comme on appelle un chat un chat. Les structures qui gouvernent cet ordre échappent totalement au contrôle des citoyens : World Bank, OMC, Fed, BCE, FMI, sommet de Davos, Skull & Bones, Commission Trilatérale, NATO, ONU, Bilderberg, j’en passe…développent durablement la croissance de la "liberté individuelle", des enfants femmes et hommes de notre planète, de crever de faim de pauvreté de guerres de privations. Pour mener une telle guerre à l’Humanité, il importe de mener la guerre de la communication, Guy Sorman en est un bon soldat.

      20000 morts par jour ça fait 7.100.000 par an, de quoi provoquer l’admiration d’Hitler, Staline, Mao, Pol Pot, Bush, Poutine…La Terre fantasmée comme un camp d’extermination globale des pauvres "surnuméraires", grâce au néo-libéralisme c’est possible. Dans une vidéo publiée sur ce site, le député Jean Lassalle, peu suspect d’idéologie et connaissant l’expérience de la faim, explique clairement ce système échappant à tout contrôle citoyen : le pouvoir de la finance allié à son exercice par une administration de type soviétique.

      Je conclue enfin en citant NIETSZCHE : "ceux qui croient qu’on ne peut pas changer le monde ont soit une mauvaise vue soit une mauvaise foi ; la première se corrige, la seconde se combat". Je choisis ici de cautionner délibérément la bonne vue d’OLIVIER VILAIN et la bonne foi manifeste de IDV.

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