Alexandre Rodriguez, patron de Rodriguez Group, leader du yachting de luxe, vient de liquider SNP Boat Service, sa filiale suisse. Juste au moment où un juge exécute à Genève une commission rogatoire internationale…
Comment profiter des millions d’euros malhonnêtement gagnés grâce au racket et aux machines à sous ? C’est pour tenter de répondre à cette question que le juge français Philippe Dorcet était à Genève en début de semaine. Sa commission rogatoire internationale fait suite à un vaste coup de filet lancé le 5 juin dernier à Golfe-Juan, sur la Côte d’Azur.
La police interpelle une vingtaine de personnes, dont Bernard Barresi, en cavale depuis dix-huit ans pour le braquage d’un fourgon blindé, Michel Campanella, condamné à quatre ans de prison pour « recel en bande organisée », et son petit frère Gérarld, sous le coup d’un mandat d’arrêt pour une condamnation dans une affaire d’escroquerie.
De mauvais esprits soupçonnent ces trois caïds de tenir d’une main de fer des établissements de nuit marseillais. Au moment de leur arrestation, ils s’apprêtaient à passer un week-end radieux sur des yachts de luxe appartenant à Alexandre Rodriguez. Ce flambeur de 39 ans est surtout le patron de Rodriguez Group, numéro un mondial du yachting de luxe.
Le PDG et les voyous, inculpés de « blanchiment, extorsion de fonds, infractions à la législation sur les jeux et association de malfaiteurs », dorment à la maison d’arrêt de la Farlède, dans le Var, depuis début juin.
« Un PDG chez les caïds » ! L’histoire est suffisamment croustillante pour inspirer toute une page trois du journal Le Monde du 21 juillet dernier. Pour le juge marseillais Philippe Dorcet la question se pose en d’autres termes : Alexandre Rodriguez cherchait-il seulement des frissons en s’encanaillant avec des caïds ? Quitte à offrir un bateau, baptisé « L’Atlas », valant un million de francs, à Michel Campanella. C’est la version que tente de distiller Lionel Moroni, l’avocat d’Alexandre Rodriguez.
À moins que Rodriguez Group et ses multiples filiales, en Suisse, en Tunisie, aux Etats-Unis et aux Emirats Arabes Unis, aient pu présenter un intérêt économique pour le milieu marseillais. En effet, l’argent du racket ne se dépose habituellement pas sur un compte en banque, surtout quand on est en cavale depuis 18 ans, comme Bernard Barresi. Il faut trouver des âmes charitables pour le recycler.
Faut-il s’étonner si les investigations de la justice française conduisent dans le canton de Genève ? D’une part, Alexandre Rodiguez est domicilié à Corsier, une petite commune du canton de Genève. Par ailleurs, il est administrateur de la société Service de Navigation Plaisance (SNP) Boat Service, installée rue du Commerce à Genève. Une entreprise spécialisée dans l’achat, la location, la vente de bateaux neufs et d’occasions, ainsi que dans l’acquisition de places dans les ports, comme Bakchich l’a déjà raconté.
Depuis le début de la semaine, le directeur de SNP Boat Service est « absent » et « malheureusement personne ne peut répondre à sa place ». La société a-t-elle été perquisitionnée ? L’employée s’est contentée de glisser « c’est fatigant », avant de raccrocher.
Mercredi 28 juillet, la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) annonce que la société SNP Boat Service (Suisse) est en liquidation ! La décision de dissolution aurait été prise le 14 juillet (ça ne s’invente pas) lors d’une assemblée générale extraordinaire. On peut se demander comment l’avocat Edmond Tavernier, domicilié à Genève, qui détient 2498 actions sur 2500 de SNP Boat Service, a pu se réunir avec son associé Alexandre Rodriguez, actuellement incarcéré dans le sud de la France…
Bakchich n’a pas eu plus de chance avec maître Edmond Tavernier. L’avocat est également injoignable toute la semaine. Il est vrai que notre homme a d’autres soucis ces derniers temps. Son nom apparaît dans la tentaculaire affaire Bettencourt. Il aurait repris en main en 2007 la fondation du Liechtenstein Arros Land Establishment, qui gère l’île des Seychelles apparemment propriété de la femme la plus riche de France.
Selon une source proche de l’enquête, plusieurs perquisitions ont eu lieu lundi, ainsi que des saisies de comptes bancaires. Le juge Philippe Dorcet, accompagné de policiers marseillais et parisiens, a mené ces investigations en présence d’Alix Francotte Conus, juge d’instruction genevoise.
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