Carnet de bord de nos envoyés spéciaux en Afrique du Sud. A 2h du mat’ dans une station-service de la National 5.
Perdues dans les brumes du Drakensberg, les majestueuses montagnes sud-africaines, dans lesquelles les Boers fuirent la tutelle anglaise au XIXe siècle, avant d’être rattrapés par la guerre anglo-boer (1899-1902). Deux heures du matin. La voiture tourne depuis 22 heures sur les routes de l’État Libre d’Orange, le Free State.
L’heure est à la pause. Dans le trajet, après 400 km à doubler les charmants 33-tonnes qui laissent volontiers passer les 4 roues nerveuses ; habitude d’un pays de routiers où les kilomètres s’avalent aussi aisément que les steaks de 800 grammes.
Coupure dans La coupe du monde, après la fureur de Bloemfontein.
La capitale judiciaire d’Afrique du Sud (et du Free State), berceau de l’African National Congress (ANC), connaît ses moments de gloire et de cohue avec le Mondial. Des garages du mall jouxtant le stade de la ville aux travées, les vuvuzelas règnent. Assourdissant, droguant, abrutissant. Et au tout final, presque mélodieux à l’intérieur du stade quand elles s’accouplent aux chants des supporters ou résonnent en un rythme que les retransmission télé n’arrivent à répercuter. Afrique du Sud-France (2-1) l’avait fait pénétrer dans la noire histoire du sport français le 22 juin dernier. Le dernier Allemagne-Angleterre (4-1) le 27 juin, va définitivement faire entrer la cité universitaire dans la légende du sport mondial. Avec un but valable refusé aux Anglais… éliminés.
Nulle chance, en revanche que la bourgade (96 000 habitants au compteur) d’Harriesmith, qui colle aux flancs du Drakensberg, pénètre dans l’inconscient planétaire. Pas plus que Bethleem, 200 km plus tôt sur la National 5, n’a de chance de devenir un lieu de pèlerinage.
Une station Engen, dans le brouillard. L’enseigne de station-service est présente dans les moindres recoins d’Afrique du Sud, faisant la nique à Total, BP et autres Shell.
Lieu de vie en journée, place où échouer la nuit. Dans une contrée habituée à vivre enfermé, les stations-essence s’avèrent de vrais lieux de vie. Très fréquentés. Où se croisent noirs pauvres et riches blancs, et inversement, quand les couleurs de l’arc en ciel se mélangent moins dans les rues des cités.
A deux heures du matin, assurant la sécurité, coiffés d’un bonnet ou derrière le compteur du fast food, ne demeurent éveillés que les moins argentés. Les Noirs. Xhosa ou Zoulous au choix, veillant sur les cartes de burgers aux noms chantants. Hawaiian, Indian etc… La cuisine reste ouverte toute la nuit, le café continue à brûler. Et les nuages de descendre des montagnes pour enserrer la station-service d’Harriesmith.
Tableau un brin surréaliste. L’humidité ambiante a semblé figer le temps. Quelques instants loin de la fièvre de la Coupe du Monde, de la tutelle imposée par la Fifa sur le pays. Encore 6 heures avant de rallier l’épicentre du Mondial sur la côté indienne, Durban.
Là-bas, promettent les communiqués de l’instance internationale, se trament les fêtes les plus grandioses de la compétition. Et le Fifa Fan Fest, sorte de village réservé aux supporters désireux d’engraisser les sponsors Fifa (Budweiser, Coca Cola ou Mac Donald’s). Aucune boisson, nulle nourriture ne peut y pénétrer si ce n’est estampillée par l’apôtre du "good game".
A l’instar de celle du Cap, l’antre de la fédération internationale vérole le lieu le plus apprécié de la ville : promenade de South Beach barrée. Le front de mer jalonné d’énormes dalles de béton. Même le GPS s’y perd et trimballe le conducteur fatigué de sens inverses en cul-de-sac. Un signe de la direction prise par le football mondial ?
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