Vous êtes industriel pharmaceutique et vous ne savez que faire de vos vaccins contre la grippe A ? Pas d’inquiétude, l’OMS se charge d’écouler vos stocks.
Un haut représentant du ministère de la Santé qui se fait piquer devant une flopée de médias pour lancer une campagne de vaccination contre la grippe A, on connaît. Sauf quand la scène se passe… au Togo, en avril, et se répète, cet été, en République centrafricaine et au Niger.
À la baguette, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui écoule les « généreux » dons de vaccins contre le virus H1N1 des laboratoires pharmaceutiques et des pays du Nord. Sur place, du côté des personnels de santé et des ONG, c’est l’incompréhension. Pourquoi vacciner dans des pays où aucun cas de H1N1 n’a été enregistré ? L’OMS rétorque qu’il peut encore y avoir un risque, surtout dans les pays africains, où les populations sont fragiles. Étrange puisque la fin de la pandémie mondiale de grippe A a été déclarée le 10 août 2010, par… l’OMS, justement !
« Ce n’est pas parce qu’aucun cas de grippe A n’a été répertorié qu’il n’y en a pas eu », explique doctement Gregory Hartl, le porte-parole de l’OMS chargé des pandémies et épidémies. Selon lui, il suffit de se fier au cas de l’Afrique du Sud, dont le système de détection passe pour être le plus performant d’Afrique : plus de 12 000 cas et 93 décès y ont été enregistrés en décembre 2009. « Le virus ne s’arrête pas aux frontières ! » Certes.
L’Institut français de veille sanitaire, qui n’a produit aucun rapport sur l’évolution du H1N1 en Afrique, estime quant à lui qu’il est « difficile d’évaluer l’épidémie dans ces pays-là ». Précisément parce qu’« on n’a pas de boule de cristal », raille un membre d’une ONG française. Et le même de poursuivre : « Faut-il, face à un ennemi invisible, vacciner sans en évaluer la pertinence et en identifier les risques ? »
Un spécialiste des vaccinations concède que ces campagnes anti- H1N1 en Afrique ne sont « pas pertinentes du tout ». D’abord parce qu’il y a effectivement d’autres priorités, comme le paludisme ou encore la grave épidémie de rougeole qui a frappé un certain nombre de pays africains à la même période. Ensuite parce que le vaccin contre le H1N1 offre une protection de courte durée comparé à d’autres vaccins. Celui contre la rougeole, par exemple, dont une monodose protège le patient pendant dix ans.
Pis, ces campagnes ont mis au pied du mur les professionnels de la santé présents sur place. Rémunération du personnel chargé d’administrer les vaccins, conditionnement et transport des doses : tout cela a un coût. Selon l’OMS, les pays donateurs ont participé à des fonds pour la mise en œuvre de la vaccination. Et puis, « quand on a des dons disponibles, il faut bien les utiliser ». Imparable.
Souvenons-nous : en janvier 2010, la polémique enfle en France autour de la surévaluation des stocks de vaccins contre le H1N1. Roselyne Bachelot se retrouve avec des millions de doses sur les bras. Au même moment, selon la direction générale de la Santé, la France commence discrètement à livrer à l’OMS son surplus de vaccins. Nombreux sont les pays à l’imiter, comme les États-Unis. Dans la foulée, les firmes pharmaceutiques font un « geste ». Le laboratoire britannique GlaxoSmithKline donne 50 millions de doses à la grande prêtresse de l’OMS, Margaret Chan. Sanofi Pasteur, Baxter et Novartis promettent également 10% de leur production. La plupart des vaccins contre le H1N1 étant périmés à la fin 2010, c’est ça ou la poubelle !
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