Carnet de bord des envoyés spéciaux de Bakchich au Mondial sud-africain. Episode six : succombons aux charmes du Cap, le berceau de l’Afrique du Sud.
« C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane, à l’Italie »… jusque dans les moindres et plus récents détails. Les townships, qui enserrent, la ville, soutiennent largement la comparaison avec les gourbis provençaux et les hommes-poissons de Nouvelle-Orléans. Des Velds alentour au centre ville, un amoncellement de tôle scande l’horizon. Les Cape flats. Fier, seul, flambant neuf, un panneau Coca-Cola, partenaire officiel de la Fifa, surplombe majestueusement une baraque brinquebalante, « Bar ».
Après dix minutes de route, un fumet particulier, digne des usines chimiques de la Mède (Bouches-du-Rhône), se dégage autour de grandes cheminées. Et le spectacle s’agrémente d’une centrale nucléaire, née du temps de l’Apartheid, Formidable fruit de la collaboration franco-israélienne au service d’un régime sud-africain pourtant au ban de la communauté internationale. Le doux climat méditerranéen qui baigne la baie, plutôt que de bas intérêts économiques, a dû faciliter le partenariat.
Une cité méditerranéenne en pleine Afrique australe. Comme sa sœur Marseille, deux routes y mènent.
L’une touche à son cœur. Un centre ville populaire, brut, vivant. Et des avenues qui n’en finissent plus, se disputant le titre de la plus longue. Un concours tout méridional entre Long Street, Loop Street, Bree Street etc.
L’autre lèche le flanc des collines environnantes. Leur Gineste s’appelle Table Mountain et se drape à l’occasion d’un immense nuage blanc. Veillant sur la ville, majestueuse et intouchable. La Bonne mère aimante et fière du paysage qu’elle embrasse.
Une baie immense se dessine, bordée d’une longue corniche qui colle au plus près des eaux. Et se promène des beaux quartiers de Seapoint et Greenpoint jusq’au port autonome.
Des joggers du dimanche l’empruntent en tous sens. Des footballeurs du samedi improvisent des matchs avec des supporters étrangers débarqués sur les plages avec le Mondial.
A quelques encablures, une prison aussi mythique que le Chateau d’If. Robben Island. L’ancienne léproserie transformée sous l’apartheid en prison pour partisans de l’ANC. Mandela, lèpre du régime blanc, ou l’hommage involontaire du vice à la vertu.
Jusqu’au vent violent qui souffle en ces jours d’hiver a des goûts de Mistral. Sec, froid, glaçant. Qui nettoie le ciel en rendant fada. Ne manque qu’une mauresque, denrée introuvable en terre australe, pour définitivement s’abandonner.
Ici est née l’Afrique du Sud. Ici ont débarqué, au XVIIe siècle, les premiers colons hollandais, germes des Afrikaners qui ont bâti le pays et instauré l’Apartheid. D’ici est parti le Grand Trekboer vers l’Est du pays, mythe de la nation blanche. Ici a commencé le métissage. Avec une femme pour dix hommes, les premiers colons se sont assis sur leurs sentiments racistes… et ont goûté aux plaisirs locaux. A part Ted évidemment. Au bout de Kloof Street, le quartier malais se teinte de pastel. Un rayon de lumière sur leurs maisons un brin insalubres. L’immigration malaise — il a bien fallu aider les esclaves noirs — a fini de donner ses gages de cosmopolitisme à la ville. Pourtant jusqu’en 1999, le Cap a été démocratiquement aux mains du National Party, le parti Afrikaner. Aussi compréhensible que le score du Front national à Marseille. Désormais le Democratic Party, d’Hélène Zille a la main. Ou la reprendra quand la Fifa aura plié gaules et vuvuzelas.
Ici malgré les routes barrés pour complaire aux hautes sphères du ballon rond, malgré l’hôtel de ville et la place historique (Grand Parade) privatisé, les rues sont animées. Entre gratte-ciel et vieilles bâtisses coloniales, la bière coule à flots. Une rivière d’hiver qui court du Waterfront (le port) à Boo-Kap. Ici, ou à peu près, se rejoignent l’Océan Indien et l’Atlantique : le Cap de Bonne-Espérance. Balayées par les vents, les falaises tiennent. À droite la mer, à gauche la mer, en face la mer. À perte de vue. C’est tout ? Oui, mais c’est beau. Je m’excuse mais merde, je m’excuse !
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