Notre ennemi, c’est nous. La preuve ? Tout le monde est d’accord pour dire que la surpopulation carcérale est le grand mal des prisons françaises et tout le monde est d’accord pour y mettre un terme (sauf les barbares, ça va de soi). Mais la surpopulation carcérale a de beaux jours devant elle quand, pour les plus progressistes de ses pourfendeurs qui sont des nôtres, deux et deux ne font pas quatre.
Car enfin ! Comment prétendre vouloir éradiquer autrement le fléau qu’en exigeant qu’une place, une seule et même petite place, ne soit occupée que par une personne. N’en déplaise encore à beaucoup, cette disposition a un nom : le numerus clausus. Ce « nombre clos », « nombre arrêté », signifie que lorsque la place est occupée, les solutions doivent être mécaniquement trouvées ailleurs. Ces solutions sont au nombre de trois et pas une de plus : construire plus de prisons, requalifier certains délits qui ne doivent plus conduire en prison, anticiper la sortie en aménageant la peine.
Notre collectif a d’emblée exclu l’hypothèse naïve et pire, démagogique, qui ferait croire qu’une offre accrue de places mettrait un terme à la surpopulation carcérale. Ainsi, nous achevons la construction, entreprise il y a 20 ans, de 30 000 places qui sont instantanément sur-occupées, tant qu’il n’est pas encore décidé qu’une seule et même place ne peut être occupée que par une personne.
Les magistrats portent l’entière responsabilité des entrées en prison et des aménagements de peine. Tant qu’ils considéreront que le droit et la dignité des personnes détenues n’est pas une exigence de leur métier, ils dissocieront à l’envie personnes contenues et contenant. Mais il est vrai qu’ils ont un allié de poids. Qu’on en juge, à notre tour, dans cet extrait du Rapport de l’Assemblée nationale fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises (juin 2000) :
« Monsieur Robert Badinter a émis des réticences en considérant que le principe du numerus clausus irait à l’encontre de la liberté de juger. Il est indéniable que la solution préconisée va à l’encontre de la culture des magistrats, qui ne se sentent pas responsables de la surpopulation et peu concernés par le problème des capacités pénitentiaires. Le réflexe actuel dominant est encore, dans ce contexte, celui de la détention ».
Dorénavant, tout sera comme d’habitude ?
Bernard Bolze
Coordinateur de Trop c’est trop, campagne pour le respect du numerus clausus en prison
Fondateur de l’Observatoire international des prisons (OIP)
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