Entre grand banditisme, dossiers politico-financiers explosifs, grands procès à venir, et la possible mutation de Charles Duchaine, la star des juges d’instruction de la ville, la rentrée judiciaire est chargée à Marseille.
Le soleil baigne encore la ville. Les gabians font encore entendre leurs cris. Mais les robes sont de nouveau sorties. Malgré le ciel, les oiseaux et la mer, c’en est fini des vacances judiciaires à Marseille. Le procureur Jacques Dallest prononce le 29 août l’allocution de rentrée et magistrats, avocats, juges en sont quittes pour une nouvelle année, chargée de dossiers.
Avec en ligne de mire trois grands procès à venir. La tuerie des Marronniers, pour la fin de l’année,, la Société méditerranéenne de sécurité (SMS) pour le printemps et le Cercle Concorde aux premiers jours de l’été.
Et de frétillantes instructions politico-financières en cours. Au choix l’enquête sur les subventions détournées des conseils général et régional, ou les marchés publics des ordures de la communauté urbaine de la Ville.
En toile de fond, couleur locale oblige, les liens incestueux entre politique, économie et grand banditisme, remis au goût du jour depuis l’arrestation des maîtres du Milieu de la ville, le clan Campanella-Barresi.
De quoi provoquer un léger embouteillage aux abords du Vieux-Port et dans les allées du Palais de Justice marseillais. "La ville va exploser", pronostique même, un brin apocalyptique, un des avocats les plus en vue de la cité.
Un bel horizon, qui pourrait être chamboulé par le ministère de la Justice.
Le 9 juillet dernier, la loi favorisant la saisie des avoirs criminels a enfin été promulguée. Aux premiers jours de 2011 verra le jour l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Comprendre un établissement public qui sera chargé de la gestion du grisbi confisqué aux gros bonnets pendant les procédures pénales et dont la présidence sera confiée à un magistrat.
Au premier rang des noms sussurrés, point le juge Charles Duchaîne, vice-président chargé de l’instruction auprès du Tribunal de Grande Instance de Marseille, membre de la Juridiction internationale spécialisée… et habitué des dossiers sensibles.
Après s’être chargé de la société méditerranéenne de sécurité, qui mouillait la chambre de commerce d’Ajaccio et la classe politique corse, du Cercle Concorde, qui plongeait dans les vieilles arcanes du Milieu marseillais, "Duduch’ " s’est retrouvé dans des dossiers à l’accent très politique. Des étranges marchés de BTP sur la Côte d’Azur (dossier Beausoleil Vestri) à la bouillante enquête sur les ordures marseillaises, où affleurent les noms de Jean-Noël Guérini, président socialiste du conseil général, et de son frère Alexandre, croquemitaine de la politique locale.
Bref, un juge suffisamment gênant pour qu’on lui souhaite d’aller voir du pays à Paris… et qui ne barguignerait pas à s’installer à un poste si haut placé.
Dès avril, Duchaîne a vanté dans l’Express les qualités de la future agence. Et en juin, selon d’indiscrets avocats, le juge a sondé les professionnels intéressé pour faire partie de sa future équipe. Une véritable campagne… et des rumeurs de départ encore renforcée par la date de sa rentrée de vacances le 6 septembre. 7 jours après la rentrée de ses petits camarades
Depuis des semaines, le nom de son successeur est savamment distillé sur les terrasses du port entre le jaune et le glaçon. Le 9 juillet, quand la loi créant l’Agrasc a été définitivement validé, un décret a nommé vice-président en charge de l’instruction auprès du TGI de Marseille, Pierre Philippon. Un juge à la réputation ambigüe. "Sans équivalent pour enterrer un dossier", pestent les plus acerbes. "Un diesel mais qui ne lâche pas", se souviennent les plus rieurs, qui se rappellent que l’homme avait mené l’instruction qui mena au premier procès des comptes de l’OM, et à la première condamnation de Bernard Tapie, et des désormais tout puissant agents de joueurs, le duo Jean-Pierre Bernès/Alain Migliaccio…
Petite confidence venue de la Place Vendôme, "une mission de préfiguration de l’Agrasc sera mise sur pied par circulaire dans les prochains jours. Et il est bien évident que le patron de cette mission sera le futur boss de l’agence", Avant de préciser que "Duchaine n’est qu’un nom parmi d’autres et pas forcément la bonne piste".
Les paris restent ouverts. Pour quelques jours. Et la rentrée judiciaire marseillaise d’en être décalée d’autant…
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