Vie et mort de trois losers de Staten Island. Produit par Luc Besson, un polar décérébré mais sous influence.
Coupe de cheveux de cureton, triple menton, lunettes de belle-mère, Parmie Tarzo est un petit caïd de la mafia de Staten Island, banlieue morne de New York, terrain de jeu préféré des mafieux et cimetière géant pour leurs victimes. Parmie aime la pasta, mais pas trop les petits malins qui tentent de le doubler. Quand il ne torture pas un rival, il enfile un slip et un bonnet de bain, et tente de battre le record de monde d’apnée. Puis, il rentre chez sa mamma pour la pasta. Un beau jour, il décide de devenir le caïd N°1 du quartier et de dessouder tous les mafieux russes de la chaîne alimentaire. Mais suite au cambriolage du domicile de la mamma et à la traîtrise de ses lieutenants, Parmie va disjoncter complètement et trouver refuge… au sommet d’un arbre.
Doté d’un Q.I. de gastéropode, Sully pratique quant à lui le boulot de vidangeur de fosses septiques. Sympa, mais salissant. Bien sûr, le métier n’est pas sans risque et Sully se retrouve plus qu’à son tour décoré de merde de la tête au pied. A la maison, Sully passe de longs moments sous la douche, se récure inlassablement les ongles avant de se faire renifler par sa douce et tendre qui lui conseille un nouveau passage dans la salle de bain. Une vie de merde, quoi ! Pour payer les frais d’une clinique expérimentale qui lui propose de faire de son bébé à venir un génie génétiquement modifié, Sully décide de s’offrir un petit casse entre amis. Pas de pot, il va cambrioler la mamma de Parmie Tarzo. Boulette !
Vieux bonhomme au visage récuré par la vie, Jasper est un modeste épicier. Il confectionne amoureusement de petits sandwichs, coupe de fines tranches de pastrami avec sa machine rutilante, mais met parfois sa main dedans. Aie. Adepte de la doctrine Sarko « Travailler plus pour gagner plus », notre homme fait des heures sup pour la mafia et débite les cadavres qu’on lui apporte. Charcutier le jour, équarrisseur la nuit, il est également sourd-muet et ne se déplace jamais sans un carnet où il griffonne de petites notes.
A ce stade de votre lecture, vous devez vous demander si j’ai fumé la moquette, mais je me dois de vous rassurer, je n’invente rien, tout est dans le film, faux polar mais vraie merde. Alors qu’il devait sortir en mars dernier, Little New York, sous-titré « On y vit, on y meurt » (sic), est distribué six mois plus tard, en plein été, par EuropaCorp qui va essayer de faire passer cette chose pour un film de genre. Responsable de cet accident industriel, James deux Monaco et l’addition s’il vous plaît (oups, l’attachée de presse me signale qu’il s’agirait d’un certain James DeMonaco). Enfin. Notre homme est le scénariste de Jack, un des pires Coppola, et d’Assaut sur le Central 13, remake nullissime du classique de John Carpenter.
Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, DeMonaco tente de copier, pour l’humour décalé, les frères Coen et, pour la structure, Quentin Tarantino, qui en plus de faire de mauvais films, a donné naissance à une multitude de tâcherons. Ici, pour masquer le vide abyssal de son scénario, DeMonaco fait le malin, raconte trois histoires différentes, celle des trois protagonistes principaux, et entrecroise parfois les récits dans le style Pulp Fiction ou Sin City. Autant pour l’originalité. Comme il tente de meubler, il dérègle la temporalité, décline règlements de comptes, trahisons et coups de théâtre prévisibles et pique à droite à gauche.
Son personnage de Parmie Tarzo est calqué sur celui de Tony Soprano, ce qui est une grave erreur car la moindre réplique de David Chase est plus inspirée, drôle, innovante que les 96 minutes de cette diarrhée. Ethan Hawke, qui joue Sully, semble sortir de 7H 58 ce matin-là, grand film dépressif de Sidney Lumet. Quant à Seymour Cassel, imposé par les producteurs français (« Prends Cassel, un des acteurs fétiches de Cassavetes, les critiques français vont adorer, coco »), il est la touche poétique du film et incarne un personnage « chaplinesque » (c’est dans le dossier de presse) qui va néanmoins exploser deux ou trois têtes à la fin, eh oui, on est dans un polar tarantinesque, quand même.
Pourquoi parler de Little New York s’il n’y a rien à en sauver vous demandez-vous ? Tout d’abord, vraie curiosité, ce petit film indépendant américain est coproduit par deux boîtes françaises à priori antinomiques, Why not, une société exigeante qui a financé Un prophète de Jacques Audiard ou les Desplechin, et EuropaCorp, qui usine des produits bas de plafond, nuls et vulgaires. S’agit-il d’une fusion et verra-t-on bientôt un Transporteur 28 piloté par Arnaud Despelchin ou Le Retour du prophète bâclé par Luc Besson ? A suivre…
L’autre raison, ce sont les acteurs. Comment des pointures comme Ethan Hawke, Vincent D’Onofrio et Seymour Cassel ont-ils pu accepter de se compromettre dans cette série Z ? Problèmes d’impôt, paris d’ivrogne, victimes d’un chantage atroce ? Talentueux, exceptionnels, ils prouvent ici qu’un acteur, aussi grand soit-il, ne peut sauver un film sous influence, sans âme et sans point de vue. A fuir…
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« Little New York » de James DeMonaco avec Ethan Hawke, Vincent D’Onofrio, Seymour Cassel, Julianne Nicholson
En salles le 5 août
Normalement, je n’aime pas la prose de Marc Godin. Mais là, pour avoir écrit « Quentin Tarantino, qui en plus de faire de mauvais films, a donné naissance à une multitude de tâcherons », je lui baise les pieds.
Je pensais être le seul à DÉTESTER le cinéma de Tarantino – et l’homme en prime. Ouf ! on est deux.