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CULTURE / CHRONIQUE CINÉMA

United Red Army : le fond de l’air est vraiment rouge

Nippon / mardi 5 mai 2009 par Marc Godin
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La dérive sanglante d’un mouvement d’extrême gauche japonais. Un cocktail Molotov cinématographique.

Trois heures et dix minutes sur les révolutionnaires d’extrême gauche japonais, ça vous tente ? A priori, non. Pourtant, United Red Army, réalisé par un ancien yakuza de 72 ans, est une œuvre passionnante, effrayante, imparable. Véritable cocktail Molotov cinématographique, c’est également un choc puissance trois : un documentaire, un film d’horreur qui ferait passer Hostel pour un épisode des Teletubbies, et un film d’action claustro. Explications.

L’ultra-gauche prend les armes

Dans les années 60, le monde est en ébullition. Les [Etats-Unis se battent pour les droits civiques, Malcolm X est assassiné, l’armée mexicaine massacre ses étudiants, l’URSS envahit la Tchécoslovaquie, la France est secouée par Mai 68, la Chine par la révolution culturelle, les Américains enterrent le Vietnam sous les bombes… C’est dans trois anciens pays fascistes, l’Allemagne, l’Italie et le Japon, que la contestation va être la plus radicale, la plus violente. Des groupes d’ultra-gauche vont prendre les armes – la bande à Baader, les Brigades rouges et la United Red Army – et faire parler la poudre. Mais si Andreas Baader, Alberto Francheschini et Renato Curcio braquent des banques, exécutent des patrons et défient le pouvoir en place, les membres de la United Red Army vont tout bonnement s’entretuer. Promis à un bel avenir, des étudiants qui voulaient changer le monde ont sombré dans une spirale de folie et de meurtres.

United Red Army - JPG - 143.5 ko
United Red Army

« Si moi je peux réaliser des films, n’importe qui peut le faire. »

Koji Wakamatsu est un des enragés du cinéma japonais. « Petit, j’étais un enfant bizarre : je parlais avec les poissons. Plus tard, j’ai été yakuza, on m’a mis en prison et j’y ai été traité moins qu’un homme. Le cinéma est devenu mon moyen de vengeance. » Réalisateur de manifestes politiques déguisés en films érotiques (une centaine quand même, dont le célèbre Quand l’embryon part braconner), Wakamatsu, assistant de Nagisa Oshima, est connu pour ses films militants comme Armée roue – FPLP : Déclaration de guerre mondiale, où il exhortait la jeunesse des années 60 à se lever contre l’oppression.

Wakamatsu, qui déclare volontiers : « Si moi je peux réaliser des films, n’importe qui peut le faire, c’est une question de volonté », désirait depuis plusieurs décennies monter ce film sur ces révolutionnaires qu’il a fréquentés et soutenus. D’ailleurs, il déclare toujours aujourd’hui : « Ils étaient prêts à mourir. Si je n’avais pas eu de l’affection pour ces jeunes, je n’aurais certainement pas pu les dépeindre de la sorte… Je ne dirais pas que ces jeunes avaient raison. Mais je pense que les atrocités dont ils sont responsables sont le reflet d’une certaine société. Et qu’il est facile pour ceux qui n’ont jamais combattu de critiquer. »

Dans la première partie d’United Red Army, Wakamatsu fait revivre la contestation japonaise des années 60 avec une suite incroyable d’images d’archives, qui cognent comme une matraque de CRS. A la manière d’un Jean-Luc Godard ou d’un Chris Marker, Wakamatsu compile, superpose, remixe textes, images noir et blanc, couleurs, fictions, surimpressions, citations, images fixes, ralentis… On se retrouve plongé dans un maelström de violences, de luttes, de peurs.

C’est du cinéma immersif et profondément didactique. Très vite, on comprend tout des revendications de ces étudiants communistes, des groupuscules comme la FAR (Faction Armée Rouge) et la FRG (Fraction Révolutionnaire de Gauche), qui ont fini par fusionner pour fonder la United Red Army (l’Armée Rouge Unifiée). Avec Wakamatsu, le fond de l’air est vraiment rouge.

Faites la guerre, pas l’amour

En 1971, les membres de la United Red Army décident de passer à l’acte. Ils laissent le Petit livre rouge sur le futon et braquent commissariats, postes, banques et même une armurerie pour financer leur petite armée révolutionnaire. En décembre, ils partent en stage commando dans les montagnes, et s’installent dans la base de Nikura. La deuxième partie du film commence, Wakamatsu change radicalement de focale et s’enfonce dans le huis clos époustouflant, digne d’un film d’horreur. Fanatisés, les étudiants commencent à faire leur autocritique, puis à torturer et à lyncher ceux qui ne sont pas assez communistes ou encore trop bourgeois. Le groupuscule se transforme alors en secte d’assassins. Pendant une heure, Wakamatsu cadre au plus serré ces jeunes idéalistes qui se massacrent car un étudiant a pris un bain en ville, un autre a mangé un biscuit (« un biscuit capitaliste »), une jeune fille s’est maquillée… C’est Mao revu et corrigé par Kafka et repeint en rouge hémoglobine par Wes Craven. La victime est attachée, frappée par tous les membres du groupe, même ceux qui ne veulent pas, et se retrouve bientôt enterrée derrière le chalet… À l’arrivée, 14 étudiants sur 29, dont une femme enceinte de huit mois, périront en moins de deux mois. C’est la fin du rêve révolutionnaire.

De l’influence de Carpenter…

Dans la dernière partie (également une heure, pour info, le film en durait cinq à l’origine !), Koji Wakamatsu filme la fuite éperdue de cinq derniers membres de la United Red Army. Pourchassés par la police, ils trouvent refuge dans le chalet d’Asama, le 19 février 1972. Ils prennent une femme en otage et vont soutenir le siège ultra-médiatisé de la police pendant une semaine. Comme dans Assaut de John Carpenter, Wakamatsu ne montre quasiment pas les assaillants. D’une contrainte économique (Wakamatsu a été obligé d’hypothéquer sa maison pour financer son film), le cinéaste a fait un principe de mise en scène. Nous avons le champ, les activistes barricadés, jamais le contre-champ, les flics. D’où la montée d’adrénaline jusqu’à l’assaut final qui nous laisse pantelant. Sur une musique électrique de Jim O’Rourke (ex-Sonic Youth), le générique de fin nous apprend que certains membres de la United Red Army attendent toujours dans le couloir de la mort. On en sort comme brûlé au fer. Rouge, bien sûr.

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United Red Army de Koji Wakamatsu avec Maki Sakai, Go Jibiki, Shima Onishi, Keigo Kasuya, Taku Sakaguchi.

En salles le 6 mai.


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1 MESSAGES

Forum

  • United Red Army : le fond de l’air est vraiment rouge
    le samedi 9 mai 2009 à 03:35, f. a dit :

    pour de plus amples infos (in english) sur la nihonsekigun :

     : //neojaponisme.com/2007/09/09/steinhoffpartone/

    pour plus d’infos sur le film et des interviews du réalisateur :

    http://www.sancho-asia.com/spip.php ?page=concours_2

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