Pourfendeur des méchants pirates du net, Luc Besson a reçu à Cannes le trophée « Billion-Dollar Producer ». Beaucoup d’honneur pour un faiseur spécialisé dans la série Z ou la comédie mongolo.
Jeudi 14 mai, sur la Croisette, le magazine Variety a organisé une petite sauterie en l’honneur de Luc Besson et de son complice Pierre-Ange Le Pogam, patrons d’EuropaCorp élus « Billion Dollar Producers » (les producteurs qui ont raflé plus d’un milliard, donc) par le célèbre hebdo américain. Tout content, Luc a ramassé son petit trophée et fait un beau discours. « En France, on n’aime pas trop fêter le succès. Ca paraît suspect. Je suis très content et je suis très fier. Tous les techniciens qui ont travaillé sur ce film (Taken, NDR) sont français et sortent d’écoles de cinéma françaises. Si on veut, on peut le faire. Si de petits jeunes nous entendent, qu’ils sachent que c’est possible. Haut les cœurs ! Vive le cinéma ! Vive le Festival de Cannes ! », a déclaré Luc Besson.
Il a de quoi être fier, Luc le Français. Toute son « œuvre » est marquée du sceau de la médiocrité et véhicule une idéologie rance. La preuve avec Taken, un des derniers bébés d’EuropaCorp, qui a rapporté 145 millions de dollars aux USA. Liam Neeson y incarne un ancien agent des services secrets américains dont la fille est enlevée à Paris par un réseau d’Albanais. Le scénario tient ensuite sur le string de Britney Spears : Liam a quatre jours pour sauver sa fifille adorée. Ce qui me gêne dans ce film, outre la bêtise du scénario et la paresse de la mise en scène, c’est le message limite xénophobe : de méchants Albanais mal rasés sont spécialisés dans la traite des femmes, et le grand méchant est naturellement un cheik arabe, richissime (il se balade en péniche sur la Seine), obèse, et bien sûr pédophile. Comme dans 24 heures, Liam Neeson torture à tour de bras, même quand ses victimes n’ont plus rien à confesser et le « réalisateur » de montrer copieusement les sévices infligés aux ordures basanées. Bref, tout cela donne la gerbe et Taken est dans la ligne droite des prods Luc Besson. A savoir, des films décérébrés, conçus pour mômes (quel mépris pour les jeunes, quand même), des films sexistes (un axiome chez Besson), bourrés de vannes racistes (remember Taxi) et facho sur les bords (le méchant étranger est souvent éparpillé façon puzzle par le héros). Des titres ? Yamakasi, Taxi, Le Baiser mortel du dragon, Banlieue 13, Go fast, Hitman, Michel Vaillant, Le Transporteur… Avec une belle constance, Luc décalque le même script navrant depuis dix ans, à savoir un costaud doit sauver une jolie fille, habillée avec une mini-jupe (mais souvent sans culotte, c’est plus drôle), fait des cascades avec une Audi (parfois une BM ou une Peugeot), et se bastonne contre un gros noir tendance balèze XXL. A vérifier dans un court épatant et hilarant sur Dailymotion.
Vous l’aurez compris, Besson me gave et le voir polluer la Croisette (où il présentera deux films plus ambitieux que d’habitude, I Love you Phillip Morris, avec Jim Carrey, et A l’origine, de Xavier Giannoli) me consterne. Il faut dire que notre producteur milliardaire – qui aime tellement la banlieue, mais pas du tout les pirates – est ici chez lui et qu’il était même président du jury en 2000. Pour fêter cela, François Forestier, de l’Obs, avait écrit : « Luc Besson, président du jury à Cannes ? C’est comme si Pascal Sevran était porté à la tête de Bayreuth. Le réalisateur du Cinquième Elément, le producteur-scénariste de Taxi 2 va juger les films d’Oshima, des frères Coen et de Dudule Dudule ? C’est le monde à l’envers. Les géants sous le regard du nain. Une fois de plus, c’est Mozart qu’on assaisonne. » Pas mieux, François !
Pour finir, Luc vient d’annoncer qu’il allait mettre en scène un nouveau long-métrage, d’après la BD de Tardi, Adèle Blanc-Sec, avec Louise Bourgoin dans le rôle-titre. Luc, tu nous avais pourtant promis que tu arrêtais DEFINITIVEMENT la mise en scène avec les Minimoys, ton dixième chef-d’œuvre. A l’époque, Luc avait déclaré à Marc-Olivier Fogiel : « C’est mes dix petits bébés (…). Je les aime tous. Je suis content d’avoir fait cette boucle… J’ai envie de m’occuper un peu de mes concitoyens, j’ai envie de m’occuper un peu de ma planète… Ça me paraît un peu normal, tout doucement, de commencer à rendre aux autres. » C’est pas beau de mentir, Luc…
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