Attendu ce soir aux Emirats pour vendre de la camelotte de Défense, Sarko Ier a préparé le terrain, en déclarant qu’un Etat Palestinien était la "meilleure garantie de sécurité pour Israël". Pas sur que l’argument de vente suffise.
La visite que s’apprête à effectuer Nicolas Sarkozy aux Emirats Arabes Unis programmée pour le 25 mai prochain s’annonce délicate. Premier signe : récidiviste des escales éclairs dans le Golfe – du plus mauvais effet dans une région où les salamaleks sont de rigueur – Speedy Sarko fait un gros effort en concédant cette fois… 24h de son temps sur place ! Un « geste » d’importance dont il espère bien qu’il sera apprécié par ses hôtes et payé royalement de retour.
Car même si sa précédente visite à Abou Dhabi en janvier 2008 avait pu ouvrir des perspectives alléchantes pour la France (cf. encadré), le terrain reste miné. Il va falloir mettre le paquet et jouer finaud. Le spectre d’une offensive américaine sur les arbitrages en cours des décideurs émiriens plane sur l’attribution des marchés stratégiques que se disputent deux de leurs partenaires privilégiés et néanmoins concurrents. Notamment dans le domaine du nucléaire civil, un dossier que Nicolas Sarkozy considère comme stratégique.
Or, voila qu’un signe du destin vient d’être envoyé aux Emiriens pour les guider dans leurs choix. Tombée du ciel, une vilaine surprise radioactive nommé « Issa » est venue polluer l’offre américaine, risquant de casser la baraque d’Obama et de favoriser l’offre française.
Demi-frère du Président des Emirats et gouverneur d’Abou Dhabi, Cheikh Issa bin Zayed Al Nahyan a officiellement été placé le 11 mai entre les mains de la justice de son pays sur ordre princier et en l’attente d’un jugement.
Une première dans l’histoire des Emirats où, comme le veut la tradition bédouine, il fait bon vivre caché et régler ses affaires en famille. Mais le scandale provoqué par la vidéo diffusée par la chaîne américaine ABC le 22 avril – où le Cheikh Issa torture un de ses employés afghan –, a fait grand bruit aux Etats-Unis, où les ONG des droits de l’homme s’en sont émues à grands renfort de communiqués – jetant l’opprobre sur la réputation des Emirats.
Pour ne rien arranger, cette affaire a pris une tournure politique à Washington où quelques sénateurs influents du Congrès ont profité de l’aubaine pour manifester leur opposition à l’accord de coopération nucléaire signé en janvier 2009 par le Président Bush et que la nouvelle administration doit encore faire voter. Pour ses détracteurs, les liens commerciaux privilégiés des Emirats avec l’Iran et l’insuffisance du contrôle de sécurité portuaire, constituent un risque majeur de prolifération nucléaire dans la région.
Du coup, la ratification de l’accord sur le nucléaire au Congrès, prévue début mai, tarde à aboutir. Ce qui ouvre un boulevard pour l’offre nucléaire française et devrait profiter à un Nicolas Sarkozy qui débarque à Abou Dhabi à point nommé. Sauf si le Président français se prend les pieds dans le tapis et néglige une broutille : le « facteur » IRENA.
Créée en janvier 2009 à Bonn, la toute jeune Agence Internationale pour les Energies Renouvelables (IRENA) à laquelle ont déjà adhéré 78 pays dont la France, vise à encourager l’utilisation des énergies durables (solaire, éolien, biocarburants,…) dans le monde.
Très mobilisés sur l’après-pétrole, les Emirats ont officiellement déposé leur candidature le 29 avril dernier pour abriter le siège de l’agence dans leur faramineux projet d’éco-cité lancé en 2008 « Masdar city », première ville « verte » au monde alimentée par les seules énergies « propres ».
Le vote sur le choix du siège interviendra fin juin, et les Emirats, qui en ont fait « une cause nationale », selon un conseiller du gouvernement émirien à Dubaï, attendent de leurs partenaires qu’ils se positionnent en sa faveur. Las ! Au nom de l’amitié franco-germanique, Paris s’obstine à soutenir l’Allemagne, redoutable concurrent à la candidature émirienne.
L’incompréhension des Emiriens à l’égard de la position française est d’autant plus grande que l’affaire du « divorce » dans l’industrie du nucléaire entre le français Areva et son actionnaire allemand Siemens, parti rejoindre en mars dernier le groupe public Rosatom avec la bénédiction de la chancelière Angela Merkel, ne leur a pas échappé…
Belle démonstration de la sacro-sainte solidarité européenne, arguée par les Français, qui préfèrent avaler la couleuvre d’une belle trahison politico-industrielle plutôt que de renforcer leurs atomes crochus avec un partenaire qui détient les clés d’un des plus gros contrats du moment.
Peu réceptif à ce subtil appel du pied émirien, l’Elysée et son patron continuent d’évaluer les chances de succès de la France sur ce dossier en fonction des seules décisions américaines. Entre l’électron « Issa » et le neutron« Irena », les 24 heures de Nicolas Sarkozy aux Emirats promettent de belles fissions…
La visite, le 25 mai, de Nicolas Sarkozy aux Emirats Arabes Unis sera très marquée « Défense ». Une seule certitude (c’est aussi le clou de la visite présidentielle) : l’inauguration, à Abou Dhabi, de la base interarmées permanente française, accueillant quelques 500 personnels militaires, première du genre dans le Golfe – comme annoncé par le Président au cours de sa visite éclair à Abou Dhabi en janvier 2008. S’inscrivant dans le cadre de l’accord de défense liant les deux pays depuis 1995, cette base, positionnée à 225 kms des côtes iraniennes, est chargée « d’assurer la paix et la stabilité dans la région ».
Beaucoup moins sûr, le choix de l’offre EADS/ Thalès sur le marché juteux (1,2 milliard d’euros) du projet Yahsat – pour la fabrication d’un système dual de télécommunications par satellite – serrée de près par les groupes américains.
Enfin, plus incertain encore, le sort réservé par les Emirats à l’avion de chasse Rafale – on y croit du côté français – si d’aventure la proposition du rachat par la France de leurs vieux Mirage 2000 pouvait aider…
R.d.S
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