Plus que l’administration américaine, plus que la République des mollahs iraniens, ce sont aujourd’hui les nombreux émigrés du sous-continent asiatique qui préoccupent les pays du Golfe persique. Ils commencent à réclamer le respect de leurs droits.
« Tsunami asiatique ». Voilà une étonnante expression qui revient souvent dans le Golfe persique, surtout dans les diwaniyates, ces lieux où les élites se rencontrent. Avec, en arrière plan, la crainte confuse d’un basculement démographique susceptible de mettre en danger les équilibres des sociétés de ces pays. En cause selon ces dires ? Le nombre d’immigrés, dont la majorité viennent du sous-continent asiatique et travaillent dans la construction, qui dépasserait les 13 millions de personnes (cf. encadré). À Abu Dhabi, qui a récemment organisé le Forum sur l’identité nationale, la majorité des intervenants n’ont pas hésité à évoquer explicitement les dangers qui se profilent à l’horizon, agitant par exemple le spectre des émeutes au cours desquelles, il y a deux mois, des travailleurs d’origine asiatique ont incendié des voitures et des magasins à Dubaï comme à Manama, la capitale du Bahreïn.
Si Dubaï a choisi d’ « absorber » ces révoltes en accordant quelques primes aux ouvriers en colère, le royaume du Bahreïn tente par contre de trouver une solution durable. Le gouvernement de ce pays à majorité chiite pro-iranienne a décidé de naturaliser immédiatement un grand nombre de ressortissants des pays arabes travaillant depuis longtemps sur son territoire. Son objectif est double. D’une part, jouer le rééquilibrage entre les différentes communautés et, de l’autre, limiter le recours à la main d’œuvre asiatique en ouvrant les portes aux « frères » arabes. Jusqu’ici, ces derniers représentaient un risque de « contagion politique et religieuse », surtout les sympathisants de gauche et les Frères musulmans…
Mais la tension reste palpable. Lors du Forum sur l’identité nationale de Dubaï, le général et chef de la police Dahi Khalfan Tamimi a jeté un pavé dans la mare, en présence de hauts responsables de l’État fédéral des Émirats Arabes Unis. Il s’est demandé à voix haute si un Indien ne sera pas prochainement candidat à la présidence ! Ces propos pour le moins osés ont aussitôt fait mouche chez les « Mouatinines », les Émiratis « de souche ». Ces derniers ont préparé des pétitions comprenant des milliers de signatures qui ont été envoyées chez le chef de l’État, Cheikh Khalifa ben Zayed Al-Nahyan et le Premier ministre, Cheikh Mohamed ben Rached Al-Maktoum.
On évalue à plus de 13 millions le nombre d’immigrés asiatiques dans les pays du Golfe. La plupart viennent du sous-continent asiatique et travaillent en majorité dans le secteur de la construction, particulièrement florissant dans la région. En novembre 2006, l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch publiait un rapport très alarmant sur les conditions de travail (que l’on peut assimiler à de l’esclavage) de ces immigrés aux Émirats Arabes Unis. Parmi les atteintes portées, figurent notamment la confiscation des passeports, le non paiement de salaires déjà très bas et des conditions de travail ne garantissant par leur sécurité physique. Ces dernières années, des cas dramatiques de bonnes réduites à de l’esclavage, notamment indonésiennes ou philippines, sont également apparus dans la presse.
En parallèle, dans les Émirats, à Bahrein, au Koweit et au Qatar, des décisions ont été prises à un haut niveau et en toute discrétion pour anticiper le « tsunami asiatique » qui fait frémir le Golfe. Parmi ces mesures implicites, figure la diminution progressive de la dépendance envers la communauté asiatique, grâce à la diversification de la main d’œuvre étrangère. À l’avenir, les États du Golfe se tourneront en premier vers le monde arabe, puis vers la Turquie et, enfin, vers les pays musulmans de l’ex-URSS, où ils commencent à investir. Dans le même registre, les ministères du travail des États du CCG (Conseil de coopération du Golfe) ont réduit le nombre de cartes de séjour accordées aux ouvriers asiatiques de 20 % pour atteindre les 50 % à la fin 2009.
Ces États ont également jugé utile de donner un tour de vis sécuritaire puisque les ouvriers asiatiques vivant sur les « campus » bâtis par les entreprises qui les emploient sont soumis à un couvre-feu, de 21 heures à 5 heures du matin ! Sans parler de leur infiltration par des indics, notamment pakistanais, travaillant pour les différents ministères de l’Intérieur locaux. Cette mesure est déjà entrée en vigueur en Arabie Saoudite où le prince et ministre de l’Intérieur Nayef ben Abdel Aziz supervise en personne l’opération.
Au fond, avec les émeutes de Bahreïn et de Dubaï, les pays du Golfe découvrent tout ébaudis que les communautés immigrées en provenance du sous-continent asiatique qu’ils percevaient comme dociles au point d’être traitées en esclaves (cf. encadré), commencent à protester violemment contre leurs conditions de vie et de travail. Et menacent la stabilité des monarchies pétrolières. Ces accrochages, certes maîtrisés, ont aussi dévoilé les défaillances des systèmes sécuritaires de ces pays qui, dans leur majorité, sont supervisés par des professionnels anglo-saxons.
je suis surpris par l’uitilisation du terme "sous-continent asiatique ?" Je sais que la decoupe de l’eurasie en deux continent est plutot arbitraire, mais soit on considere l’europe et l’asie comme faisant partie d’un seul continent, ce qui ne semble pas etre votre cas, soit on c onsidere l’asie come un connent a part entiere.
Le terme sous-continent est souvent employe pour parler des pays qui constituent la penisule indienne, cole le Pakistan, l’inde le Nepal etc.. Si c’est cela dont vous voulez parler (et je pense que c’est le cas) pourquoi ne pas utiliser le terme plus clair de sous-continent indien ?