Dopé par le climat social, Sud bouleverse le paysage syndical, et déborde largement ses bastions traditionnels. Au grand dam de la CGT.
Les « irresponsables » vont bien, merci. Depuis que Sarkozy les a ainsi livrés à la vindicte populaire, au lendemain du blocage de la gare Saint-Lazare, en janvier, les « Solidaires », regroupant les différents Sud, ne se sont jamais aussi bien portés. Au point que la CGT, par la voix de Bernard Thibault, s’est émue de cette « dénonciation promotion » de son ennemi naturel. Il faut dire que dans un paysage syndical plutôt morose, qui peine à endiguer la grogne sociale, les Sud ont plutôt le vent en poupe.
Nul doute que la journée d’aujourd’hui sera donc l’occasion pour le syndicat contestataire, 90 000 adhérents, de montrer ses muscles naissants. Dernière victoire en date : la direction de la Poste qui avait attaqué le syndicat pour « abus du droit de grève et entrave à la liberté de travail » après l’occupation du centre de tri de Nanterre, a été déboutée. De quoi galvaniser des troupes plus adeptes des actions sur le terrain que des séances de palabres à l’Élysée. « La crise actuelle vient, malheureusement, conforter le diagnostic que nous portons depuis des années sur le capitalisme », avance la porte-parole de « Solidaires », Annick Coupé, pour expliquer ce vent favorable. Les élections professionnelles à la SNCF prévues le 23 mars prochain devraient être un bon indicateur de cette nouvelle dynamique.
Longtemps confiné au secteur public – « Solidaires » compte ses plus gros bataillons à la SNCF, la Poste et dans l’Éducation nationale – le syndicat gagne aujourd’hui du terrain dans le privé. Désormais bien présent dans le secteur automobile, la chimie, la pharmacie mais aussi dans des entreprises comme la Redoute, la Fnac ou le BHV, le syndicat a, depuis sa création, à la fin des années 80, réussi à élargir sa base. « C’est le fruit d’une stratégie entamée il y a quatre ans » au moment de la réforme des retraites », explique Jean-Michel Denis, sociologue au Centre d’étude et de l’emploi.
Une stratégie plutôt réussie puisqu’aux dernières élections prudhommales – où ne votent que les salariés du privé – « Solidaires » a pratiquement triplé son audience, passant, il est vrai d’un ridicule 1,5% à 3,8%. Mais la tendance est là. La radicalité et la proximité avec le terrain mais aussi un discours global proche du NPA (Besancenot étant d’ailleurs adhérant de Sud PTT) offrent aux jeunes salariés, notamment aux précaires, une image plus séduisante du syndicalisme que celles des vieilles centrales.
« C’est sûr que le flirt poussé de Thibault avec Sarkozy avec des grenelles et des sommets sociaux en veux-tu en voilà n’arrange pas nos affaires », admet un responsable de la CGT en rupture avec la ligne trop réformiste à son goût initiée par la confédération. « La croissance de Sud est un leurre monté de toute pièce par Sarkozy ! », s’agace un membre de la CGT. « C’est évidemment plus facile d’avoir un ennemi à 4-5% qu’à 30% comme la CGT ». À voir.
La réforme de la représentativité syndicale va, en tout cas, permettre au syndicat d’exister enfin dans certaines branches. Et la politique actuelle du gouvernement a de toutes façons obligé tout ce petit monde à mettre un mouchoir sur leur détestations réciproques pour présenter un front commun.
Signe que les temps changent : l’intersyndicale – dont « Solidaires » a longtemps été tenu à l’écart, par la CFDT et la CGT entre autres, se réunira pour tirer les conclusions de la journée de mobilisation, demain dans les locaux de Solidaires. « Un pur hasard », assure leur porte-parole.
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