Mon beauf, il comprend rien. Il m’a demandé si Woerth prenait sa retraite à 65 ans avec Bettencourt ? Et s’il fallait la légion d’honneur pour avoir un taux plein. Bref… Une petite mise au point s’impose
« Ah là là, ça va encore être la galère mardi pour aller bosser. Franchement, ils poussent un peu : travailler jusqu’à 62 ans, c’est quand même pas la mort ! On vit plus longtemps, on travaille plus longtemps, c’est NOR-MAL », éructe Bruno, mon beauf, qui aime tant les évidences.
Bruno, au risque de t’agacer, c’est un tout petit peu plus compliqué. En tant qu’homme, cadre, à quelques années de la retraite, tu as le profil type de celui pour qui la réforme ne pose pas de problème. Tu aimes ton travail, tu es en bonne santé, tu as tous tes trimestres de cotisation. Alors, bien sûr, si tu pars à 60 ans, tu gagneras moins, avec la réforme. Mais, pour compenser, travailler plus longtemps n’est pas insurmontable dans ton cas.
Bruno, malheureusement, tu es une exception. Les deux tiers des Français qui font valoir leur droit à la retraite n’ont pas d’emploi à ce moment-là (chômage, décrochages divers, inaptitude au travail). Pour eux, comme pour ceux qui ont eu des carrières hachées – les femmes, les intérimaires, les précaires –, c’est donc deux ans de plus à tirer avant d’obtenir leurs droits et, mathématiquement, des pensions plus basses.
Avec cette réforme, ceux qui vont réellement cotiser deux ans de plus à taux plein ne seront qu’une minorité. Autour de 38%. Pas de quoi combler le fameux « trou » des retraites.
En revanche, la baisse générale des pensions, en particulier des plus fragiles, va, elle, permettre de réaliser quelques économies. Sachant qu’actuellement le montant moyen net des pensions est de 1100 euros, il sera difficile de les tirer fortement vers le bas sans laisser un immense boulevard à l’assurance privée.
Mais bon, le but de cette réforme préparée dans l’urgence est de résorber, un peu, le déficit, notamment pour s’assurer les bons auspices des agences de notation. Pour cela, rien de tel que de marquer les esprits avec la mesure symbolique du recul de l’âge. Même si, tu l’as vu, ça ne fera pas gagner beaucoup d’argent et que ça va plomber un peu plus l’assurance chômage. Ben oui, Bruno, celui qui n’a déjà pas de boulot à 59 ans ne risque pas d’en trouver à 60 !
Lire ou relire sur Bakchich.info :
le minimum vieillesse est de 740 euros et pas 840 !
les gens qui n’ont pas tous leurs trimestres de cotisation prendront leur retraite non à 62 ans, mais à 67 ans ! actuellement, par exemple, moi, 63 ans, touchant l’ASS de 450 euros je dois attendre 65 ans pour liquider une retraite qui de toute façon ne m’assurera pas le minimum vieillesse que je devrai demander et qui est assorti de conditions pas très gaies : comme je serai alors très riche, mon allocation logement sera diminuée, je n’aurai plus droit à la CMU complémentaire (je devrai payer ma mutuelle), plus droit à l’abonnement téléphonique à moitié prix, ni à l’aide EDF ( !!!) , et donc, mon niveau de vie sera toujours le même. Je viens d’apprendre qu’avec 450 euros par mois, et un loyer de 156 euros (allocations déduites) - je ne remplis pas les conditions pour avoir droit à l’épicerie "solidaire"…. c’est amusant de voir comme, lorsqu’on arrive dans ces zones d’ombre, là tout en bas, les infos sont imprécises…
"Minimum vieillesse que Fillon voulait supprimer l’année dernière …"
Pensez-vous vraiment contribuer honorablement au débat en proférant ce genre d’inéptie ?
Jamais Fillon n’a parler de supprimer le minimum vieillesse. Au contraire, il n’est question que de le revaloriser.
Les forum sont pollués par ce genre de posts lamentables.
Précision : on trouve des trolls comme vous aussi bien à gauche qu’à droite.
Certains s’arc-boutent sur une autre mesure symbolique, l’ISF. Les symboles forgent notre rapport à la société.
La question est donc celle du rapport de l’homme au travail, de l’homme à la société, ses droits, ses devoirs.
L’âge de la retraite évolue partout en fonction de l’âge de la vie, pour inventer une expression.
Traiter sans cesse ses adversaires politiques de pauvres types calculateurs est profondément orgueilleux et méprisants. La question du financement des retraites méritent autre chose que la critique adolescente manichéenne du "ministre de droite qui ne pense qu’au fric". C’est un enjeu de société qui va bien au-delà de la simple équation économique.
"Mein Ruf ist mein Beruf" a dit Luther. Ma vocation est mon activité. "Ora et labora" disent les moines bénédictins. Travaille et prie. Quelle est la vocation de chacun à la construction du monde ? Doit-on travailler plus, mieux, différemment ? Le travail est-il constructeur ou le loisir individuel fait-il le bonheur ? Ce sont des conceptions de la vie et de la société différentes.
Dire en 3 phrases à son beauf qu’il est abruti et fasciste parce qu’il pense autrement rappelle bien qu’on est toujours le beauf de son beauf.