Le secrétaire national de la Confédération paysanne mène une grève de la faim depuis trois semaines pour dénoncer une taxe volontaire ET obligatoire versée à l’interprofession laitière… à laquelle son syndicat n’a pas le droit de participer.
Lundi 11 octobre, André Bouchut, secrétaire national de la Confédération paysanne entame son 15ème jour de grève de la faim. Il proteste contre l’absence de pluralisme dans la représentativité syndicale et dénonce, entre autres, la fameuse cotisation volontaire obligatoire. C.V.O, Quésaco ? L’obligation pour les producteurs de verser une cotisation à l’interprofession, sans avoir la possibilité de participer aux décisions de celle-ci… C’est précisément au siège de la Maison du Lait, rue de Châteaudun à Paris, que nous avons rencontré ce paysan, avec 8 kg en moins…
C’est sur sa chaise longue, que nous découvrons André Bouchut, affaibli. La moustache en berne, ce producteur de fruits et légumes à Grammond dans la Loire, nous a expliqué son ras-le-bol : « Bruno Le Maire avait la possibilité, avec la loi de modernisation de l’agriculture de l’été dernier, de mettre le pluralisme dans les interprofessions ; c’était enfin l’occasion d’imposer la représentativité de l’ensemble des syndicats agricoles. Il ne l’a pas fait. Il n’a pas de courage politique… ».
En clair, la Confédération paysanne, second syndicat agricole de France, veut obtenir le droit de siéger au sein du collège des producteurs de l’interprofession laitière au Conseil National Interprofessionnel de l’Economie Laitière (CNIEL). Outre l’organisation de la filière, cet organisme donne les indicateurs qui permettent au ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche de fixer le prix du lait… Problème : seule la FNSEA, syndicat majoritaire, a le droit de participer aux discussions aux côtés des représentants des coopératives et des industriels…
Ce n’est pas tout. Comme le souligne André Bouchut : « la cotisation volontaire obligatoire, tout le monde est obligé de la verser ! ». Ce sont des « taxes » qui constituent la principale source de financement des interprofessions agricoles. D’après la Confédération paysanne, ces « cotisations sont décidées librement par les interprofessions et sont ensuite rendues obligatoires par arrêté interministériel et donc étendues à tout le monde… ». Ainsi, « qu’ils soient d’accord ou pas, les paysans ont obligation de la payer, poursuit André Bouchut qui se fait plus précis : « ce prélèvement représente un somme comprise entre 400 et 600 euros par an, pour un producteur de lait. À l’arrivée, le budget de la laitière s’élève à 38 millions d’euros par an ». Le secrétaire national de la Conf’, par ailleurs trésorier du syndicat, met le pied dans la porte : « comment accepter de payer sans avoir la possibilité d’être représentés ? ». La question mérite d’être posée…
Au-delà de l’absence de pluralisme et de démocratie au sein de la représentation syndicale agricole ; avec cette mobilisation pour le lait, André Bouchut réclame un nouveau rapport de force pour l’ensemble des filières : « ce n’est pas normal qu’après avoir pris des risques énormes, un agriculteur gagne en moyenne 1.000 euros par mois pour 70 heures hebdomadaires de boulot… ». Son syndicat dénonce un prix payé au producteur de 30 centimes le litre en 2010 et réclame au minimum 35 centimes pour que « les producteurs puissent vivre… ». Il résume la situation : « Aujourd’hui, on est en pleine restructuration avec une élimination massive des agriculteurs ». Pour le secrétaire national de la Conf’, l’équation est simple ; « la FNSE revendique depuis 35 ans, sa qualité de co-gestionnaire et de co-décisionnaire, si aujourd’hui cela ne fonctionne plus ; c’est qu’elle est co-responsable… ». Cqfd.
Après avoir été expulsé jeudi 14 octobre, André Bouchut attaquait lundi son 22ème jour de grève de la faim.
Organisation - Résultat 2001- (Résultat 2007)
FNSEA/JA 52,8% (54,9%)
Confédération paysanne 26,8% (19,6%)
Coordination rurale 12,2% (18,7%)
MODEF 2,9% (2,6%)
Apparentés FNSEA 1,4% (1,9%)
Divers 2,4% (4,1%)
- La Fnsea : syndicat agricole majoritaire. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles tente, depuis 1946, de défendre l’agriculture et les paysans, quels que soient la taille de leur exploitation, le mode de faire-valoir ou le type de production. Le syndicat revendique 300.000 adhérents dont 1.000 salariés permanents. Son président, Jean-Michel Lemétayer est producteur de lait et de céréales.
- Jeunes Agriculteurs : c’est l’organisation syndicale des jeunes agriculteurs de moins de 35 ans. De la mouvance de la FNSEA, ce syndicat vise à favoriser l’accès au métier d’agriculteur afin d’assurer le renouvellement des générations en agriculture.
- La Confédération paysanne est le deuxième syndicat agricole. La Conf’ est née en 1987 du rassemblement de deux mouvements de paysans. Le syndicat souhaite remettre en cause le modèle de développement agricole productiviste et propose un modèle alternatif : l’agriculture paysanne. Implantée dans 90 départements, Philippe Collin en est le porte-parole.
- La Coordination rurale, troisième syndicat agricole. L’organisation a été réée en réaction à la réforme de la Pac de 1992. Elle lutte, entre autres, pour la diminution des contraintes administratives et des charges. Présente dans 82 départements, la présidence est assurée par François Lucas.
- Le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux) : créé en 1959, lié depuis ses origines à la gauche laïque, notamment communiste, le Modef lutte pour une agriculture fondée sur un réseau dense d’exploitations familiales. Président : Jean Mouzat.
Source : http://www.lafranceagricole.fr
Bonjour,
Juste une petite précision : cela fait belle lurette que le ministère de l’Agriculture ne fixe plus le prix du lait ! Par contre, le Cniel est le lieu où se négocient les accords interprofessionnels sur le prix du lait entre producteurs et transformateurs. Lesquels imposent à peu près tout ce qu’ils veulent aux agriculteurs (voir le lien)…
Sinon, le combat de la Conf’ pour le pluralisme syndical est effectivement d’une importance cruciale, car c’est entre autres cette non-représentativité qui a conduit les agriculteurs dans le mur. espérons que cette action aboutisse à quelque chose
Amitiés
Derrière les discours rassurants de façade, les pouvoirs politiques européens abandonnent le terrain au libéralisme de la Commission et enterrent progressivement toute idée de Politique Agricole Commune digne de ce nom et conforme aux objectifs du traité de Lisbonne.
Avec elle, ce sont les agriculteurs qu’ils enterrent. Ces derniers ne se laisseront pas faire et se battront pour assurer la survie d’une agriculture européenne de qualité, qui ne peut exister qu’à travers une régulation intelligente des productions et des marchés agricoles. Les agriculteurs européens en appellent donc à leurs parlementaires, qui ont la capacité de faire reculer la Commission. C’est pourquoi, ce mercredi 20 octobre 2010, des milliers d’agriculteurs venus de toute l’Europe se donnent rendez-vous à Strasbourg, devant le Parlement européen, pour faire entendre leurs revendications. Cortèges de tracteurs, rencontres avec les députés et don de lait sont au programme de cette action qui prouve que les agriculteurs n’entendent pas baisser les bras face au pouvoir dérégulateur de la Commission.