A l’occasion de la mobilisation du 10 juin, « Bakchich » a donné la parole à trois responsables de Sud qui reviennent sur la CGT et sa place dans le paysage syndical français.
Bakchich a rencontré trois responsables de Sud. Philippe Morgallet, de Sud éducation (Créteil), Alain Candi, de la fédération Sud rail, et Yann Cochin, de la fédération Sud énergie.
– Globalement, que pensez-vous de la CGT aujourd’hui ?
Philippe Morgallet : « À Sud, nous avons un grand respect pour la CGT. Parce que beaucoup de luttes des employés ont été gagnées grâce à la CGT, parce qu’elle reste une grosse force syndicale, présente sur de nombreux fronts. Mais elle a pris un mauvais virage ».
Alain Candi, de Sud rail, précise : « la CGT poursuit des objectifs, en terme de politique et de développements syndicaux, en décalage avec la culture de la lutte ».
– Pensez-vous qu’il y a un hiatus à la CGT, entre ce que souhaite la base et ce que font les dirigeants ?
Alain Candi, de Sud rail : « Oui. Prenez les retraites des cheminots par exemple. Premier signe que les dirigeants de la CGT ne cadraient pas vraiment avec la base : elle s’est mobilisée tardivement. Ensuite, une fois mobilisée, alors que Sud et la majorité des employés syndiqués du secteur voulaient que la grève du 17 octobre 2007 soit reconductible, la CGT a décidé qu’elle serait carrée. Ce qu’elle fut. Par ailleurs, la CGT a recentré le conflit sur les conducteurs alors qu’il aurait fallu qu’il concerne tous les services du rail. Mais comme la CGT est un syndicat historique, beaucoup y adhèrent de père en fils, sans forcément poser la question son évolution ».
– La CGT est-elle indépendante du gouvernement ?
Yann Cochin : « Pas vraiment. Les problèmes autour du comité d’entreprise d’EDF, appelé CCAS (Caisse Centrale d’Activité Sociale d’EDF-GDF), un outil de promotion et d’accès aux droits pour les salariés, qu’ils ne contrôlent malheureusement pas, montrent les relations de pouvoir entre la CGT et le gouvernement.
En effet, des professionnels de la CCAS ont privilégié un parti politique [le Parti communiste], des organisations syndicales, la CGT et la CFDT, et ont construit des sociétés écrans de ces deux syndicats. Bref, il y a eu un dévoiement des objectifs de la CCAS. Qui est, rappelons-le, le plus important comité d’entreprise de France. Du coup, le gouvernement peut, en toute simplicité, faire pression sur la direction de la CGT en la menaçant de la poursuivre en justice pour détournement de fonds si celle-ci invalidait trop la politique du gouvernement.
Les bureaux de la CCAS ont d’ailleurs été perquisitionnés plusieurs fois. Et il y a une procédure en cours, entamée en février 2004.
C’est une des deux raisons qui expliquent les positions actuelles de la CGT. La seconde raison, c’est l’adaptation du syndicalisme au cadre libéral ».
– Le 9 avril dernier, une « position commune » à 5 syndicats d’employés et 3 patronaux négociant sur « la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme » a été définie. Elle doit servir de base à une loi modifiant le cadre légal des syndicats d’employés. Pourquoi les jeunes syndicats comme Sud, l’Unsa ou la FSU, n’ont pas été invités à la table des négociations ?
Yann Cochin : « Du côté des organisations syndicales d’employés, n’ont été conviées aux négociations que les 5 organisations qui bénéficient (depuis 1966) d’une « présomption irréfragable de représentativité », c’est-à-dire qui sont définies d’emblée (sans preuves à fournir) représentatives dans l’entreprise ou la branche concernée : la CGT, la CFDT, FO, la CGC et la CFTC.
Alors que Sud et Solidaires demandaient à agir avec la CGT et les autres organisations contre cette loi sur la représentativité, les invités ont préféré négocier sans nous. Et ils vont nous mettre des bâtons dans les roues ».
– Conséquences si la loi passe ?
Yann Cochin : « Si la loi passe, on est à poil. Sud, comme les autres jeunes syndicats, devra faire face à des batailles juridiques incessantes.
En effet, parmi les 7 critères retenus à fournir pour être représentatif dans une entreprise ou une branche spécifique de l’entreprise, il y en a un qui nous est particulièrement défavorable : l’ancienneté du syndicat. Il faudra au moins deux ans d’existence dans une branche à un syndicat pour qu’il puisse prétendre aux élections de représentativité. Or, deux ans, c’est la période de sans-droits, où il n’y a pas de délégués syndicaux, pas d’élus, bref, aucune protection légale pour l’employé syndiqué, qui peut être licencié simplement pour avoir osé s’être syndiqué. Nous avons déjà rencontré le problème à vélib’, où nous avons créé Sud. Des employés de Sud ont été, pour certains, menacés de licenciement, pour d’autres licenciés.
Même si la loi prévoit l’abandon de la « présomption irréfragable de représentativité », elle est, globalement, favorable aux grosses machines comme la CGT et la CFDT, qui ne rencontrent pas ou peu le problème du délais des deux ans.
En bref, contrairement à ce que ses acteurs soutiennent, cette loi n’est pas faite pour éviter les divisions syndicales, mais pour baliser le terrain : obtenir une recomposition syndicale autour de la CGT et de la CFDT, et glisser, de plus en plus, vers un syndicalisme d’accompagnement. »
– La CGT s’impose-t-elle comme la future grande force syndicale représentative des syndicats français en Europe ?
Alain Candi : « Oui, je pense que la CGT veut s’imposer, sur le plan européen, comme une grosse force syndicale. Et pour ce faire, elle a dû accepter le cadre libéral de l’Europe actuelle. C’est en 1999, quand elle s’est affiliée à la CES (Confédération européenne des Syndicats), que la CGT a opéré un véritable tournant, puisque en reconnaissant la Confédération européenne, elle acceptait de facto le cadre européen libéral ».
(Pour rappel, la CES avait défendu le Traité sur la Constitution Européenne).
Bien qu’elle ne soit pas la CFDT, la CGT est aujourd’hui, en phase avec elle.
– A Sud, avez-vous des projets pour vous affirmer sur la scène européenne et mondiale ?
Yann Cochin : « On a toujours considéré que Sud est un contre-pouvoir. Nous sommes indépendants mais pas neutres.
Nous ne sommes pas pour autant opposés au dialogue avec les organisations syndicales membres de la CES. La difficulté, pour intégrer la Confédération européenne, c’est qu’il faut obtenir l’aval des organisations syndicales membres (en France, la CGT, la CFDT et FO).
Face à l’orientation de la CES, il s’agit donc d’être présent dans les mouvements sociaux européens, en travaillant à la coordination des thèmes de lutte avec les groupes syndicaux présents dans les organisations syndicales européennes. De créer une inter-syndicale mondiale. Et de développer les forums sociaux européens et mondiaux. Peut-être ce projet sera-t-il réalisable au niveau de la CFI (Confédération Syndicale internationale), récemment créée ? »
Il ajoute que « la CFDT et la CGT viennent de se faire arnaquer par le gouvernement. Malin, il les a laissées négocier sur le projet de loi sur la représentativité et les finances des syndicats, tandis qu’il mettait en place la remise en cause des 35 heures. La manifestation du 17 juin émane d’une entourloupe gouvernementale ».
A relire dans Bakchich
Je viens de prendre connaissance de tous ces messages et ces avis…autour de la CGT….
Il est certain d’une chose : ce n’est pas Bernard Thibaut qui à lui seul pourrait être le responsable que qq chose…. ou même la CGT ou une autre organisation syndicale ! Les français ont voté Sarkozy a une grande majorité… et c’est pas pour rien… il a été clair ! Les "français" sont à droite, voire très à droite c’est pas nouveaux … ou ils ne savent pas utiliser leur matière grise !!
Recentrons les débats !
Certains tombent dans le retranchement de la technique du Bouc Emissaire ! Technique, je le pense étudiée et voulue par un gouvernement non démocratique !
En 2002, on est passé du "siècle de la névrose à celui de la perversion" avec Sarkozy et tous ses amis….Je vois que son travail fonctionne pas mal….C’et une guerre dure et froide qu’il mène… qu’il a préparé avec ses petits camarades d’occident, du GUD et les alters égaux internationnaux il y a longtemps….
Chacun est déboussolé….il faut l’admettre !
Continuons à nous laisser instrumentaliser ( je parle de tous quelle que soit l’organisation syndicale), il aura plus vite gagné !
Perversion, narcissisme, repli sur soi, développement de la haine, de la rage… utilisation de Bouc Emmissaires… ça ne vous dit rien ????