Dans un passionnant télégramme diplomatique, daté du 1er août et classé « confidentiel », que « Bakchich » s’est procuré, l’ambassadeur de la France en Chine, Hervé Ladsous, se livre à une analyse nuancée des positions chinoises. Avec à la clé, le regret que les Etats-Unis aient pris, dans leurs relations avec Pékin, « une longueur d’avance » sur nous autres Européens. Extraits.
« Les jeux n’ont pas commencé, mais le constat est clair, écrit l’ambassadeur de France en Chine, en terme d’image, la Chine a déjà subi une défaite sur la scène internationale ». Surprise, on découvre, à la lecture de ce télégramme, qu’une partie de l’appareil politique chinois est conscient de ses faiblesses. « Plusieurs experts chinois, poursuit notre diplomate, le reconnaissent à mots couverts, comme Yang Jiemian, président de l’Institut d’études internationales de Shangaï (SIIS) et frère de l’actuel ministre des affaires étrangères » (…) Lequel Jiemian constate par exemple que les bonnes relations entretenues par Pékin avec l’ensemble des grandes puissances « occidentales » restent contraintes par l’incapacité à définir des liens équilibrés et respectueux entre puissances émergentes et puissances « traditionnelles ». Ainsi vont « les interrogations chinoises » aujourd’hui, d’après les représentants de la France à Pékin. La bonne nouvelle, la voilà : le régime chinois n’est pas une forteresse aveugle, et il arrive aux dirigeants de ce vaste empire de « s’interroger ». Tant mieux !
Revenons aux Jeux Olympiques. « Alors que les Jeux mettent en évidence le rôle politique accru de la société civile, ONG et médias occidentaux, aux cotés des États, écrit l’ambassadeur, la Chine ne sait pas comment traiter avec ces "nouveaux pouvoirs". Elle les craint et répond trop souvent par la censure et la propagande. Pékin est de même mal armé pour répondre au "soft boycott" lancé par des intérêts privés ».
Et notre diplomate de trancher : « Les Jeux exposent l’incapacité structurelle de la Chine à faire face à ces nouvelles tendances ». Et une partie du régime chinois est consciente de l’impasse : « La Chine ne peut que constater que les normes sont encore définies par l’Occident ». D’où « le développement d’un fort sentiment de vulnérabilité et l’idée que sa politique étrangère est mal adaptée pour y répondre ». Quelques remèdes ont déjà été envisagés : « développer une société civile, être plus réactif, faire plus de communication ». Hélas, notent nos diplomates, « le défi est plus global ».
La politique étrangère de Pékin va devoir « s’adapter », dans la mesure où « l’équipe au pouvoir préconise le maintien de la ligne choisie depuis 1978, celle d’une insertion progressive sur la scène mondiale ». Mais elle se heurte à l’apparition d’un « nationalisme identitaire et agressif » : « les tentatives d’organisation de solidarités sans ou contre l’occident ne sont pas des risques théoriques (Russie, Afrique) ». En termes moins diplomatiques, les Chinois pourraient nous jeter hors d’Afrique et préférer les choix de la Russie sur quelques dossiers sensibles type Iran !
« Pour faire face à ces évolutions profondes, note l’ambassadeur de France en Chine, Washington semble avoir pris une longueur d’avance sur l’Europe ». Et pour une raison simple : « L’Europe peine à définir un cadre d’analyse et développe une politique perçue par les Chinois comme une approche à court terme ». Et d’ajouter enfin, sur un mode plus cruel : « Il n’y aura pas de partenariat stratégique euro-chinois tant que nous n’aurons pas défini à 27 nos intérêts avec la Chine telle qu’elle est et non telle que nous voudrions qu’elle soit ». L’ambassadeur pensait-il à RSF, BHL et quelques autres belles âmes de chez nous ?
Gageons que, grâce aux quelques heures passées à Pékin, Nicolas Sarkozy va retourner le cours de l’Histoire !
Lire et relire sur Bakchich :
Les extraits de cette note diplomatique sont effectivement très intéressants, mais je ne vois vraiment pas en quoi c’est un plaidoyer "pro-Pékin". C’est une retranscription de la vision qu’ont les élites politiques chinoises des "problèmes" auxquels ils ont à faire face. C’est le boulot qu’on demande à un ambassadeur.
Le show déplorable de Sarko à Pekin est une autre histoire…