L’ancien patron des RG Yves Bertrand a toujours aimé la presse et ses journalistes. Et n’hésitait pas à verser à certains une subvention. Témoignage de l’un de ses poulains, Jean-Pierre Van Geirt.
Jean-Pierre Van Geirt n’est pas content. « Pourquoi Yves Bertrand m’a-t-il balancé à la presse ? »
Cet ancien grand reporter de Paris-Match était un des meilleurs informateurs de l’ancien patron des RG. « C’est à moi qu’il a fait appel, quand il fallait “tamponner” (aller au contact) l’hebdomadaire luxembourgeois L’Investigateur et, c’est encore moi le premier qui lui a apporté le listing de Clearstream. Je précise que mon listing n’avait pas encore été falsifié par Imad Lahoud… »
Aujourd’hui, Van Geirt est amer : « J’ai été utilisé comme un fusible. J’ai découvert un jour mon nom dans Le Point. Bertrand m’a balancé en me mêlant à l’histoire Clearstream. Je n’ai pas apprécié la délicatesse ». Aujourd’hui, il a envie de parler à son tour, l’ancien responsable du service des informations à Paris-Match nous promène dans des ruelles sombres et bien glissantes… Où l’on voit des journalistes se transformer en informateurs, agents, manipulateurs.
En 45 ans de journalisme, Jean-Pierre Van Geirt en a passé 35 à collaborer avec les services secrets français. C’est en 1973 qu’il a connu son premier agent traitant. « C’était un type sympa, il était à la DST ».
En 1996, Van Geirt travaille à TF1. C’est un des journalistes de l’émission Le droit de savoir. C’est à cette époque que « le ministre Jean-Louis Debré m’a présenté Yves Bertrand, qui était le directeur central des Renseignements généraux », se rappelle-t-il. De là, naquit une intense et fructueuse collaboration.
Malheureusement, le cas de Van Geirt n’est pas isolé. Combien de journalistes ont-ils accepté de flirter avec le cabinet noir de la place Beauvau ? Combien se sont compromis ?
La question est d’actualité, depuis que les fameux carnets d’Yves Bertrand ont été retrouvés par les enquêteurs. Ensuite, ils ont fuité. Et, maintenant, ils se baladent dans Paris. Des cahiers à spirales avec les noms des journalistes devenus les informateurs de l’homme qui a régné sur les RG pendant douze longues années. « De tous les patrons du renseignement que j’ai rencontré, c’est Bertrand celui qui m’a le plus impressionné ». Van Geirt parle en connaisseur : « Il est comme un gros chaton, avec la griffe toujours prête… » Van Geirt paraît presque nostalgique… Et ce sentiment le rend bavard…
Jean-Pierre Van Geirt a toujours aimé écrire. Il a quelques ouvrages à son actif. Il y a pourtant un livre, qu’il n’a même pas osé commencer…. « C’était il y a 5 ou 6 ans, et je voulais raconter l’histoire de la Brise de mer, le redoutable gang corse. Et voilà que j’ai reçu la visite d’un confrère. Il m’a clairement dit de ne pas déconner : “Du moment où tu signes un contrat avec un éditeur, tu signes aussi ton arrêt de mort”. Ce journaliste, m’a très clairement fait comprendre qu’il intervenait pour le compte des voyous corses. Il était une sorte d’attaché de presse de la Brise de mer… »
« Un journaliste qui vous a menacé de mort pour le compte des voyous ? »
« Exactement, et j’ai tenu compte de son avertissement. J’ai renoncé à m’intéresser à cette histoire ».
Notre journaliste doit avoir été sacrément convaincant… Mais, de qui s’agit-il ? « C’était Marc Francelet ». Parbleu, mais c’est une superstar des fidèles lecteurs de Bakchich ! Au vu de tout ce qui a déjà été publié ici sur ses multiples aventures, nous n’osons même pas imaginer une seule seconde que ce journaliste, à la réputation sans tache, ait pu être mêlé de près ou de loin à de redoutables voyous… des Corses qui plus est ! Il doit sûrement avoir erreur sur la personne.
« Jean-Pierre Van Geirt délire ! » Marc Francelet est visiblement très énervé. « Je ne connais pas les gens de la Brise de mer. Si vous m’aviez cité d’autres personnes… Qu’il s’agisse des Baresi à Marseille, ou des Francisci en Corse, j’aurais pu comprendre… Mais la Brise de mer, alors non. Aucun rapport. Je ne suis absolument pas leur ami. On se comprend ? On se comprend bien ? » nous interroge-t-il sur un ton exaspéré… « Nous vous écoutons attentivement, et très calmement, Monsieur Francelet… »
« Oui, c’est vrai, j’en ai marre ! On me cite souvent dans la presse. On me présente comme l’ami des voyous. Encore cette semaine, un grand hebdomadaire prétend que j’étais ami d’Antoine Nivaggioni (le dirigeant de la société de sécurité ajaccienne SMS actuellement en fuite, NDLR). La vérité est que je l’ai rencontré une seule fois, et il n’était pas encore en cavale. Écoutez, je connais beaucoup de monde, je connais le monde entier. C’est un fait. Mais je ne connais pas la Brise de mer et je n’ai jamais menacé de mort personne de ma vie ».
Jean-Pierre Van Geirt, quant à lui, entraîné dans son élan, nous raconte la dernière mission qu’il a effectuée. Ce n’est pas un service secret qui a fait appel à ses compétences, mais un homme d’affaires. C’était en janvier dernier, et Van Geirt, n’a pas hésité à s’embarquer à bord du Falcon 50 de Francis Perez, le patron de la société Pefaco. Direction le Togo. Ici, la Pefaco contrôle un gros morceau du monde des jeux. Van Geirt, quant à lui, il connaît du monde. Sa mission ? Introduire Francis Perez auprès du ministère des Finances de ce lointain pays si fidèle à la Françafrique.
Aujourd’hui, Van Geirt n’est pas tout à fait tranquille. « J’ai vu récemment Bernard (Squarcini, NDLR), le patron de la DCRI. Il m’a conseillé de dire publiquement ce que je savais sur Clearstream ».
Effectivement, l’étau semble se resserrer de plus en plus autour du cabinet noir d’Yves Bertrand. Et, peut-être bien que le même conseil a aussi été adressé à Imad Lahoud… qui vient de se souvenir, publiquement, que c’est bien lui qui a rajouté le nom de Nicolas Sarkozy dans le fameux listing. Lahoud précise qu’il a effectué la manip dans le bureau même d’Yves Bertrand, et en présence de ce dernier… qui dément fermement. Lahoud, Van Geirt ne l’a jamais croisé. En revanche, il se souvient d’avoir été présenté à l’un de ses agents traitants… la fameuse commissaire Brigitte Henry. La « Mata Hari » au service d’Yves Bertrand. Décidément, le monde est bien petit.
À 63 ans, quel est le bilan du vieux baroudeur de l’info ou… de l’intox ? « Demain, je recommence ». L’indicateur Bertrand est incorrigible.
A lire ou relire sur Bakchich.info
Et sur amnistia.net
Et bien sûr, personne ne reprend l’info, aucun média n’en reparle… dès qu’ils entendent Clearstream les journalistes partent en courant car eux-même n’y comprennent rien !
On est mal barrés