Un homme est au centre des alliances entre les « clans historiques » et le néo-clan des nationalistes modérés : le très corsiste Paul Giacobbi.
L’UMP est arrivée en tête du premier tour des élections territoriales en Corse dimanche 14 mars, mais avec un score qui la met en position délicate pour le second tour face à la gauche. Les nationalistes ont réalisé un score historique, en doublant leur pourcentage par rapport aux élections de 2004.
La liste "Rassembler pour la Corse" du député UMP de Corse-du-Sud Camille de Rocca Serra a obtenu 21,34% des voix, soit moins de trois points d’avance sur la liste nationaliste Femu a Corsica (18,40%). Avec 15,48%, le député PRG de Haute-Corse Paul Giacobbi arrive troisième. Sa liste soutenue par le PS étant la première des quatre listes de gauche en lice, il pourrait conduire une liste unique au second tour si le Front de gauche (10,02%) ne se maintient pas.
Les indépendantistes emmenés par Jean-Guy Talamoni obtiennent 9,5%. Sous les 5%, le Front national (4,1%), les divers droite Jean Toma -soutenu par le MoDem- (4,2%) et Jean-François Battini (0,5%) et les écologistes de Jean-François Baccarelli (1,8%).
À première vue, le président du conseil général de Haute-Corse n’est pas à une contradiction près. Au Parlement, ce député PRG siège avec le PS. Ce qui ne l’a pas empêché de jouer le premier rôle d’un grand feuilleton à rebondissements, dont le pitch était sa possible nomination au gouvernement de Nicolas Sarkozy. Le chef de l’État avait bien envie de se garantir Giacobbi dans son dispositif.
En privant la gauche de l’appui du puissant clan du président du conseil général de Haute-Corse, difficile d’imaginer déboulonner l’UMP de la gestion de la collectivité territoriale. « Giacobbi veut faire monter les enchères, à droite comme à gauche. L’homme est imprévisible et peut changer son fusil d’épaule à la vitesse d’un éclair », nous explique un homme d’affaires qui fut, autrefois, très proche de Giacobbi. Fin août 2009, le feuilleton s’est pourtant interrompu. Après différents tête-à-tête avec le président de la République, Paul Giacobbi a annoncé qu’il n’intégrera pas l’équipe gouvernementale. « Ce n’étaient que des rumeurs sans fondement aucun », plaide l’intéressé.
Plus vraisemblablement, Nicolas Sarkozy ne semble pas avoir été capable d’offrir un ministère assez important au chef de clan corse. Mais ce n’est pas tout. Nicolas Sarkozy n’est pas resté insensible aux caprices de son ami Camille de Rocca Serra, qui n’aurait pas dénigré, lui, un fauteuil de sous-ministre. « Camillou » a donc fait le siège de l’Élysée afin que Paul Giacobbi ne puisse pas accéder à de tels honneurs. C’est ainsi qu’en cette fin d’été 2009, Giacobbi officialise son éloignement du dispositif sarkozyste.
Désormais, le patron du clan de Haute-Corse n’a qu’un but : ravir le conseil exécutif à l’UMP et faire payer à Camillou tant d’hostilité. En choisissant de céder aux caprices de Camille, l’Élysée a perdu un appui stratégique, un appui qui risque bien de lui faire perdre l’île tout entière. Pour une fois réactif, le PS n’a pas attendu que Giacobbi change d’avis. Via ses relais francs-maçons, Patrick Mennucci, assisté du vénérable frère PS du Grand Orient à Bastia, Laurent Croce, a pris la direction de l’opération « il faut récupérer le soldat Giacobbi ».