Embourbés en Afghanistan, les Etats-Unis ont nommé sur place un commandant en chef militaire spécialiste de la torture. Et s’essaient à la contre-insurrection .
John Conyers est l’un des blacks les plus influents de la Chambre des Représentants, un vétéran qui a passé trois décennies au Congrès et qui préside aujourd’hui la commission « Justice » de la Chambre.
La semaine dernière, un membre sur sept de la Chambre a voté contre la rallonge budgétaire de 81,3 milliards de dollars demandée par Barack Obama pour les guerres en Afghanistan et en Irak. Un groupe de membres dissidents du parti Démocrate dont Conyers appartenait à ce front du non.
Pour expliquer son vote contre le président, Conyers a pointé du doigt l’erreur fondamentale qui se niche dans la politique d’Obama en Afghanistan : « Le Président n’a pas récusé notre prétention démesurée la plus omniprésente et dangereuse : la croyance téméraire que nous pouvons ériger les fondations d’une société civile par l’emploi judicieux de nos instruments de violence high-tech ».
La politique de Barack Obama en Afghanistan repose sur la stratégie de la « counter-insurgency », la contre-insurrection, un concept particulièrement en vogue à Washington. Mais si la rhétorique du président et de son administration met l’accent sur la nécessité de reconstruire un Afghanistan aux infrastructures et institutions civiles détruites par trente années de guerre, la réalité est toute autre : le budget d’Obama prévoit que pour un dollar dépensé pour l’aide humanitaire et la reconstruction du pays, dix dollars reviennent à la chose militaire.
Entre les 68 000 soldats américains bientôt présents sur le sol afghan grâce aux derniers renforts envoyés par Obama auxquels s’ajoutent les 33 000 soldats d’autres pays de l’OTAN (dont la France), on n’est pas loin des 120 000 soldats déployés par feu l’URSS lorsqu’elle occupait ce pays avant d’en être chassée par les moudjahiddin et les seigneurs de guerre locaux. Et c’est au nom de la contre-insurrection qu’Obama vient de changer de commandant en chef en Afghanistan. Le nom de la nouvelle recrue : le général Stanley McChrystal, un ancien « Green Beret ».
Or, le choix de ce haut-gradé tourne en dérision la rhétorique d’un Obama qui promet de rompre avec la pratique de la torture prônée et appliquée par l’équipe de George W. Bush et de Dick Cheney. Selon un article du magazine Esquire, le général McChrystal a autorisé la torture sur la base militaire américaine secrète en Irak de Camp Nama (dans l’armée, on disait que le nom « Nama » était l’acronyme de « Nasty Ass Military Area ».)
Les interrogatoires musclés des Irakiens détenus à Camp Nama étaient si violents que l’on déplore au moins deux morts, raison pour laquelle McChrystal a expressément fait fermer l’accès de ce camp à la Croix-Rouge. A l’heure des comptes, McChrystal a donc doublement violé la convention de Genève.
En mars, le légendaire journaliste d’investigation Seymour Hersh a révélé l’existence d’un escadron de la mort obéissant aux ordres du vice-président et appartenant aux « Joint Special Operations Command » de l’armée américaine. Or, entre 2003 et 2008, le commandant de ce Joint Special Operations Command entre 2003 et 2008 n’était autre que le… général McChrystal !
Les meurtres d’individus sont strictement interdits par la loi américaine, mais l’administration Bush a réinterprété la loi pour donner à l’exécutif suprême le pouvoir de mener de telles actions clandestines. Et le General McChrystal en était le bas exécutant, à l’insu du Secrétaire à la Défense de Bush, Bob Gates, qui occupe les mêmes fonctions sous Obama. Seul Cheney était au parfum…
Sur la radio nationale publique (NPR) le 30 mars dernier, Seymour Hersh s’est convaincu que l’idée que McChrystal n’était pas au courant des assassinats perpétrés par ses forces spéciales était « absurde ».
Un article paru dans la Saudi Gazette le 25 mai détaille comment la politique d’Obama est en train d’exacerber les problèmes en Afghanistan et au Pakistan. Il mérite d’être particulièrement lu car son auteur, Graham E. Fuller, est l’ancien chef de la CIA à Kaboul et un ancien vice-président du National Intelligence Council (centre stratégique des dix-neuf agences de renseignement américaines).
Parmi les commentaires de Fuller figure celui-ci particulièrement percutant : « La situation au Pakistan va de mal en pire, comme une conséquence directe de la guerre U.S. qui fait rage sur la frontière avec l’Afghanistan. La politique américaine a importé la guerre qui se déroule en Afghanistan jusqu’au Pakistan avec ses incursions, ses bombardements par drones et ses assassinats – et c’est la réponse classique d’un échec dans un pays. Souvenez-vous de l’invasion du Cambodge pour sauver Vietnam ? »
Fuller rappelle aussi le problème posé par les Pachtounes qui constituent la moitié de la population afghane : « Les Talibans représentent des islamistes zélés et largement incultes. La plupart des Pachtounes voient les Taliban – qu’on les aime ou non – comme le meilleur vecteur pour restaurer leur pouvoir en Afghanistan, perdu en 2001. Les Pachtounes figurent aussi parmi les peuples les plus férocement nationalistes, tribaux et xénophobes du monde, unis seulement contre l’envahisseur étranger. A la fin, les Talibans sont probablement plus pachtounes qu’islamistes ».
Même son de cloche chez Carlo Cristofori, qui travaille sur l’Afghanistan depuis trente ans. Cristofori était le secrétaire du Comité international pour la solidarité avec la résistance afghane, créé par le Parlement européen en 1979 après l’invasion soviétique.
Dans un excellent article pour le journal Counterpunch du 22 mai dernier, il écrit : « Les Pachtounes ne délaisseront pas facilement deux siècles de mémoire et de pouvoir. Sans un rôle majeur pour eux dans l’avenir de l’Afghanistan, il n’y aura pas une paix viable… Jeter de plus en plus de forces militaires dans le chaudron afghan n’est pas la bonne solution, et n’est guère une solution pour établir la liberté et l’autodétermination. Le faire perpétuera et exacerbera la contradiction désastreuse de la politique américaine », de contre-insurrection.
Un autre expert de la région, Selig S. Harrison, ancien correspondent du Washington Post pour l’Asie du Sud pendant des années, souligne dans le Post de 11 Mai que l’offensive pakistanaise anti-Taliban actuellement en cours et demandée par Obama sape aussi la politique de contre-insurrection car l’armée pakistanaise est largement composée de Punjabis, ennemis historiques des Pachtounes.
Donc, Harrison écrit qu’« envoyer des soldats punjabis dans les territoires pachtounes pour combattre les djihadistes pousse le pays de plus en plus vers une guerre civile définie par l’ethnicité et renforce les sentiments des Pachtounes pour un « Pachtounistan » indépendant qui comptera une population de 41 millions d’habitants dans des tranches importantes du Pakistan et de l’Afghanistan ».
Et Harrison lance un avertissement supplémentaire à Obama and Co. : « Dans la croyance populaire à Washington, il y aura éventuellement un triomphe soit d’une identité pachtoune, soit d’une identité talibane. Or il est fort vraisemblable que le résultat pourrait être ce que l’ambassadeur du Pakistan à Washington, Hussain Haqqani, a appelé "un Pachtounistan islamiste". » Son prédécesseur à ce poste, le général Mahmud Ali Durrani, déclarait dans un séminaire à l’ambassade du Pakistan le 1er mars 2007 : « J’espère que les Taliban et le nationalisme pachtoune ne fusionneront pas car si cela se produit nous sommes cuits et c’est sur le point d’arriver. »
Depuis l’alerte du général pakistanais, la politique militaire de contre-insurrection si chère à Obama n’a fait qu’empirer la situation au Pakistan, comme en Afghanistan, avec des événements comme la mort de 140 civils, dont 93 enfants (selon Reuters), lors du bombardement américain de Bala Boluk le 3 mai dernier. Même Bob Gates, le Secrétaire à la Défense d’Obama, l’a avoué lors de la célèbre émission de télévision de CBS « 60 Minutes » le 17 mai.
Quand la correspondante Katie Couric lui a demandé si les militaires américains seraient tous partis d’Afghanistan à la fin du premier mandat d’Obama, d’ici quatre ans, Gates a répondu : « Tu me demandes d’inventer un conte de fées… mais je ne crois pas dans ces histoires, je suis un trop vieux routier pour ça ! »
Quand un gouvernement comme celui du président afghan Hamid Karzaï — un ancien agent de la CIA qui doit sa présidence à George W. Bush et à une élection truquée sans partis politiques — est si impopulaire qu’il ne peut pas survivre sans plus de 100 000 soldats étrangers sur place, une politique de contre-insurrection comme celle que prône Obama est vouée à l’échec. Surtout quand la présence de ces militaires étrangers ne fait que souder les liens nationalistes entre l’ennemi et la moitié pachtoune d’Afghanistan.
Et le sang qui continue de couler inutilement dans le bourbier afghan teinte maintenant de rouge les mains de Barack Obama. Il a trouvé son Vietnam.
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
L’Afghanistan est surtout censé être le futur pays de cocagne qui fera sortir le monde occidental de la crise.
En effet, ce pays est situé à un carrefour stratégique : au nord (Caucase) et à l’ouest (Iran) , on trouve des pays producteurs de pétrole et de gaz avec des réserves gigantesques quasiment pas entamées à faire rêver n’importe quel banquier new-yorkais ; et au sud et à l’est des pays consommateurs éléphantesques (Chine et Inde) et surtout des accès aux ports de l’océan Indien à travers le Pakistan et le Bangladesh pour amener les précieuses matières at home. On imagine le pactole pour celui qui sera assis sur le pipeline traversant ce pays de part en part.
Les américains, qui cherchent désespérément un remplaçant à l’Arabie Saoudite depuis plus de 15 ans, ont d’abord commencé par aider financièrement et militairement les Afghans à se débarasser des Russes (qui avaient compris plus tôt qu’eux l’intérêt de ce pays), le tout grâce à Ousama et sa base de donnée magique (Al Qaïda), puis ont amené les talibans au pouvoir en 1996 pour s’en faire des amis, et jusqu’en Aout 2001 ont tenté de les amener à la raison capitalistique , sans succès. Le 11 Septembre 2001 est arrivé bien à propos (trop) pour désigner les méchants talibans, pas du tout motivés par ce trésor, comme terroristes providentiels (on cherche encore les preuves). On connait la suite. Les banquiers américains bourrés d’espoir ont commencé à faire des folies (subprime, etc) avant de déchanter fortement en 2007 constatant que les pipelines se construisaient au compte goutte (de pétrole). Un seul pipeline a été construit sur la route du nord (Caspienne/Mer Noire), et encore : il traverse Tchéchénie, Ossétie , Abkhasie . Un vrai coupe gorge, et une aubaine pour les Russes qui ont le pied sur le tuyau (tout en faisant "semblant" de chasser eux aussi les terroristes). Et les chinois qui rongent leur frein dans le Xingiang voisin…
Quand Obama dit qu’il va se retirer d’Irak pour mieux renforcer l’Afghanistan, c’est encore et surtout un truc pour faire rêver les banquiers. Et si un jour il annonce qu’il va partir d’Afghanistan, n’en croyez rien : c’est juste pour voir lequel des Russes, des Indiens ou des Chinois réagira le premier.
L’Afghanistan, un bourbier peut-être, mais surtout un grand rêve économique et une partie de cache-cache politique entre des géants.
En Afghanistan , c’est LE GRAND RETOUR DE L’HISTOIRE (avec un "H" majuscule) .
Aux journalistes de Bakchich , creusez l’analyse sous l’ angle "géo-historique" de :
La Ligne DURAND
En vous posant la question : Qu’est-ce que le Pa-Kis-Tan ( Etat totalement artificiel )
Bien à vous,
Du sardonique
Âne de Démocrite
@ Doug son viet nam surement… mais surtout celui des vieux bouzeux kissinger, scowcroft, schlesinger et leurs vieux reves de destruction des soviet et des chinois… faire croire a la reprise de la guerre froide pour mieux duper le monde… avant la fin de son mandat il devra capituler car en banqueroute tu risques pas d’aller loin… que ce soit en afghanistan et au pakistan… une confrontation directe avec les chinois est de la pure follie…
AS