L’Irak, toujours instable, ne peut soigner ses plus grands blessés. Des dizaines partent en Jordanie se faire soigner dans un centre MSF.
Depuis 2006, près de 650 Irakiens ont été soignés à Amman en Jordanie grâce à Médecins Sans Frontières. Grands blessés, victimes de déflagration, les lésions peuvent être multiples et sont souvent trop importantes pour être soignées à Baghdad, Bassorah ou Kirkouk. Malgré une compétence reconnue des chirurgiens irakiens, ils sont insuffisants car beaucoup sont morts ou ont fui le pays. Manquent aussi le matériel de pointe, les médicaments comme les antibiotiques et enfin, le calme… « « Conséquence, de nombreux blessés ont été mal soignés et certains sont même encore infectés. C’est pourquoi, chose inédite, MSF a décidé de monter un projet de grande technicité mais qui touche relativement peu de personnnes » explique Olivier Maizoué, chef du projet à Amman. »
Reste qu’il fallait convaincre les médecins irakiens de « sélectionner » des patients en grande difficulté et de transmettre les dossiers médicaux vers la Jordanie. Pas simple. Certains le prenaient à l’orgueil, « encore des occidentaux qui viennent faire la leçon… » Finalement, des quatre coins d’Irak, une dizaine de chirurgiens travaillent officieusement pour MSF. Pas question d’officialiser, trop dangereux. Faut se faire discret pour survivre. Et ne pas risquer de faire d’amalgame entre MSF et les oppresseurs des pays du Nord. Mais petit à petit, une discrète chaîne solidaire s’est créée. Chaque chirurgien a lui-même son réseau de médecins qui, le moment venu, lui indique un cas trop compliqué à soigner. Le dossier est envoyé à Amman et s’il est sélectionné, la personne s’y rend seul ou accompagné. Tout dépend son degré d’invalidité.
C’est une chance aussi pour les chirurgiens basés à Amman. Beaucoup d’Irakiens qui apprennent, au contact de techniques nouvelles, les futurs soins qu’ils espèrent développer ensuite dans leurs pays.
Un cinquième des soins se portent sur les enfants. Leurs visages, stigmatisés, par la guerre, révoltent un des cadres de MSF, qui s’emportent contre les Américains et « leur guerre injuste » : « On décompte toujours les morts américains mais on ne voit jamais ça, on ne voit jamais de quoi ils sont responsables… ».
« C’est vrai que c’est révoltant, reprend Olivier mais de ce que je vois tous les jours à Amman reste une certaine légèreté… Ils ont beau avoir vécu des drames les uns et les autres, ils ont beau souffrir au quotidien des opérations et des rééducations, on les entend rire. Je crois que les Irakiens en ont bavé depuis tellement longtemps qu’ils ont finalement la peau dure et privilège des persécutés, possèdent un grand sens de l’humour. Mais une fois qu’il faut repartir en Irak, certains sont très angoissés… Les bombes, la guerre, nous n’avons pas pu soigner tout ça. On a une cellule psychologique mais honnêtement nos efforts et nos moyens sont concentrés davantage sur le fait qu’une personne remarche, mâche ou puisse tout simplement s’habiller. »
Pour plus d’informations, voir sur MSF.fr les vidéos Waël, l’enfant qui voulait marcher
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