La loi Bachelot est de retour au Parlement cette semaine. Pendant ce temps, incités à se comporter comme de bons managers, les directeurs d’hôpitaux commencent à rogner sur les dépenses d’entretien.
L’hôpital n’est pas pauvre, il est mal géré. Pour résoudre le malaise de l’hôpital, la loi Bachelot, discutée cette semaine au Parlement, entend donc graver dans le marbre certains principes de bonne gestion piqués au monde de l’entreprise : externalisation, optimisation, rationalisation… En clair : on serre les coûts et on gratte où on peut. Sauf qu’à force de gratter, l’hôpital public risque de tomber sur un os.
Pour faire de (petites) économies certains établissements commencent à rogner sur des dépenses jusque-là épargnées. Ainsi les postes hygiène, nettoyage et stérilisation sont regardés à la loupe, avec au final, racontent plusieurs professionnels du secteur, des choix pas toujours très judicieux. En total décalage, en tout cas avec les multiples plans de lutte contre les infections nosocomiales.
« Notre chiffre d’affaires avec certains clients (les hôpitaux) est en baisse constante », raconte le directeur commercial d’une entreprise spécialisée dans les produits d’entretien pour le milieu hospitalier. Du matériel de désinfection basique aux outils de stérilisation de matériel des blocs opératoires, tout y passe… L’heure est à l’économie. Et le résultat n’est pas très ragoûtant. « Pour laver les bassins, ils n’utilisent parfois aucun produit : un petit passage sous l’eau… Et hop ! c’est propre », rapporte-t-il. En gériatrie, la même pince à ongle circule dans tout l’étage, parfois à peine essuyée avec un Kleenex. Mais qui viendra se plaindre d’une petite mycose alors que ces patients souffrent parfois de pathologies graves ? « On voit des sondes urinaires qui doivent tremper plusieurs heures dans des solutions adaptées réutilisées sans respecter les délais appropriés ». Du coup, certaines bactéries tapent l’incruste. « Il n’est pas rare de voir un patient repartir avec une infection urinaire après ce genre d’examen », confirme un médecin.
En bons gestionnaires, certains hôpitaux ont commencé par externaliser à des sociétés spécialisées le nettoyage et la désinfection des chambres des patients mais aussi du matériel médical. Le raisonnement est simple : la propreté est un travail d’expert, confions-le à des professionnels. Economie d’échelle oblige, cela revient évidemment moins cher. Et pour la qualité, pas de souci, puisque l’activité est encadrée par des règlements précis. « La lutte contre le développement des maladies nosocomiales a conduit à mettre en place des protocoles très stricts que nous sommes tenus de respecter » assure la directrice d’une société de nettoyage en milieu hospitalier. Il est vrai que depuis vingt ans, avec l’augmentation régulière des maladies contractées à l’hôpital (750 000 par an soit près d’un patient sur vingt selon les estimations officielles), les pouvoirs publics ont tenté d’endiguer le phénomène. Mises en place des CLIN (comité de lutte contre les maladies nosocomiales), sensibilisation des personnels hospitaliers, encadrement rigoureux des processus de nettoyage et de stérilisation, autant d’action qui ont permis de faire baisser les taux de contamination à l’hôpital depuis 2000.
Sauf qu’en les poussant aujourd’hui à faire des économies de bout de chandelles, le gouvernement risque de fragiliser ce bel édifice. Les directeurs d’hôpitaux, à qui on demande d’être de bons managers, sont parfois tentés de rogner sur des budgets a priori stratégiques. Ils font des appels d’offre et ont de plus en plus tendance à prendre les entreprises les moins chères. « Résultat : on voit des personnels intervenir dans les chambres des patients sans aucune formation aux spécificités de l’hôpital », affirme la même gérante qui s’inquiète d’une nouvelle concurrence peu regardante sur la qualité. « On les reconnaît tout de suite : ils passent moins de cinq minutes par chambre et négligent les points de contact comme les poignées des fenêtres ou la télécommande. » Mais bon, comme c’est le seul moyen de sauver l’hôpital public, nous explique le projet de loi Bachelot…
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