PS, La Rochelle mon amour

Les socialistes nous font cette année une rentrée en mode très gentlemen. Certes, Ségolène Royal n’a pas su résister au plaisir de faire entendre sa petite mélodie médiatique sur la sécurité en grillant la politesse à sa « chère camarade » Martine, mais on ne peut pas lui demander d’être autre chose qu’elle même, ce serait injuste.

Ségolène, justement. Comme c’est elle qui accueille, vu que la Rochelle est dans « sa » région, elle ouvre le bal. Un rituel désormais bien rôdé où elle teste ses propositions sur les 4000 militants venus terminer leurs vacances par de consciencieux et rigoureux travaux. Aussi rayonnante qu’élégante, elle ressert les même plats que l’année dernière ou presque. Tout tourne autour de sa région, d’elle, de ses idées. En l’écoutant, on se dit que si le Poitou-Charentes s’étendait à l’infini, ce serait le Paradis sur terre. Pas de bol pour la planète, elle ne situe pas en Poitou-Charentes.

Mes confrères sont beaucoup à être déçus. Cette année, pas trop de croustillant à se mettre sous la dent. La guerre des roses connaît une période d’accalmie. Ca vous traumatise un journaliste de ne pas pouvoir twitter LA petite phrase vacharde ou la repartie assassine ! De ne pas être le premier à révéler le off qui tue, délivré dans le creux de l’oreille par « un collaborateur du premier cercle » de machin, trop content de filer du grain à un affamé. Bon, je ne suis pas gentil avec mes collègues, la majorité se passionne pour leur métier et cherchent à analyser en profondeur les bouleversements en cours dans la social démocratie confrontée aux mutations du monde, mais la société de l’information où tout va trop vite empêche de le faire savoir.

Cette année, à la Rochelle, on travaille, on avance, et intelligemment, s’il vous plaît ! Le séduisant Emmanuel Maurel qui est grand ordonnateur de l’évènement depuis deux ans a radicalement transformé l’exercice. Très culturel, très intellectuel, très ouvert sur le monde comme on dit, le programme est super alléchant. Les militants sont ravis. Il voient d’excellents films, comme « Une partie de campagne » de Raymond Depardon ou participent à des ateliers aux contenus riches.

J’ai joué le jeu, j’ai été séduit, surtout par l’atelier sur la Défense. C’est dans ce genre de lieu qu’on se rend compte du décalage entre les profondeurs du Parti Socialiste, si tant est qu’il soit profond, et les positions officielles. Le débat tourne vite sur « faut-il rester Afghanistan à jouer les aides de camp de l’armée US et y perdre des hommes pour soutenir un gouvernement de narcotrafiquants ? ». Apparemment, pour les présents, rester en Afghanistan est non seulement absurde, mais aussi criminel. Martine Aubry en parlera-t-elle dans son discours de clôture ? « Il est temps que le PS ait une parole forte là dessus. » «  Il faut exiger un nouveau débat à l’Assemblée ». Je ne passe pas un mauvais moment.

Je croise un ami qui couvre aussi ce glorieux évènement « J’étais à un atelier sur l’Europe. Des militants sont montés au créneau pour dire qu’ils fallait arrêter de raconter des conneries sur l’Europe sociale qui n’existera jamais et qu’une fois au pouvoir il fallait aller au clash en faisant la politique de la chaise vide comme De Gaulle et refuser de payer comme Thatcher pour foutre les libéraux au pied du mur et les forcer à négocier sur la question sociale en Europe ». Au PS, on trouve plus à gauche que Mélenchon. Je vous rassure, ils sont assez peu à défendre des positions aussi radicales. Le PS reste peuplé de socio-démocrates bien élevés pour qui l’Europe est une frontière qu’il ne faudrait pas trop taquiner.

Le PS n’est pas devenu un jardin de Bisounours, en dépit d’une ambiance bien meilleure que d’autres éditions. La guerre de position couve et les mouvements de troupes, même discrets, sont observables. On réunit les siens ici, on dit du mal, on se moque, on fait beaucoup d’ironie, voire on est bien salaud. « Putain il a maigri celui-là, il peut enfin voir sa… » laisse tomber un hiérarque très en vue sur Patrick Mennucci. Élégant. « Mosco ? Mais y’a que lui pour y croire. Sa tribune dans le Monde (sur sa candidature), c’était grotesque. Il ne rend même plus compte que tout le monde le prend pour un con ».

Au fait, les primaires ? C’était la grande affaire il y a un an, imaginées et soutenues par un Montebourg à l’enthousiasme délirant. A l’écouter, le processus des primaires allait tout changer… On n’en entend plus parler ou si peu. Certains, mais ils le disent encore à voix feutrée et ne veulent pas sortir du bois publiquement sur ce sujet, avancent même qu’il n’y en aura pas car plus personne n’en veut. « Le mieux placé ira ». De là à savoir c’est quoi « le mieux placé »… « Le plus haut dans les sondages ? » « Le plus populaire chez les militants ? » « le mieux à même d’unifier la gauche ? ». «  Le programme d’abord », vous répond-on. Suis-je bête.

Dessin de Soulcié

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