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Affaires pas si étrangères / vendredi 13 février 2009 par Jean A. Rossignol
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Les factures étrangères et la polémique Kouchner ne masquent pas la vrai rupture sarkozienne. Le retour de la France, de plain-pied, dans le giron atlantiste. Décryptage.

Affaire Kouchner : que l’accessoire ne fasse pas oublier l’essentiel en trois points.

1) Kouchner a « trahi », oui trahi la gauche pour des raisons de bien être personnel. Il voulait la place à n’importe quel prix et au prix de n’importe quel reniement.

2) Kouchner a opté pour les choix internationaux de la droite américaine qui se trouve être les mêmes que ceux de son ami Sarkozy.

3) Kouchner est, ainsi le symptôme baroque de la vraie rupture sarkozienne, celle qui casse avec quarante de diplomatie gaullienne et qui font revenir la France dans le Commandement intégré de l’OTAN par la plus petite porte, c’est-à-dire sans aucune espèce de contrepartie diplomatique ni militaire.

Déchiraquisation diplomatique et vraie rupture

Restait à faire le ménage en « déchiraquisant » la place et en dénichant les perles rares susceptibles d’assurer la mise en œuvre technique de cette « nouvelle diplomatie » française.

Amorcée sous Philippe Douste-Blazy, le prédécesseur de Bernard, cette « rupture » passe par la Direction générale des affaires politiques et de sécurité, l’un des postes clefs du Quai. Dans un premier temps, il s’agit de libérer ce poste stratégique en virant Stanislas Lefebvre de Laboulaye, dit « Stan », style classique Quai traditionnel, haut fonctionnaire affable et irréprochable mais marqué chiraquien.

Reste ensuite à trouver la perle rare pour le remplacer, qui soit à la fois Kouchnéro-compatible et adoubé par l’Elysée. Après plusieurs casting infructueux, un constat s’impose : qui peut le mieux incarner la « nouvelle diplomatie française » et ses rééquilibrages en faveur de Washington et de Tel-Aviv sinon l’un de nos anciens ambassadeurs dans ces deux capitales ?

Araud sur le baudet

Les choix les plus simples sont souvent les meilleurs. Bernard et l’Elysée sont aux anges parce qu’ils tiennent la perle rare. Elle s’appelle Gérard Araud. Ce diplômé de l’Ecole polytechnique et de l’ENA présente bien des avantages. Il a été premier secrétaire à Washington (1987-1989) ; deuxième conseiller au même poste (1989-1991) ; représentant permanent adjoint à la délégation de la France à l’OTAN à Bruxelles (1995-2000) et surtout, ambassadeur à Tel-Aviv de 2003 à 2006. Certes, s’il a passablement critiqué ses hôtes à la marge, il s’est imposé comme l’artisan de la doctrine néo-con à la française qui repose sur trois principes simples et une conclusion épistémologique :

1) Il n’y a plus de problème palestinien ;

2) Le monde arabo-musulman ne pèse pas dans les relations internationales ;

3) L’alliance chromosomique de la France éternelle doit s’effectuer, sans retenue aucune et quoiqu’il arrive, avec les Etats-Unis d’Amérique. Conclusion : supériorité incontestable d’une fraction de l’humanité sur les autres. Surnommé par ses pairs « Condoleezza », Gérard Araud va jouer de son influence pour promouvoir son ancien patron à l’OTAN : Gérard Errera.

La France rentre à la niche - JPG - 29.3 ko
La France rentre à la niche
© Pakman

C’est le deuxième étage de la fusée néo-con à la française. Enarque, lui-aussi ; deuxième puis premier secrétaire à Washington (1971-1975) ; consul général à San Francisco (1982-1985) et ambassadeur représentant permanent de la France à l’OTAN à Bruxelles (1995-1998) ; puis ambassadeur à Londres (2002-2007) - où « il était plus briton que les Britons » disent ses anciens collaborateurs à ce poste - avant d’être rappelé par Bernard, qui apprécie beaucoup son style courtisan, à la tête de l’administration centrale comme secrétaire général du Quai en décembre 2007. « C’est un vrai méchant », disent nombre d’ambassadeurs qui ont eu à subir ses arbitrages, « un vrai méchant dans le sens teigneux et rancunier du terme », souligne l’un de ses vieux amis haut-fonctionnaire en poste à Bruxelles. Néo-con de circonstance, il n’est pas doctrinaire et cultive le pragmatisme utile comme personne. D’autres diplomates considèrent qu’il aurait pu servir bien d’autres administrations. Il pousse son fils Philippe au cabinet de Kouchner. En effet, Philippe Errera, c’est le troisième étage de la fusée. Enarque comme papa, il a aussi fait ses premières classes de diplomate au Département d’Etat à Washington. Il a même été question de le nommer directeur-adjoint du cabinet du ministre, mais vu la levée de boucliers à l’intérieur de la maison, Bernard a reculé in extremis. Parfaitement incompétent sur les réalités proches orientales et pour en masquer l’étendue de son ignorance, il cite constamment l’historien Bernard Lewis, la référence préférée des Néo-cons américains. Travailleur consciencieux, il met en forme la « pensée » de Gérard Araud et assure l’interface idéologique avec le ministère de la Défense, par l’intermédiaire de l’homme du Quai chez Hervé Morin : le diplomate Michel Miraillet.

Détaché auprès du ministère de la Défense en qualité de directeur chargé des affaires stratégiques depuis août 2007, Michel Miraillet a été en poste aux Nations unies à New York puis deuxième conseiller au Caire (1995-1997). Marié à une africaine, il ne garde pas un très bon souvenir de ce séjour. Lui aussi est passé par l’OTAN à Bruxelles, intégré à l’équipe Errera/Araud (1997-2000) avant d’être nommé deuxième conseiller à Tel-Aviv (2000-2004) et de retrouver Gérard Araud comme chef de poste, sinon comme gourou. Porteur de la parole néo-con à la française, les officiers supérieurs et généraux se méfient de lui parce qu’il ne cesse de préconiser des plans d’attaques interarmées contre l’Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais.

La délicieuse Rama, nymphe de ces bois

Le tableau de la galaxie néo-cons à la française ne serait pas complet sans la délicieuse Rama Yade, secrétaire d’Etat chargé des affaires étrangères et des droits de l’homme. Porteuse d’un discours droit-de-l’hommiste à géométrie variable et des indignations sélectives de la famille néo-cons, madame Yade s’active beaucoup pour faire libérer le soldat « franco-israélien » Gilad Shalit. Et lorsqu’on lui demande pourquoi elle ne déploie pas la même énergie pour le jeune franco-palestinien Salah Hamouri, condamné à sept ans de bagne par les sections spéciales des tribunaux militaires israéliens, elle répond invariablement sans ciller que ce dernier a été normalement jugé par la justice israélienne et que «  ce dossier est une affaire intérieure israélo-israélienne ». Kouchnérienne et néo-con aléatoire, elle reste en liaison permanente avec l’Elysée et s’occupe de sa carrière qui s’annonce des plus brillantes.

Dernière initiative de Madame Yade et de Bernard : la nomination de François Zimeray, ancien vice-président de la commission d’études politiques du CRIF, comme « ambassadeur pour les Droits de l’Homme ». Membre de la Commission des Affaires Étrangères et de la Politique de défense du Parlement européen, il s’y illustra notamment en entraînant la majorité du Parlement européen dans sa demande de commission d’enquête parlementaire sur l’usage des fonds européens par l’Autorité Palestinienne.

Enfin, la cerise sur le gâteau néo-con du Quai, c’est Alain Joyandet, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie qui a succédé à Bockel le 18 mars 2008. Lui aussi a été imposé à Bernard par l’Elysée en remerciement de ses bons et loyaux services de secrétaire national de l’UMP chargé des fédérations. C’est dire s’il connaît l’international, mais il a appris à apprécier Bernard et Bernard le ménage tout particulièrement parce qu’il incarne la politique de coopération versus Elysée.

Fils d’un père hôtelier-restaurateur devenu marchand de bestiaux et d’une mère commerçante, il suit des études secondaires au lycée Montchapet à Dijon et puis au Lycée Cournot à Gray et entame des études de médecine à Dijon avant de bifurquer vers le journalisme. Il travaille alors pour la Presse de Gray et fonde ensuite la Presse de Vesoul, puis Radio Val-de-Saône (RVS) à Vesoul en 1981, et enfin l’Hebdo de Besançon. Alain Joyandet se lance ensuite dans l’édition en créant le Groupe des éditions comtoises (Grec SA) en 1986, ainsi qu’un atelier de photogravure. Il est président du club de football USFC-Vesoul entre 1986 et 1995. Fort ce cette longue expérience de self-made-man, il est devenu le porte-parole de la pensée économique des néo-cons à la française et ne manque jamais une occasion de citer et défendre le fameux discours de Dakar de Sarkozy sur l’homme africain.

Outre le président de la République, son héros et sa référence préférée n’est autre que Pierre Poujade. Transposé au domaine de la coopération internationale, cet apport conceptuel produit des résultats curieux en produisant des idées simples sur l’Afrique compliquée. Au quotidien Libération qui l’interroge sur l’aide publique française au développement à la veille du dernier sommet de Doha en décembre 2008, il n’hésite pas à donner en exemple aux Africains « les pays émergeants qui ont su se prendre en main… » Comme disait Guizot « Enrichissez-vous » et le président Sarkozy « Entrez dans l’histoire », Alain Joyandet invite les Africains à se prendre en main sans attendre l’aide internationale : « Qu’est-ce que la France a fait après la Seconde guerre mondiale ? Il faut faire pareil : des barrages, des routes, etc ». Certes, il fallait oser la comparaison.

Autre recommandation de poids et quintessence du message : « il faut sortir du débat trop exigu sur l’aide publique au développement (APD). Je ne veux pas contourner nos engagements, mais il y a d’autres moyens que la seule aide budgétaire » . Outre que cette dernière affirmation constitue une belle dénégation - la France ne tient ni les engagements des objectifs du millénaire des Nations unies qu’elle a pourtant ratifiés, ni n’augmente son aide selon les critères reconnus par les institutions internationales , Alain Joyandet ment effrontément sur les chiffres : « L’Agence française de développement (AFD) va développer à ma demande : 1 milliard d’euros de projets publics-privés. Par ailleurs, deux fonds de garanties et d’investissement de 250 millions d’euros chacun, hors budget, seront opérationnels en 2009 ». En clair, l’Etat français n’est plus capable d’allouer de « dons/projets » - cœur de l’aide publique au développement - mais seulement des prêts bancaires dits « souverains » (aux Etats) et « non-souverains » aux institutions publiques et para-publiques. Un sacré vendeur de cravates ce secrétaire d’Etat, mais parfaitement en phase avec le cœur de l’idéologie des néo-cons à la française : le privé doit se substituer aux mécanismes de l’aide publique au développement afin de favoriser le désengagement de l’Etat. En deux mots : « aide-toi le ciel t’aidera… »

A lire ou relire sur Bakchich.info

L’ancien ambassadeur de France à Tel-Aviv, Gérard Araud - aujourd’hui conseiller politique du ministre des affaires étrangères - ne se sent plus, ou plutôt se sent, maintenant, couvert par l’Elysée. Ses obsessions concernant les crises proliférantes et (…)
Le président tunisien Ben Ali fête le 7 novembre, date anniversaire de son arrivée au pouvoir. Un règne sans la moindre liberté d’information, comme le regrette l’ambassadeur de France.
Entre le départ de Tunis de l’actuel ambassadeur de France et un petit jeu de chaises musicales entre les ambassadeurs auprès de l’Euromed et de l’Union pour la Méditerranée, ça va swinguer à la rentrée (…)
Douste Blabla a réinventé la diplomatie à la française, dopée au Lexomil…

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Forum

  • Les Néo-cons d’Orsay
    le samedi 14 février 2009 à 20:59
    Quel plaisir de lire cet article. Pour moi c’est que du bonheur d’apprendre que le Quay commence enfin à être dépoussiéré de cette aristocratie conservatrice et archaîque qui croît toujours que la France doit vendre son âme au diable (Russie, Franceafrique, dictatures arabes…) pour exister. Finalement c’est une bonne nouvelle de voir les de Corvée de Chiotte de Préférence le matin se faire virer du Quay. C’est vrai que la politique étrangère du Chi était d’une très grande finesse… Merci pour vos infos factuelles, que du bonheur, vos commentaires d’anti-américains primaires n’enlèvent en rien mon plaisir à lire votre article.
  • Les Néo-cons d’Orsay
    le samedi 14 février 2009 à 06:34, nounou a dit :
    les peuples ont les dirigeants qu’ils meritent.l’affaire bk révèle le pouvoir des médias, et l’utilisation de l’antisimitisme comme fond de commerce.
  • Les Néo-cons d’Orsay
    le vendredi 13 février 2009 à 20:42, Austin a dit :
    Mon Dieu ! quel manque d’humour .Parce que l’on se permet de souligner une faute d’orthographe, on ne lirait pas le fond .Ah bon ! si vous le dites .C’est plus fort que moi , à force de corriger mes écrits à l’aide du correcteur de Word et du Bled placé à proximité de mon bureau , cela devient un réflexe que de renifler les fautes … C’est pas bien méchant .Je regrette, plain-pied c’est avec un a et pas un e .Na .
    • Les Néo-cons d’Orsay
      le vendredi 13 février 2009 à 20:46, La rédaction de Bakchich a dit :

      Bonjour,

      Merci pour votre message, nous venons de corriger.

      Cordialement,

      La rédaction

      • Les Néo-cons d’Orsay - plain pleint plein … de nostalgie
        le dimanche 15 février 2009 à 12:27, dogue a dit :

        plein de nostalgie ….

        dans un article écrit … en 1964, j’ai commis la même erreur et à l’époque, pas de correcteur … seulement quelques proches "très amusés" …

        j’ai "intégré" cette "curiosité" comme beaucoup d’autres

        celà n’interdit pas heureusement de lire cet article qui ne manque pas d’intérêt

  • Les Néo-cons d’Orsay
    le vendredi 13 février 2009 à 19:31
    Ce qui est ironique, c’est que les idées néoconservatrices et atlantistes de certains membres de ce Gouvernement ne sont plus conformes aux relations internationales actuelles. En effet, depuis l’élection du nouveau Président des Etats-Unis, la politique américaine pourrait sembler un peut trop modérée pour ces atlantistes. Il serait comique que les politiciens néoconservateurs devinssent antiaméricains !
  • Les Néo-cons d’Orsay
    le vendredi 13 février 2009 à 16:31, charles SABATIER a dit :

    Septième jour où Mr KOUTCHER n’a pas eu ENCORE le temps de faire porter plainte en diffamation.

    En aurait-il TROP PROMIS ?

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