A 60 printemps, l’Otan se cherche une nouvelle jeunesse. Et malgré les effets d’annonces, des Sarkozy, Obama et consorts, la réforme de l’Organisation n’est pas gagnée. Décryptage.
« Nous sommes de la famille ! », s’est exclamé Nicolas Sarkozy en réunion plénière de l’OTAN en consacrant le retour de la France dans le Commandement militaire intégré de l’organisation. La plupart des objectifs américains ont été atteint et le Danois Rasmussen, l’ami très à droite de George Bush a été désigné nouveau secrétaire général de l’Alliance pour remplacer le démo-chrétien néerlandais Jaap de Hoop Scheffer dont le mandat expire le 31 juillet prochain.
Les Turcs lui reprochaient d’avoir été déplorable dans l’affaire de la publication des caricatures du prophète et Ankara était en mesure d’empêcher cette nomination. Ce sont à la fois Barack Obama et Silvio Berlusconi qui ont finalement arraché la décision : le premier s’est engagé a poussé le dossier d’adhésion de la Turquie à l’UE auprès des grands pays européens ; le deuxième a fait jouer différentes promesses d’importants contrats commerciaux et des mesures d’assouplissements d’entrée des ressortissants turcs en Italie. Avec l’appui aussi de Merkel et Sarkozy, le Premier ministre danois qui se retrouve ainsi à la tête de l’OTAN a promis, d’ores et déjà d’acheter du matériel américain pour renforcer les capacités de projection de l’Alliance.
Plus fondamental, et symboliquement conjointement au sommet du G-20, l’OTAN apparaît désormais comme l’organisation « globale » dont rêvait les administrations Bush et Condoleezza Rice ; une organisation appelée à devenir plus importante que celle des Nations unies toujours susceptible d’être bloquée par un véto russe, chinois ou… français.
La priorité américaine de renforcer le dispositif de l’OTAN en Afghanistan est acquise même si ce n’est pas dans les proportions rêvées par le Pentagone. L’impulsion est donnée puisque 5000 soldats européens supplémentaires seront envoyés (outre les 21 000 Marines américains arrivant d’Irak), la France et l’Espagne s’engageant à former la gendarmerie du pays. Comme celles de Bush, l’administration Obama pense que son succès passe par une victoire contre les Taliban. Aucun changement n’est apporté dans les fondements conceptuels et stratégiques de la « guerre contre le terrorisme » auquel s’articule la deuxième priorité de lutte contre la prolifération, c’est-à-dire contre le nucléaire iranien s’entend.
Sur le plan de l’élargissement aussi, on continue : forte de 28 membres, l’Alliance refuse de nouveau que quiconque mette un véto à son élargissement. « L’OTAN reste une alliance de démocraties et nous ne fermons pas la porte », a répété Obama. Après la Croatie et l’Albanie, la prochaine adhésion devrait être la Macédoine en dépit de l’opposition de la Grèce. Attendent à la porte l’Ukraine et le Géorgie, en dépit de l’opposition de la Russie.
Concernant le déploiement du bouclier antimissile américain, on continue aussi même si celui-ci risque de relancer la course aux armements. En effet, même si Barack Obama s’est déclaré, à Prague, favorable à une dé-nucléarisation de la planète, cette intention frappera, à terme, une génération d’armements obsolètes, tandis que son bouclier antimissile sert d’alibi à la conception d’une nouvelle génération de radars et d’intercepteurs.
Enfin, d’ici le sommet de Lisbonne l’an prochain, les stratèges de l’Alliance vont travailler à un nouveau concept stratégique pour remplacer celui actuellement en vigueur depuis 1999. Et celui-ci est centré sur trois priorités : l’Afghanistan et la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et des capacités de projection globale et tous azimuts. Autrement dit, avec Obama on se tape les mêmes objectifs qu’avec George Bush, mais avec le sourire… Comme dans le Guépard de Tomas di Lampedusa, il fallait tout changer pour que rien ne change…
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