Plus l’élection américaine se rapproche, plus l’« Obamania » déferle sur la classe politique française. À l’exception de quelques francs tireurs pro-McCain.
« Qu’est-ce que j’en ai à foutre de cette élection ? », lance d’emblée le député souverainiste Jacques Myard. Le message a le mérite d’être clair, même s’il reste minoritaire dans la classe politique française marquée par une véritable « Obamania ». Le « charisme », « l’énergie » et le symbole que représente le candidat démocrate sont mis à son crédit.
À l’exception de quelques politiques, comme le député PS Arnaud Montebourg qui doit rencontrer à Washington, Nancy Pelosi - présidente démocrate de la Chambre des représentants - ou des sénateurs, la classe politique française suivra l’élection… de France ! « J’étais le premier à soutenir Obama ! », se vante Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée. Sait-on jamais, si Obama donnait des bons points, mieux vaut se placer…
C’est visiblement peine perdue : en juillet, Barack Obama n’était resté que quelques heures en France, lors d’une brève tournée européenne. Le temps d’une photo avec Nicolas Sarkozy, clic clac dans la boîte, le candidat démocrate avait filé aussi sec vers Berlin puis Londres. L’ingrat ! Mais notre speedy Sarko ne lui en avait pas voulu, lui qui affectionne les tournées express à l’autre bout du monde… Et avait confié au Figaro : « Obama ? C’est mon copain ». La classe ! « Le président a des atomes crochus avec Obama », confirme-t-on à l’Élysée, « l’effet générationnel joue ».
Quant aux socialistes, ils avaient affirmé fin août, par la voix du Premier secrétaire, François Hollande : « Nous ferons tout pour la victoire de Barack Obama ». Ça, c’est pas sympa… Personne n’a donc dit aux socialistes qu’ils n’allaient pas voter ? Malgré ce soutien appuyé, le PS n’avait envoyé que son secrétaire à l’Outre-mer à la Convention démocrate de Denver — la droite, elle, avait dépêché sur place un ministre, Laurent Wauquiez, actuel secrétaire d’État à l’emploi… mais reçu sans tapis rouge ! — et Obama n’avait pas cherché à les rencontrer à Paris. « Il n’y a pas eu de demande particulière de notre part pour le rencontrer », déclare Pierre Moscovici, en charge des affaires internationales au PS. « Et il est normal que le candidat démocrate ne s’affiche pas aux côtés de socialistes, car ce terme aurait pu être exploité contre lui pendant la campagne ».
Mais comment expliquer ce consensus gauche-droite pro-Obama ? Même au sein du gouvernement où seul le secrétaire d’État au Commerce, Hervé Novelli, a avoué un penchant pour le républicain. « À cause d’un rejet de la politique de Bush et donc de la candidature McCain », répond l’UMP Axel Poniatowski. « Ensuite parce qu’Obama incarne le changement », précise-t-il, « ce qui est important en ces temps de crise ». Et il est à noter aussi que la classe politique française a toujours été plus proche du parti démocrate que du parti républicain.
Selon le président (UMP) de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Josselin de Rohan, il faut néanmoins faire attention à « ne pas lire cette élection avec un catalogue français », comprendre les critères droite-gauche, « ni intervenir dans les affaires intérieures du pays ». Rohan finit par lâcher : « Sa colistière Sarah Paulin est loin de faire l’unanimité et le candidat républicain a son âge ». La messe est dite, John peut aller se rhabiller !
Non ! crie le député UMP, Hervé Mariton, l’un des rares politiques pro-McCain. À ses yeux, si la droite française soutient la candidature d’Obama, « c’est parce qu’elle est complexée et qu’elle n’ose pas s’affirmer ». Le secrétaire du groupe d’amitié franco-américaine de l’Assemblée, Lionel Luca (UMP), va plus loin : « J’aime bien le côté franc-tireur de McCain ». Et selon Luca, « Obama sera encore plus protectionniste et conservateur que ne l’a a été Bush ». Pierre Moscovici, apporte lui aussi un bémol à l’« Obamania » ambiante : « Même si les Américains sont nos amis, il continuera à y avoir des divergences ». Josselin de Rohan acquiesce : « On ne saurait blâmer Obama pour cela. Mais actuellement, la classe politique française projette beaucoup de désirs sur lui ». En clair, il est possible que si Obama était élu, nombre de ses décisions surprendraient les Français. Voire les décevraient.
En tout cas, en France, rares sont les élus qui doutent encore de sa victoire. À quelques jours du verdict, Pierre Moscovici pense qu’elle sera « très nette ». Même Rama Yade, secrétaire d’État aux Droits de l’Homme, répondait sur le site du Nouvel Obs, le 28 octobre : « je n´ai pas choisi un candidat et je n´ai pas à le faire. Je commente quand on me le demande le parcours d´Obama ». C’est clair.
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