« L’abrogation du bouclier fiscal » en discussion jeudi à l’Assemblée, une aubaine pour le Nouveau Centre pour tenter d’exister dans la majorité. Mais pas de quoi s’émanciper de papa Sarko. Enquête.
A l’entendre, on croirait qu’il s’agit d’un hypermarché. A le voir, le Nouveau Centre s’approche plus d’une supérette. Il suffit, en rayons, de faire l’inventaire des produits du parti : 23 parlementaires, 11 sénateurs, 3 députés européens, 125 conseillers régionaux et généraux et quelque 2000 élus municipaux sur les 36.000 communes françaises.
Hervé Morin, taulier de la maison et ministre de la Défense, réunissait ses troupes le mois dernier en Conseil national. Histoire de faire le point sur la situation post-régionales. Pas franchement rassurante : « Sur les affiches de campagne, au premier tour, il y avait un énorme logo de l’UMP et en dessous sept petits logos dont le nôtre. Au deuxième tour, on a carrément disparu » ironise Bruno Genzana, élu en PACA. « On n’a pas la gueule de bois mais quand même » c’est la version lendemain de fête de Damien Abad, député européen.
Exister avec l’UMP sans être tenu en laisse par Sarkozy, voilà à quoi ressemble le chemin de croix du Nouveau Centre depuis sa création en 2007. Un choix politique accouché, sans péridurale, dans la douleur de la présidentielle. Après les 18% de François Bayrou, deux logiques se sont affrontées : faire cavalier seul et s’émanciper de la tutelle parentale de l’UMP, choix du petit François, ou vivre au sein du foyer de la majorité avec le risque de servir d’employés de maison, choix du petit Hervé.
Les premiers pas politiques du Nouveau Centre furent pour le moins hésitants. Aux législatives, l’enjeu était de taille : faire plus de 1% dans 50 circonscriptions et toucher ainsi le pactole du financement public des partis, soit 1,63 euro récolté par voix.
Sans troupe, Hervé Morin a eu une riche idée, placer des candidats bidons un peu partout histoire de tenter le coup. On y retrouve des secrétaires, chauffeurs et un patronyme qui revient souvent : Catherine Morin, Philippe Morin, Lisa Morin, Julien et Micheline Morin. Seuls 43 ont dépassé la barre fatidique, insuffisant pour obtenir un chéquier au nom du parti. C’est finalement du côté des tropiques que la ruée vers l’or prit fin. En Polynésie, grâce aux pépètes d’un parti de Papeete, le Fetia Api.
Le tour de magie était simple : s’affilier avec le groupuscule et bénéficier d’une gâterie politique propre aux partis ultra-marins. Un chèque emploi qui permet de toucher 45 000 € annuels pour chaque élu député. Avec 23 parlementaires affiliés à ce groupuscule vahiné, le calcul est vite fait, plus de 900 000 euros perçus, qui expliquent que la petite famille siège dans le VII arrondissement, rue de Grenelle, à quelques pas du Palais-Bourbon. Pour 2010, dix nouveaux élus se sont agrégés, faisant grimper l’aide publique à 1 447 391 euros. Tout cela sous le regard bienveillant de l’UMP et de papa Sarko.
Difficile dès lors de réussir sa mue politique quand on est sous perfusion permanente de la majorité. Une situation qui remonte en réalité à la création de l’UMP en 2002 après la victoire de Chirac aux présidentielles. Des cadres et bon nombres d’élus locaux de l’UDF (l’ex parti centriste avant qu’il n’éclate) avaient déjà décidé de rejoindre le paquebot de la majorité. Ces « traîtres » de l’époque se nommaient Philippe Douste-Blazy, Pierre Méhaignerie, Jacques Barrot et Hervé de Charrette.
Ce glissement progressif vers la tentation du parti unique se mesure à chaque échéance électorale. Aux régionales et européennes de 2004, le parti centriste avait présenté des candidats autonomes au premier tour. Résultats : 103 conseillers régionaux et 11 députés européens élus. En 2009 et 2010, changement de stratégie : le Nouveau Centre joue la carte de l’union à droite avant le premier tour de scrutin par crainte de faire moins de 5% en solo. On tombe à 74 et 3 eurodéputés. Idem à l’Assemblée nationale. Sur 67 députés UDF entre 1997 et 2002, il en reste 29 jusqu’en 2007, aujourd’hui réduits à la portion congrue de 22 élus.
Cas aggravant, l’UMP a la majorité absolue dans l’hémicycle et n’a besoin d’aucune réserve de voix pour voter la loi. Le Nouveau Centre essaie d’exister tant bien que mal. Exemple en date, la commission d’enquête sur la grippe A présidée par le député NC Jean-Christophe Lagarde qui a eu le don de fâcher tout rouge les élus UMP. Aux premières auditions du 31 mars, ils avaient boycotté la séance, préférant se rendre au pince-fesse de l’Elysée. A cela s’ajoute l’animosité grandissante entre François Sauvadet et Jean-François Copé, présidents de groupe respectifs du Nouveau Centre et de l’UMP.
Quels espoirs dans tout ça ? « On peut réussir à prendre la présidence du Sénat en 2011, ça va se jouer à sept ou huit voix » claironne Maurice Leroy, député et porte-parole du NC. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’ex-communiste, ex-pasquaïen, a décidé de changer de toit l’an prochain, délaissant le Palais-Bourbon pour les lambris du Palais du Luxembourg. Une huile du parti d’ajouter que « ça fait un moment qu’il dort sous le paillasson de l’Elysée, qu’il veut rentrer au gouvernement ». Car l’homme a la réputation d’être un faiseur de roi au sein du parti, et c’est en la personne de Jean Arthuis, sénateur de l’Alliance Centriste que sont placés les espoirs pour remplacer le pantouflard Gérard Larcher.
Mais problème, beaucoup sont prêts à aller à la soupe et attendent un maroquin ministériel. Dédé Santini hier, Hervé Morin, Christian Blanc, Valérie Létard et Anne-Marie Idrac aujourd’hui. Un ex-centriste d’affirmer : « Sarkozy, les centristes, il va les pêcher un par un, comme ça il sera tranquille en 2012 ». Tous ont acté lors du conseil national qu’il fallait un candidat pour la prochaine présidentielle. Hervé Morin, candidat naturel ? Dans les travées, un militant d’en sourire : « Bayrou joue en 1ère division, Morin en 2ème ». La présidentielle, il y pense en nous rasant.
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Des cadres et bon nombres d’élus locaux de l’UDF (l’ex parti centriste avant qu’il n’éclate) avaient déjà décidé de rejoindre le paquebot de la majorité. Ces « traîtres » de l’époque se nommaient Philippe Douste-Blazy, Pierre Méhaignerie, Jacques Barrot et Hervé de Charrette.
Ce sont des gars qui se sont tirés de leur parti, pour y revenir, pour en repartir, pour y revenir, ….
Plutôt que traîtres entre guillemets, un mot plus juste aurait été "girouettes" ou "baltringues".