Le ministre de la Défense a piqué une gueulante contre un journaliste après un sujet diffusé au 20H de France 2. « Bakchich » était là avec son micro. Extraits.
Grabuge dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Mardi 20 mai, à la sortie d’une conférence de presse, Hervé Morin, ministre de la Défense, se dirige avec véhémence vers Alexandre Kara, grand reporter au service politique de France 2. Motif de la colère ? Un sujet diffusé par la chaîne de service public la veille au JT et jugé défavorable par Hervé Morin au parti qu’il dirige, le Nouveau Centre. Un micro traînait dans les parages. Extraits.
« C’est honteux, ce que vous avez fait ! ». La conférence de presse organisée par le Nouveau Centre et relative à la réforme des institutions vient à peine de se terminer lorsque les regards se tournent vers l’auteur de l’exclamation. Hervé Morin s’approche à grands pas d’un journaliste qui n’en demandait pas tant, Alexandre Kara, pour l’apostropher. Stupeur et tremblements parmi les témoins de la scène. « Qu’est-ce qu’ils ont fait, Hervé, pour que tu cries comme ça, comme un putois ? », s’inquiète une dame visiblement proche du coléreux ministre.
S’ensuit alors une réponse sibylline d’Hervé Morin, à propos d’un « sujet » fait par un certain « François » et consacré à la « règle d’or en interrogeant les UMP »(Lire le décryptage dans l’encadré ci-dessous).
Le Nouveau Centre, parti néo-centriste qui vient de porter à sa tête Hervé Morin, fanfaronnait depuis quelques jours dans les médias. Son nouveau leader et le président du groupe parlementaire, François Sauvadet, tentaient de convaincre l’opinion qu’ils avaient réussi à imposer au Premier ministre et au président de la République un principe cher aux ténors de feu l’UDF : la « règle d’or ».
Derrière cette dénomination ésotérique se cache la simple proposition (qualifiée, sans rire, de « révolutionnaire » par le grand timonier de l’extrême centre droit) de l’obligation constitutionnelle de présenter un budget de l’Etat en équilibre. Par cet effet d’annonce, le Nouveau Centre espérait démontrer ainsi sa capacité d’influence dans la majorité. Évidemment, il n’en est rien. Après divers amendements, le gouvernement se verra tout juste contraint de déposer un projet de loi de programmation des finances publiques sur une vague base « pluriannuelle ».
Chou blanc pour les nouveaux affidés de Sarkozy, qui n’auront même pas réussi à décrocher à l’UMP l’introduction, pourtant nécessaire à leur consolidation politique, de la proportionnelle aux élections locales. Un reportage télévisé relatant ces faits aurait donc pu laisser croire au rôle minimaliste, voire docile, du Nouveau Centre dans la réforme en cours des institutions. Sans avoir à évoquer un principe arithmétique : 22 députés NC constituent une troupe d’infanterie face à l’armada des 316 députés UMP.
Faut-il voir dans toutes ces déconvenues l’origine de l’irritation d’Hervé Morin à la fin de la conférence de presse ? En tout cas, il importe moins d’identifier le journaliste responsable du sujet diffusé la veille par France 2 que de constater la volonté par un ministre et chef de parti de mettre au pas l’information sur le service public. Quand certains doux rêveurs fantasment encore à l’idée de rejouer Mai 68, d’autres s’imaginent peut-être ressusciter l’ORTF. La différence, c’est que ces derniers sont actuellement au pouvoir.
Une autre dame vient à la rescousse de Kara, faisant mine de le questionner sur le mode « Mais ce n’est pas vous qui l’avez fait ? ». Tiré d’affaire, Kara confirme, un brin gêné de devoir nier la responsabilité du « sujet » tout en demeurant néanmoins « solidaire » de son confrère, comme le souligne avec malice une dame portée à sa rescousse.
Le dilemme de Kara ne dure pas longtemps : « Oui (c’est lui) mais bon… ça mange pas de pain ! », prend-t-il le soin d’ajouter. On apaise l’impétueux ministre comme on peut. Le vif échange a failli reprendre mais c’était sans compter le passage opportun, au son des talons aiguilles, du secrétaire d’État à la Famille, Nadine Morano, récemment promue dans la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy. « Nadine, Nadine, je, je…Tu me manquais depuis dimanche soir », susurre Hervé Morin, subitement mielleux. Un ange passe. « Ah ouais ?… », rétorque la femme de caractère, peu encline à s’attarder dans les couloirs avec un collègue aussi obséquieux.
Sans le savoir, Morano a tempéré l’ardeur guerrière du ministre de la Défense, prêt à en découdre avec un reporter pourtant conciliant. Après la relation électrique entre Sarkozy et l’AFP, il était de bon ton qu’un ministre d’État suive l’exemple d‘en haut et donne à son tour des leçons de journalisme au service public. Le chef du service politique de France 2 aura même le droit à un gentil coup de fil du ministre de la Défense.
Contacté par Bakchich Alexandre Kara relativise : « Le sujet diffusé par France 2, et préparé par le service éco, mettait en avant Gilles Carez (rapporteur UMP de la commission des finances de l’Assemblée). Or, il est vrai que le Nouveau Centre porte cet amendement depuis le début. C’est ce qui explique la réaction de Morin. » Le Nouveau Centre fait tout pour exister, et personne ne l’aide. Non mais vraiment !