L’AFP a été condamnée pour avoir vendu les clichés de ses photographes sans leur accord. Après 7 ans de bataille juridique.
C’est un sérieux camouflet que s’est vu infliger la direction de l’Agence France-Presse le 9 juin dernier par la cour d’appel de Paris. Celle-ci a en effet condamné l’AFP pour non-versement des droits d’auteurs à 23 de ses photographes, qui depuis 7 ans se battent en ce sens. Après une première décision prud’homale favorable aux amoureux du boîtier, voilà que la cour d’appel de Paris fait de la surenchère et considère qu’ « en reproduisant et diffusant les photographies numérisées sans le consentement des salariés auteurs, l’AFP a réalisé des actes de contrefaçon ouvrant droit à réparation », et fixé à 4.000 euros le montant de la réparation à verser à chaque photographe. « Contrefaçon », le mot fait mal.
Pourtant, l’histoire n’a pas fait grand bruit – une brève dans Libération et un communiqué syndical malgré une dépêche… de l’AFP - mais elle est pourtant symbolique à l’heure où Pierre Louette, le PDG, s’attèle à réformer le statut historique de 1957 et faire de l’AFP une agence multimédia.
Jean-Pierre Müller, photographe de l’AFP depuis près de 30 ans est l’un des leaders de ce mouvement. Il a longtemps potassé les textes de droit avant de se lancer dans cette bataille judiciaire contre sa direction. Aujourd’hui, il exulte : « Finalement, la présidente du tribunal a dit le droit ! Et le droit d’auteur n’est ni plus ni moins qu’un droit de l’homme. »
De son côté, la direction la joue sobre mais intransigeante et assure que « tous les modes de transmission des photos AFP sont aujourd’hui numériques », ajoutant qu’en conséquence « il résulte de cet arrêt une contradiction de motifs. » Las, le PDG retoqué ira-t-il jusqu’en cassation ? Contacté par Bakchich, le service juridique n’avait pour l’heure pas donné suite à notre appel.
C’est donc un vieux combat que ces photographes de l’AFP viennent de partiellement gagner. Tout commence en 1998 avec la création de la banque d’images « Image Forum ». L’agence propose alors un nouveau service en ligne de revente de son contenu photo. Une plateforme que la cour d’appel qualifie dans son arrêt de « nouvelle technologie à l’origine d’un développement massif de l’exploitation du fonds photographique de l’AFP. » Dès 1999, la direction, alors occupée par Bertrand Eveno, concocte un avenant au contrat des photographes où il est question de cession complète de leurs droits.
Quelques lignes que les 26 puis 23 (trois d’entre eux sont partis à la retraite entre temps) photographes énervés ne signeront jamais. Au grand dam d’Eveno et de ses successeurs.
L’heure pour les agités du boîtier de se rencarder un peu plus sur leurs droits et d’aller cotiser à la SAIF, une petite Sacem à qui il confie leurs droits.
Le combat prend un autre tour quand en 2002, un photographe de l’agence a le plaisir de découvrir l’un de ses clichés de Marine Le Pen retouché et transformé… en affiche électorale. Contacté par la leader frontiste, l’agence avait vendu quelques-unes de ses photos. Curieux destin pour une photo d’agence. Et de quoi remonter un peu plus les photographes qui voient dans cet incident l’occasion de rappeler à leur direction le concept de droit d’auteur. Ou au moins celui du droit moral, que le directeur d’alors leur reconnaît noir sur blanc.
Le début d’une longue bataille qui emmena tout ce beau monde du TGI aux Prud’hommes jusqu’à la cour d’appel de Paris le 9 juin dernier.
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
Cette affaire n’est pas sans rappelé la bataille des auteurs Hollywood qui s’étaient fait bananer pour la diffusion par DVD où ils ne touchaient rien et voulaient éviter cela pour la diffusion sur Internet. Prochaine étape le mobile…
Dèdess
Bonjour,
Pour info, le communiqué syndical dont parle cet article se trouve à l’adresse ci-dessous, sur le site de la section SNJ-CGT de l’agence.
Pendant que vous y êtes, faites un petit tour par le site de la pétition intersyndicale pour défendre l’AFP - http://www.sos-afp.org/ !