Le 31 mars dernier, le PDG de l’AFP, remettait au gouvernement un premier document de travail pour réformer le statut historique de l’agence. De quoi susciter quelques inquiétudes.
L’Agence France Presse finira t-elle aux mains d’un Bolloré, d’un Bouygues ou d’un Lagardère ? Si ce scénario noir est encore loin d’être une réalité, les récents événements assurent toutefois d’une prochaine modification du statut historique de l’Agence. Certains en interne craignant déjà la privatisation totale. Une angoisse tenace.
Le 31 mars dernier, Pierre Louette, son patron, ancien du cabinet de Balladur, a remis, comme l’Elysée le lui avait demandé, à Christine Albanel et Eric Woerth, son rapport de 30 pages intitulé « Faire de l’AFP un des leaders mondiaux de l’information à l’ère numérique ». L’enjeu ? Garantir l’indépendance de l’AFP vis-à-vis de l’Etat et des capitaux privés tout en assurant son développement et donc la levée de fond. Une équation plutôt compliquée. Mais à cerveau d’énarque rien d’impossible. Le bon Louette qui n’a toujours pas répondu à la demande d’entretien de Bakchich, a donc sorti de son chapeau le concept d’une « société nationale à capitaux publics ».
Détenue à 100% par des capitaux publics ou para-publics, tels que la Caisse des dépôts (CDC) ou l’Agence des participations de l’Etat, cette société serait dotée d’un capital de « plusieurs dizaines de millions d’euros », selon les mots du PDG, à la fois pour reconstituer les fonds propres de l’AFP et financer sa stratégie de développement. Elle serait placée sous la supervision d’une fondation composée de « personnalités qualifiées », ce qui serait « la meilleure façon d’incarner la protection de l’indépendance » de la rédaction. La fondation détiendrait au moins une action assortie de droits préférentiels et veillerait au « maintien de la composition du capital dans les limites initialement fixées », au respect des obligations fondamentales de l’AFP et au bon accomplissement des missions d’intérêt général.
Que ceux qui ont compris lèvent le doigt. Une chose est sûre, la main levée ne viendra pas des syndicats maisons, qui tous s’interrogent sur le sens de la direction prise par le PDG. Privatisation ou pas ? Celui qui en interne se vante de « réformer le statut en trois jours », quand il a fallu trois ans pour rédiger le statut actuel, a donc soulevé l’inquiétude des syndicats. Et une pincée d’agacement quand personne en interne n’a pu lire le dit rapport. Mais cette belle unité syndicale est en train de se fissurer. Les élections professionnelles sont passées par là. D’un côté le SNJ et la CFDT, grands gagnants du dernier scrutin, prêts désormais à accompagner le mouvement de réforme. De l’autre, la CGT, FO et Sud qui refusent de revenir sur le statut de 1957.
Celui-ci stipule que l’AFP est « un organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales ». Sa mission est « de rechercher tant en France qu’à l’étranger les éléments d’une information complète et objective » et de les « mettre à la disposition des usagers ». L’article 2, clé de voûte de l’indépendance de l’AFP, affirme quant à lui que celle-ci « ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique. » Un statut hybride qui protège l’Agence de toute ingérence extérieure tout en lui permettant de vivre en partie des deniers publics.
L’heure est donc aux tractations. Point de réaction des autorités sur le rapport de Louette, et en interne, on se demande à quelle sauce on va être mangé. Après moultes hésitations, le Contrats d’Objectifs et de Moyens par lequel l’Etat participe financièrement au fonctionnement de l’Agence et qui représente 40% du chiffre d’affaires a finalement été approuvé. Pas de quoi se réjouir plus que ça. L’AFP est endettée, son siège, place de la Bourse à Paris, hypothéqué et les contrats précaires se multiplient. Un plan de départ volontaire est même dans les cartons. L’arrivée, le 7 avril, d’un nouveau directeur des Ressources Humaines, en provenance du groupe Mondadori, n’augure rien de bon.
Lire ou relire dans Bakchich :
Le SNJ et la CFDT, grands gagnants du scrutin à l’AFP ? Cette affirmation ne correspond pas à la réalité des chiffres.
Les organisations syndicales clairement opposées au Plan Louette sont largement majoritaires. Sur l’ensemble du personnel statut siège, la CGT, FO et SUD, qui refusent les options prises par le PDG dans le cadre du Contrat d’Objectifs et de Moyens 2009-2013 (COM-2) obtiennent environ 63% des suffrages exprimés (titulaires Comité d’entreprise).
Les deux syndicats qui affirment ne pas vouloir « adopter des attitudes jusqu’au-boutistes ou dogmatiques » face au projet de transformation de l’AFP en société anonyme - la CFDT et le SNJ - ne recueillent que 33,4%.
Tous collèges additionnés, le principal gagnant du scrutin est FO, qui progresse de 4,3% par rapport à 2007, suivi par la CFDT (+1,6%), SUD (+1,2%) et la CGC (+0,6%). Le SNJ recule de 0,1% et la CGT de 6,4%.
Quant à la répartition des sièges au Comité d’entreprise, elle est inchangée par rapport à 2007 : CGT 4, FO 1, SNJ 2, CFDT 1.
Il reste toutefois deux points de satisfaction pour la direction :
1/ Le SNJ et la CFDT sont légèrement majoritaires parmi les journalistes, où ils totalisent 51,4%, contre 48,6% pour CGT, FO et SUD.
2/ Malgré sa progression, notamment parmi les journalistes (+2,7 points), SUD reste à trois voix près en dessous de la barre des 10% et perd donc sa représentativité.
C’est bien de s’interroger sur l’avenir de l’afp, dont l’indépendance ets une conquête de la résistance.
le meilleur outil : signer la pétition qu’on déjà sigfnée près de 15.000 personnes, dont les grandes dirigeants syndivaux, totalement unis (CFDT,CGT,FO,CFTC etc..), les politques (PS,PC,MOdem, Mélenchon, NPA, nombre d’élus de la majorité), des journalistes (Bourges, Michèle Cotta, Edwy Plenel, Jean Leclerc du Sablon, Jean-François Kahn,), des figures morales (Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Michel Onfray, Rony Brauman), des écrivains (Philipe Sollers, Edouard Glissant), des cinéatss ou cmédiens (M%ylène Demongeot, Michael Lonsdale, Fanny Cottençon, Rufus, Pierre Arditi), des centaines d’artistes, d’écrivains, de musiciens, de chercheurs (Axel Kahn et beaucoup d’autres) et tant et tant de citoyens attachés à l’indépendance de la presse, le un joyau de notre démocratie, tellement mise à mal, et à l’AFP, seule agence mondiale non anglo-saxonne. Je vous y encourage, sur www.sos-afp.org signez la pétition. Vous serez en excellente compagnie pour une grande et belle cause.
Bonjour,
Votre article est très intéressant. Rappellons que les syndicats de l’AFP ont lancé une "pétition pour l’indépendance et la survie" de l’agence.
J’encourage tous les lecteurs de Bakchich à la signer !
David Sharp, journaliste (et syndicaliste) AFP
Le statut de l’AFP a cinquante deux ans. C’est tout juste si à l’époque on ne recevait pas encore les dépêches par pigeon voyageur !
Il en est du statut de l’AFP comme de la loi Bichet (1947) qui régit la distribution de la Presse en France :l’un repose sur l’indépendance, l’autre sur la liberté de diffuser. Il ne faut donc surtout pas les abroger ni les ré-écrire, mais simplement en modifier quelques paragraphes afin d’en adapter le fonctionnement à la réalité du XXIème siècle. C’est possible, sans remettre en cause le fondement même du statut : l’indépendance de l’agence. Il suffit de "ficeler" le capital public de base.
L’AFP est une société à but commercial, sans actionnaire et sans capital, dotée d’un statut législatif "sui generis", dont la majorité du Conseil d’administration est constituée par la Presse Française qui ne représente que 18 % de son chiffre d’affaires et dans lequel ni l’audiovisuel privé, ni ses plus gros clients étrangers, ne sont même pas représentés. Pire : ce statut lui impose l’équilibre nominal annuel du Budget (comme l’audiovisuel public), aberration interdisant tout "déficit d’investissement".
A l’heure du big-bang d’internet, comment l’AFP pourrait-elle dans ces conditions lutter contre ses deux rivales (Associated Press et Reuters)auxquelles il convient d’ajouter aujourd’hui CNN et quelques autres "grandes marques" de l’information.
Cette "réforme" - et non pas un "changement" - est indispensable à la survie d’un outil extraordinaire, présent dans 125 pays, qui produit 24h/24 en français, en anglais, en espagnol, en portugais, en allemand, en arabe (1ère agence arabophone), voire même en chinois.
Il est bien évident que c’est autour de l’AFP que la chaîne France 24 aurait du être depuis longtemps constituée. Une occasion unique fut manquée quand l’agence américaine d’images TV - "WTN" - fut mise en vente à la fin des années 90. Les énarques de Bercy s’y opposèrent, bien sûr.
Quant aux phantasmes Boloresques, ils ne sont pas sérieux : ce capitaine d’industrie a d’autres chats, infiniment plus rentables, à fouetter !
Comme disait le grand Edgar Faure : "L’immobilisme est en marche". Qu’on prenne garde : ce serait conduire cette merveilleuse Maison à une inéluctable décrépitude.
Un passionné d’AFP.
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En 1957, lorsque l’AFP fut dotée de son statut toujours en vigueur, l’ère des pigeons voyageurs était révolue depuis plus d’un siècle, mais la France tentait encore de régner sur un vaste empire colonial, les dirigeants de la 4 éme Répulique, qui avaient tous vécu la sinistre période1940-44, s’apprêtaient à la doter de l’arme nucléaire…
2009 n’est pas seulement l’adolescence de l’internet grand public (il a 15 ans), c’est aussi la seconde année de fonction présidentielle occupée par un cinquantenaire hyperactif, fasciné par le big business et les business people, au sens large. Le fonctionnement actuel de L’AFP ne saurait en faire, quelle que soit l’équipe dirigeante, un instrument de propagande ou de mise en valeur de Nicolas Sarkozy, comme peut l’être l’audiovisuel classique pour Silvio Berlusconi en Italie.
Pourquoi ne pas profiter des évolutions rendues aussi urgentes qu’indispensables par l’irruption massive de l’internet sur la chasse gardée (des trois agences mondiales) pour doter l’AFP d’un capital porté par le dernier dinosaure financier public : la Caisse des Dépôts ?
Puis, comme il advint des promesses faites par Nicolas Sarkozy, lors de l’ouverture du capital de Gaz de France, céder à tel investisseur, en bloc ou par appartements l’une des trois agences mondiales d’information.
Il sera toujours temps alors d’expliquer au bon peuple que, vu les abyssaux déficits creusés par la CRISE, cette cession miraculeuse permet à notre malheureuse Caisse des Dépôts d’alléger ses dettes.
On ne pourra plus accuser Nicolas Sarkozy de nommer un affidé à la tête de l’AFP. Il n’y aura plus d’AFP.