Bakchich s’est procuré le rapport commandé par la direction de l’AFP à Frédéric Filloux, ancien patron du site de 20 minutes et observateur attentif des médias. Nous le publions en intégralité.
55 pages pour « Pérenniser l’Agence France Presse » et là « rendre à nouveau indispensable ». Huit mois après le début de sa mission, Frédéric Filloux, ancien directeur de la rédaction de 20 minutes, aujourd’hui blogueur du lundi a rendu son rapport à Pierre Louette, le PDG de l’agence. Un rapport qui résonne comme un écho au projet du directeur actuel de l’Agence. Bakchich s’est procuré le document que vous pouvez télécharger en cliquant sur la tête à Louette (ci-dessous).
A lire la prose de Filloux, l’AFP a raté le train de la modernité. Elle serait même « un paquebot fixé dans l’espace-temps. » Mais, et c’est bien là l’essentiel, elle « ne disparaîtra jamais » et, selon l’auteur du rapport qui a effectué une quarantaine d’entretiens, elle dispose des moyens internes pour rattraper son retard.
Cela passe par un constat douloureux : « le modèle économique de l’AFP est menacé » par le bouleversement des nouveaux vecteurs numériques de l’information. Et son offre ne correspond plus à la demande actuelle. « Aujourd’hui l’AFP a le choix entre renoncer à toute rénovation et se paupériser, ou se réformer, se redéployer et rester un grand acteur de l’information mondiale capable de défendre ses valeurs, sa vitalité éditoriale, son regard sur le monde qui sont associés à son histoire », écrit-il. Si ce n’est pas un signal d’alarme, ça y ressemble.
Pour Filloux, les problèmes sont de plusieurs natures : stratégiques, commerciaux, techniques, managériaux et sociaux. Il s’agit de faire avec l’existant et de réorienter les forces en fonction de l’évolution des clients. « Faire moins, pour faire mieux », explique le rapport.
L’auteur explique par exemple que la dépêche, produit emblématique de l’AFP a « vieilli ». Il la juge « plate, aride et unidimensionnelle » alors qu’elle pourrait être enrichie et que le client, via un moteur de recherche plus performant, pourrait y avoir accès de manière personnalisée. Filloux évoque de nombreuses pistes et suggère par exemple que l’AFP s’oriente prudemment vers une forme de service aux particuliers, via par exemple des applications pour les mobiles.
Mais, « aucune des évolutions envisagées dans ce rapport n’est possible sans la rénovation du pacte social de l’AFP dont la déliquescence menace l’avenir de l’Agence », poursuit l’auteur, qui chiffre à l’appui, assure qu’un journaliste de l’AFP travaille entre 20 et 25% de moins qu’un journaliste de l’agence concurrente Associated Press. Il indique par ailleurs que le personnel est vieillissant : « à la rédaction, une personne sur dix a plus de 60 ans et 42% ont plus de 20 ans d’ancienneté. » Une démographie qui « compliquerait la gestion des carrières. » Manière de légitimer, consciemment ou non, la nouvelle direction –plus jeune- mise en place l’année dernière par Pierre Louette. C’est la hiérarchie intermédiaire qui est mise en cause et in fine « tout cela contribue à ce syndrôme terrible de l’AFP où le volant n’est que partiellement relié au roues » s’inquiète Filloux. Un volet social important donc, mais qui n’a le droit qu’à cinq pages dans le rapport.
Sur le fond, s’il affine le diagnostic de Pierre Louette, Frédéric Filloux est en accord avec le rapport remis au gouvernement par le PDG de l’AFP en mars 2009. Il reprend à son compte tout en la précisant l’idée d’une société à l’actionnariat diversifié, contrôlé par une fondation dans laquelle siégerait entre autre des professionnels des médias et un représentant de la Caisse des dépôts. Nul doute que ce nouveau rapport, qui une fois de plus remet en cause le statut historique de l’Agence, et donc pour beaucoup, son indépendance, rencontrera des résistances.
Alors que le PDG de l’AFP Pierre Louette se bat pour convaincre les personnels et les syndicats du bien fondé de la réforme du statut de l’Agence et qu’il fait tout pour qu’un projet de loi soit à l’Assemblée au printemps, le rapport Filloux arrive à point nommé pour alimenter habilement l’argumentaire de la direction.
Lire ou relire dans Bakchich :
Ce rapport a le double mérite de la lucidité et de la compétence. Quand Filloux parle du temps de travail comparé à Associated Press, cela ne concerne que le desk. Il y a deux AFP : celle du desk, avec trop souvent des journalistes fonctionnarisés, accrochés à leurs "acquis" ; et celle, admirable, des bureaux, travaillant 24h/24, avec des moyens bien inférieurs à ceux de la concurrence, mais qui font de l’AFP la première agence mondiale d’information. Quand l’AFP, il y a moins de 30 ans, vivait avec 70 % d’abonnements de l’État, était-elle ou non indépendante ? Alors, que cesse la paranoïa : sans capital, sans abolition de la règle imbécile de l’équilibre nominal annuel du budget ( qui interdit tout déficit d’investissement), sans transformation du Conseil d’administration ( où les représentants de la Presse Française commettent depuis toujours un délit d’abus de bien social), bref, sans "adaptation" du statut (et non pas réécriture), l’AFP mourra. Qu’on se le dise !
Un passionné d’AFP.
Ce rapport part d’un a priori et tourne autant qu’il peut les chiffres :
C’est une faute d’avoir du personnel avec 20 ans d’ancienneté. Comprend pas.
Avoir 10% du personnel de plus de 60 ans compromet les évolutions de carrières, pourtant, ils partent bientôt et il faudra les remplacer. De plus, après avoir repoussé l’âge de la retraite, c’est mal venu qu’une entreprise dise qu’elle a du personnel trop expérimenté. C’est avant tout une opportunité pour réorganiser les services.
Les salariés de l’AFP travaillent 20% de moins que l’AP. Est ce que le rapport recommande de passer aux 40h par semaines comme dans les pays voisins ? En France, les 35h font que les gens travaillent 12,5% moins que les pays à 40h par semaine.
En résumé, le rapport semble dire on garde le nom, on vire au moins 42% du personnel car ils savent comment faire tourner l’AFP au quotidien et on prend à la place des jeunes sans expérience qui travailleront minimum 45h par semaine (c’est possible en délocalisant).