A la surprise générale, le patron de l’Agence France-Presse quitte ses fonctions pour devenir secrétaire général de France-Télécom. Il laisse une agence qui peine à trouver une équation économique compatible avec son indépendance.
Comme le révélait mercredi matin 24 février le site Electron Libre, Pierre Louette a confirmé qu’il quittait la présidence de l’Agence France Presse pour occuper les fonctions de secrétaire général de France Télécom. « Personne ne s’y attendait », confie un journaliste de l’agence.
C’est que Louette, PDG depuis décembre 2005, était engagé dans une réforme du statut de l’agence qui devait, selon ses plans, aboutir au courant de l’année 2010. Une réforme que les syndicats combattaient sans relâche depuis plusieurs mois. Selon eux, la transformation de l’agence en société anonyme à capitaux publics aurait mis en péril l’indépendance de l’agence. La dernière marche aura été trop haute pour Louette.
« Il me semble qu’il devrait appartenir à un nouveau président de se saisir de ces enjeux, d’achever d’élaborer des plans de réforme et de développement, de les porter devant le Parlement et de s’investir pour les mettre en œuvre dans les années à venir », a-t-il reconnu dans un message destiné au personnel de l’Agence.
D’aucun disent qu’en plus de la fronde des syndicats, il avait rencontré dernièrement l’opposition de nombreux parlementaires. Frédéric Mitterrand lui-même expliquait qu’il fallait du temps pour réussir cette réforme. La fin d’une ère, mais sans doute pas la fin des problèmes pour l’AFP, qui n’a toujours pas résolu son équation économique.
Dans une lettre adressée aux salariés le 16 novembre dernier, la direction de l’AFP expliquait : « Depuis plusieurs semaines, des projets importants pour l’Agence et ses personnels sont au point mort ou presque. La direction a déployé ces derniers mois ses meilleurs efforts dans un contexte difficile. Elle en appelle au sens des responsabilités de tous pour avancer au mieux des intérêts de l’Agence et de ses salariés ».
Début décembre, Bakchich avait fait état des blocages au sein de l’AFP . Dans un compte-rendu de CE, un syndicaliste de l’agence notait, le 19 novembre dernier, de manière prémonitoire : « Réunion très tendue et confuse. Le PDG était très nerveux, agressif, à court d’argument : il m’a fait penser à Eveno (ndlr : son prédécesseur Bertrand Eveno) lors de la fin de son mandat ».
Pierre Louette occupera donc le poste de secrétaire général de France Télécom. Fonction qu’occupait auparavant Jean-Yves Larrouturou. « Appelé à rejoindre la nouvelle équipe dirigeante du groupe France Télécom, j’ai décidé d’accepter cette proposition passionnante, à un moment crucial de l’évolution de l’industrie des télécommunications et des contenus », explique-t-il dans son courrier au personnel de l’Agence.
A 47 ans, il a déjà une longue carrière derrière lui. Cet énarque (promotion 1989, la même que Jean-François Copé, Renaud Dutreil, Nicolas Dupont-Aignan ou Dominique Méda) atterrit dès 1993 au cabinet d’Edouard Balladur, nouveau Premier ministre.
C’est là, après un passage à la Cour des comptes, qu’il fera ses premières armes et tissera son réseau. Chargé de l’audiovisuel, il fréquente quotidiennement Nicolas Bazire, aujourd’hui n°2 de LVMH, alors directeur de cabinet de Balladur. Et pour bosser, il bosse. Et pour apprendre, il apprend… notamment à anticiper les besoins du pouvoir.
C’est ainsi qu’il réalise, entre autres, le conducteur intégral d’un numéro de « La Marche du siècle », où Balladur doit être l’invité principal (Lire l’encadré ci-dessous). L’émission n’aura pas lieu, mais cette note, envoyée à Jean-Marie Cavada, montre à quel point il a intégré les ressorts de la communication politique et précise aussi l’idée qu’il se fait alors du métier de journaliste.
Jeune conseiller chargé de l’audiovisuel, Pierre Louette travaille d’arrache-pied pour redorer l’image de son patron, Edouard Balladur. Ainsi, le 27 juillet 1993, il se fend d’une jolie note (exhumée par Jean-Pierre Bédéi dans son livre L’Info-pouvoir, aux Éditions Actes Sud) à l’attention de Jean-Marie Cavada, producteur et présentateur de « La Marche du siècle ».
En voici quelques extraits : « Objet : projet d’émission sur l’emploi. Il me paraît très important qu’en octobre, au moment du dépôt du projet de loi quinquennal pour l’emploi (date à préciser), une émission spéciale et originale soit consacrée entièrement au thème de l’emploi, autour d’expériences innovantes, de proximité, de vécus. L’idée serait la suivante : trouver dans nos provinces les 3 ou 4 « Abbé Pierre » ou « Mère Teresa » de l’emploi, des patrons de PME qui ont appliqué toutes les mesures incitatives et qui sont même allés au-delà, des responsables d’association œuvrant pour l’emploi de proximité, le travail des jeunes (…). Le Premier ministre, une fois rappelé que c’est lui qui, avec son gouvernement, donne l’orientation générale, mène la politique qui peut à moyen terme aider l’emploi, serait ensuite celui qui écoute, qui prend en compte, qui est prêt à suivre, à relayer ailleurs les expériences faites ici et là. (…) En termes d’objectifs de communication, j’y vois deux avantages : conforter l’image d’homme à l’écoute, près des préoccupations… ». L’histoire ne dit pas quelle fut la réaction de Jean-Marie Cavada, mais l’émission n’aura finalement pas lieu.
Il poursuit son ascension à France Télévisions (directeur de la communication de 1995 à 1996), puis chez Havas (1996 à 2000), avant de retrouver les joies du luxe chez LVMH (2000-2003). Inscrit à bonne école, il est devenu un grand communicant et un négociateur habile. Mais cela ne lui aura pas permis d’aller au bout de sa réforme. La question est aujourd’hui de savoir qui sera le successeur de Louette à la tête de l’AFP et s’il reprendra à son compte les réflexions du nouveau secrétaire général de France Télécom.
Bakchich a réalisé de nombreux articles sur l’AFP et les différentes problématiques liées à l’Agence. Vous pouvez les retrouver ci-dessous.
Un nouveau départ pour l’AFP !
Le personnel de l’Agence France-Presse n’a aucune raison de regretter le départ du PDG. En effet, Pierre Louette était :
le PDG de l’abandon de l’indépendance : en servile serviteur, il avait accepté de remplir la "mission" de casser le statut de 1957. Désormais, il rejoint l’un de ses anciens "ministres de tutelle", Mme Christine Albanel, en acceptant une "proposition passionnante" chez France Télécom…
le PDG du mépris et du caporalisme : croyait-il vraiment pouvoir imposer ses projets néfastes contre la volonté du personnel ?
le PDG de la régression sociale : jamais, les salariés en France comme à l’étranger n’avaient connu un tel développement de la précarité et du manque de perspectives. De plus, M. Louette avait récemment annoncé une deuxième année de gel des salaires pour les statut siège. Sans parler des revenus des pigistes ou des salariés statut local…
Sa démission doit être l’occasion d’un nouveau départ pour l’agence :
Abandon de la casse du statut : le nécessaire débat sur les perspectives de développement de l’agence pourra se dérouler plus sereinement si cette menace est écartée.
Abandon des projets du "Plan Louette", contraires au statut, à commencer par la filiale AFP-Services.
Abandon du projet de déménagement qui vise à casser la rédaction et à diviser le personnel.
Relance du dialogue social pour résorber la précarité, débloquer les salaires et donner les mêmes droits démocratiques et sociaux à l’ensemble des salariés de l’AFP mondialement.
SUD-AFP (SUD Culture Solidaires) - http://sudafp.zeblog.com - Paris, le 24 février 2010
Le personnel de l’Agence France-Presse n’a aucune raison de regretter le départ du PDG. En effet, Pierre Louette était :
le PDG de l’abandon de l’indépendance : en servile serviteur, il avait accepté de remplir la "mission" de casser le statut de 1957. Désormais, il rejoint l’un de ses anciens "ministres de tutelle", Mme Christine Albanel, en acceptant une "proposition passionnante" chez France Télécom…
le PDG du mépris et du caporalisme : croyait-il vraiment pouvoir imposer ses projets néfastes contre la volonté du personnel ?
le PDG de la régression sociale : jamais, les salariés en France comme à l’étranger n’avaient connu un tel développement de la précarité et du manque de perspectives. De plus, M. Louette avait récemment annoncé une deuxième année de gel des salaires pour les statut siège. Sans parler des revenus des pigistes ou des salariés statut local…
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