Vendredi, Pierre Louette, actuel PDG de l’AFP, devrait être reconduit dans ses fonctions avec dans sa lettre de mission les commandes de Sarko pour réformer l’Agence. Ca va grincer.
Vendredi 12 décembre, et sans grande surprise, Pierre Louette devrait être réélu pour trois ans à la tête de l’Agence France Presse. Il recevra, pour l’occasion, de la main du Conseil d’administration, sa nouvelle lettre de mission. Objectif, toiletter le statut historique de l’Agence pour lui permettre de poursuivre son développement tout en conservant son indépendance. Une mission qui, sous la pression de l’Elysée, suscite beaucoup d’inquiétudes place de la Bourse.
De l’aveu de nombres de salariés de l’AFP, le bilan du premier mandat de Pierre Louette est plutôt bon. Arrivé après Eric Giuly (1999-2000) et Bertrand Eveno (2000-2005), les deux précédents patrons, l’homme a pris les rênes d’une agence fatiguée des errements de ses PDG. Enarque, passé par le cabinet d’Edouard Balladur, France Télévisions, ou encore le groupe LVMH, Pierre Louette a réussi à renouer de bonnes relations avec les personnels. « Il a pris goût à l’agence » note un journaliste de la « maison ». Sa gestion courageuse des attaques de Frédéric Lefebvre, porte-flingue de l’UMP, monté au créneau pour critiquer l’Agence, lui a permis de gagner le respect.
Toutefois, si, comme ce devrait être le cas, le Conseil d’administration le confirme à son poste, c’est qu’il a accepté de se pencher sur le statut historique de l’AFP. Un texte gravé dans le marbre en 1957 et approuvée à l’unanimité par le Parlement. Celui-ci stipule que l’AFP est « un organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales ». Sa mission est « de rechercher tant en France qu’à l’étranger les éléments d’une information complète et objective » et de les « mettre à la disposition des usagers ». L’article 2, clé de voûte de l’indépendance de l’AFP, affirme quant à lui que celle-ci « ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique. » Un statut hybride qui protège l’Agence de toute ingérence extérieure tout en lui permettant de vivre en partie des deniers publics.
Voilà qui est posé. Mais plusieurs événements ont fini par avoir raison de la sagesse des journalistes de l’AFP. Les coups de boutoirs de l’UMP, portés par le considérable Frédéric Lefebvre, sans commune mesure avec les pressions habituelles que connaît l’Agence (lire encadré). Le rapport Giazzi, qui, tout en écrivant que l’agence est « une institution prestigieuse dont la marque est une référence en matière d’information », propose que celle-ci « ouvre son capital si nécessaire » afin de disposer de fonds propres, autant écrire : en faire une société anonyme. Et enfin, les déclarations de Pierre Louette, qui malgré ce qu’il disait au début de son mandat, a peu à peu commencé à digérer le message de l’Elysée, pour le porter devant ses personnels. Sans oublier, bien sûr, l’amour immodéré de Nicolas Sarkozy pour la liberté de la presse. Il n’en fallait pas plus pour que se dessine le spectre d’une privatisation de l’agence.
De mémoire de Jean Miot, PDG de l’AFP entre 1996 et 1999, les coups de fil des politiques pour faire pression sur le contenu éditorial de l’Agence n’étaient pas si courant qu’aujourd’hui. Il y avait bien Jack Lang, qui, fort de sa machine à produire ses communiqués, tenait au courant les journalistes de ses moindres faits et gestes, mais voilà tout. Seul Alain Juppé, alors Premier ministre, s’est un jour fendu d’un petit coup de téléphone au président de l’AFP. Nous sommes en 1996, et l’Eglise Saint-Bernard, occupée par des sans-papiers, vient d’être évacuée par la force par la police de Debré, alors ministre de l’Intérieur, ce dont rend compte l’agence qui parle d’une "évacuation violente". Un qualificatif que ne goutera pas le Premier ministre, probablement motivée par Debré, et qui en rendra compte à Jean Miot. On se rend compte ainsi que les récentes sorties de Frédéric Lefebvre contre l’AFP sont d’une toute autre violence.
Las, le 28 novembre dernier, l’intersyndicale de l’agence a mis en ligne une pétition pour interpeller l’opinion sur la nécessité de ne pas transformer le statut de l’agence. A ce jour, elle a déjà recueilli plus de 6000 signatures.
Soucieux de leur indépendance, du développement de leur agence, les journalistes sont aussi quelque peu inquiets pour leur porte-monnaie. Le renouvellement du contrat d’objectif et de moyens (COM) par lequel l’Etat s’engage financièrement par une revalorisation des crédits inscrits au titre de ses abonnements à l’AFP à soutenir l’activité de l’Agence n’a toujours pas été signé. Mais la revalorisation risque d’être bien inférieur à l’inflation, grévant d’autant le budget de l’AFP et par conséquence le pouvoir d’achat des 2000 salariés. « Si cela se confirme, c’est une punition », note une journaliste. Le statut, unique dans le monde, de la plus grande agence de presse non anglo-saxonne, auquel tienne terriblement les salariés, et qui a prouvé son efficacité journalistique, a-t-il trouvé ses limites financières aux vues des nécessaires évolutions technologiques de l’Agence ?
La question n’est pas tranchée. Nicolas Sarkozy mettra-t-il fin à un système, élaboré il y a plusieurs décennies sous l’impulsion de Jean Marin, patron fondateur de l’Agence ? Le président de la République a émis l’idée d’en faire une fondation. Idée aussitôt critiquée par certains syndicats, dénonçant un « cache-sexe » destinée à mieux masquer la privatisation qui avance. La vigilance est donc de mise. Nicolas Sarkozy pourrait en tout cas se souvenir que la libération d’Ingrid Betancourt, qu’il a tant appelé de ses vœux (n’est-ce pas M. Marulanda ?), lui a été rapportée… par l’AFP. De l’utilité de « comprendre le monde » [1].
Lire ou relire dans Bakchich :
[1] Le slogan de l’AFP
La SDJ a été alertée d’un non-recrutement au sein de la rédaction de 20 Minutes sur lequel elle tient à prendre position.
Après deux entretiens a priori concluant avec la rédaction en chef et la direction de la rédaction, un candidat au service Paris a rencontré Pierre-Jean Bozo pour une discussion « de formalités ». Lors de cet entretien, lui ont été posées des questions sur sa vie privée, ses origines sociales, le parcours de ses parents ainsi que sur ses opinions politiques. Après avoir reçu de la directrice de la rédaction, Corinne Sorin, devant témoins, l’assurance d’être embauché à « 99,9% », il s’est vu opposer une non-embauche pour raisons budgétaires. Or, une nouvelle embauche pour le même poste est en cours.
Après discussion avec Pierre-Jean Bozo, PDG de 20 Minutes France, Corinne Sorin, directrice de la rédaction et Luc Lemaire et Lionel Cartegini, rédacteurs en chef, deux points principaux ressortent.
La SDJ a tenu à marquer son opposition vis-à-vis des entretiens d’embauche menés par Pierre-Jean Bozo au cours desquels ce dernier reconnaît aborder la vie personnelle et familiale des candidats. Le PDG de 20 Minutes a pris acte du fait que ces pratiques contreviennent aux articles L.121-6 et L.122-45 du code du travail et s’est engagé, jusqu’à nouvel ordre, à ne plus poser ce genre de questions lors des entretiens. Pierre-Jean Bozo nie en revanche avoir fait preuve de discrimination. La SDJ lui a fait remarquer que rien ne prouvait qu’il n’avait pas pris en compte les éléments personnels concernant le journaliste pour retoquer sa candidature.
En revanche, Corinne Sorin, Luc Lemaire et Lionel Cartegini ont reconnu que, vu les « doutes » émis par Pierre-Jean Bozo, ils ont tenu à en savoir davantage sur le candidat et auraient alors lu un post rédigé par ce dernier alors qui était étudiant à l’ESJ. Ce texte, au style très ironique, est un exercice avec pour thème imposé les antipubs, le but étant d’écrire un post bien référencé sur Internet. Pour la rédaction en chef, ces écrits rendent impossible la collaboration du journaliste à la rédaction de 20 Minutes. A aucun moment des entretiens la question n’a été abordée avec le candidat, qui n’a donc pas pu s’expliquer sur ce point. La SDJ a également tenu à affirmer son désaccord quant à la prise en compte de cet écrit pour écarter une candidature.