817 000 euros, c’est la somme qu’a réglé en 2008 le Gabon à une boîte de conseil pour laquelle a bossé Bernard Kouchner. La diplomatie française fait encore recette.
Une fois le travail fait, les factures éditées, demeure pour tout prestataire de service, une petite difficulté. Se faire payer. Surtout quand il s’agit de commandes publiques.
Africa Steps/Imeda, enregistrées au registre du commerce de Paris comme sociétés de conseils et de gestion et sises à la même adresse du 130 boulevard Saint-Germain, en ont fait l’amère expérience. Avec des créances en latence avec l’Etat gabonais pour un montant total de 817 000 euros début 2007.
Une somme tout de même, pour ces deux boîtes de consultants dont les dirigeants présentent un joli cursus. Aujourd’hui encore gérant d’Imeda, Eric Danon devient, le 8 août 2007, ambassadeur de France à Monaco, avant d’être envoyé à Genève en février 2008 pour représenter la France à la conférence du désarmement. Toujours gérant d’Africa Steps, Jacques Baudouin œuvre quant à lui comme conseiller presse et communication du ministère des Affaires Etrangères. Pas du menu fretin.
S’il n’a pas daigné répondre à nos sollicitations, Bernard Kouchner s’est fendu d’un communiqué qu’en bons garçons polis, nous reproduisons ci-dessous.
Pour répondre à certaines allégations inexactes diffusées sur un site internet, Bernard Kouchner tient à faire préciser :
« Depuis sa prise de fonction en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner a cessé toute activité au sein des sociétés BK Conseil et BK Consultants. La société BK Conseil a été dissoute le 18 mai 2007. Depuis la nomination du Ministre, BK Consultants n’a plus aucune activité commerciale et ne saurait avoir perçu quelque rémunération que ce soit.
Le ministre dément formellement « avoir fait passer des prestations de conseil et d’audit sous l’égide de trois sociétés ».
Bernard Kouchner n’a jamais appartenu à la société IMEDA dont il était l’un des consultants et n’avait donc aucune raison de se préoccuper du règlement des factures de celle-ci. S’il a pu être amené à évoquer son rapport sur l’Assurance maladie au Gabon avec le président Bongo, c’est uniquement pour s’informer de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi née de ce rapport.
Le travail de Bernard Kouchner sur ce projet d’Assurance maladie au Gabon était notoirement connu des medias gabonais et a fait l’objet d’une communication publique au cours des Etats Généraux de la Santé à Libreville.
L’activité de Bernard Kouchner, comme Président fondateur du GIP ESTHER était une activité purement bénévole exercée dans le cadre des décisions prises par le conseil d’administration. C’est le GIP ESTHER qui a permis notamment les nombreux jumelages hospitaliers entre pays européens et pays en développement en particulier dans le domaine du sida.
Bernard Kouchner s’enorgueillit d’avoir toujours mené, dans ses diverses fonctions et dans le cadre strict des règles de celles-ci, un combat permanent en faveur de la santé publique en Afrique.
Bernard Kouchner se réserve le droit d’engager des poursuites judiciaires pour prévenir ou sanctionner toutes allégations mensongères à son égard et en a chargé Me Georges Kiejman. »
D’autant que les deux hommes ont fait travailler du beau linge pour le Gabon. Deux contrats en bonne et due forme avec le ministère de la Santé. L’un courant sur 2003-2005 portant sur « un audit complet du système gabonais et proposition de réforme ». Le second, débutant en 2004, a trait à « l’élaboration d’un nouveau plan national de développement sanitaire ». Deux bels et bons projets auxquels sont associés « Bernard Kouchner président de BK conseils », comme le montrent les deux documents exhumés par Bakchich ci-dessous, et issus du défunt site d’Imeda.
Pour bien lire le texte, cliquez sur l’image, puis sur « zoom » :
Bref, malgré la proximité avec le French doctor, ministre préféré des Français, inventeur du droit d’ingérence, etc… le gouvernement gabonais a traîné des pieds pour régler la douloureuse.
Heureusement, pour Imeda et ses prestataires, est venu le doux été 2007. Le 8 août, Eric Danon devient ambassadeur de France à Monaco. Et une semaine plus tôt, le 2 août, sa future excellence se fend d’un fax fort amical à l’attention du trésorier payeur général du Gabon.
« Cher Blaise, comme vous le savez, les deux sociétés accomplissent de nombreuses missions au Gabon pour le compte du gouvernement. Nous avons reçu le mois dernier, de S.E. le chef de l’Etat, l’assurance que notre dernière facture serait rapidement honorée. En conséquence, celle-ci a été transmise au ministre d’Etat Paul Toungui, je vous l’adresse de même ci-joint ».
Pour bien lire le texte, cliquez sur l’image, puis sur « zoom » :
Un envoi intéressant, qui atteste que les deux sociétés des diplomates « accomplissent » encore en 2007 des missions au Gabon. Selon Pierre Péan, dont les bonnes feuilles du futur bouquin ont été publiés par Marianne2.fr, le règlement de ces factures a été discuté par Bernard Kouchner soi-même, consultant devenu ministre des Affaires Etrangères, lors d’une entrevue avec le président Bongo, le 25 mai 2007.
La moiteur de l’été austral a, semble-t-il, empêché la question d’être réglée. Un deuxième fax d’Eric Danon, ambassadeur à Monaco et gérant d’Imeda, atterrit le 17 septembre 2007, sous le tampon du Trésorier Payeur général du Gabon. Le jour même de la présentation des lettres de créance de Danon à Albert II de Monaco.
Et son excellence Danon d’arguer. « À la suite d’un entretien avec le chef de l’Etat et d’une conversation aujourd’hui même avec le ministre d’Etat Paul Toungui, ce dernier me demande de vous faire parvenir à nouveau notre dernière facture pour paiement rapide ».
Installée par la France, la bureaucratie gabonaise en a conservé une certaine langueur. Selon le relevé d’opérations du Trésor public gabonais, la dite facture n’a été honorée qu’en 2008. En deux fois. Le 24 janvier et 11 mars 2008.
Ainsi, durant le premier trimestre 2008, l’Etat gabonais a reversé près d’un million d’euros à deux sociétés gérées par des proches du ministre des Affaires étrangères, pour des contrats sur lesquels a bûché le dit ministre. Original. Et peut-être un brin gênant, quand il s’agit de discuter avec les autorités gabonaises et Omar Bongo, fort nerveux après les multiples plaintes qui les touchent en France. Au moins le ministre a-t-il toujours été très discret sur la question… Étonnamment, depuis ces règlements, Eric Danon a été muté de Monaco à la conférence de désarmement de Genève. Ni Jacques Baudouin, ni Bernard Kouchner, qui a confirmé lundi matin sur Europe 1 être « très fier » de son travail sur le Gabon, n’ont répondu à nos questions. Seul Eric Danon, bien urbainement, a confirmé à Bakchich qu’il avait relancé l’Etat gabonais pour « ce reliquat ». La principale question qui demeure. Le montant de la somme reversée par Imeda, après règlement à la société de Bernard Kouchner. Les comptes 2008 de BK consultants n’ont pas encore été déposés au greffe du tribunal. Nul doute que leur consultation sera enrichissante.
D’autant qu’étrangement, une semaine après le règlement de cette douloureuse, le 18 mars 2008, Jean-Marie Bockel, grand pourfendeur de la Françafrique en général, et d’Omar Bongo en particulier, sera débarqué de son poste de secrétaire d’Etat à la coopération…
Selon nos informations, le président gabonais a laissé le choix à la France. Dévoiler les factures ….ou la tête de son ennemi.
A lire ou relire sur Bakchich.info
Les titres auxquels vous avez (presque) échappé
Bernard, un ministre à Kouchner dehors
Kouchner, ministre au Quai d’or frais
Les dépassements d’honoraires du French doctor
Kouchner et la Bongo family
Mesdames, Messieurs, je voudrais d’abord saluer le courage qu’ont eu les journalistes de Bakchich pour publier ces quelques vérités parmi des milliers d’autres plus graves et effrayantes concervées dans les coffres de l’Elysée. Je voudrais aussi vous annoncer en tant que gabonais que la fin du régime dictatorial de Bongo Ondimba et ses complices comme le bandit Kouchner, s’annonce plus tragique que l’on en commente aujourd’hui. Quel pays ? Pour 1,3 millions d’habitants analphabètes, on conseille un ministère de la santé qui compte 5 vieux hôpitaux pour 1 million d’euro (656.000.000 F CFA), soit la moitié de son budget annuel, à quand les politiques francais finiront de développer le terroriste étatique qui n’est autre que le crime contre l’humanité ? Combien de contrats le Conseil de Kouchner a signé avec la France où au delà de l’orgueil, les francaises et les francais croupissent dans une pauvreté sans précédant, sans une politique valable de sécurité sociale, hôpitaux délabrés, insalubrité, exode rural par manque d’infrastructures. Mais une chose est sûre et certaine, la jeunesse gabonaise n’agira pas comme celle au sortir de l’esclavage et la colonisation, ceux qui gardent Bongo au pouvoir et qui pillent nos richesses payeront le prix le plus cher, où qu’ils soient. Voilà la démocratie made in France. Pendant plus de 40 ans de dictature protégée par la France corrompue, vous payerez par le sang, la misère, la pauvreté et les injustices que subissent jusqu’aujourd’hui les Gabonais.
Bon courage, chers journalistes !
"[Cet article est publié dans Bakchich depuis le mardi 13 janvier 2009]"
Cette insistance, couplée à celle de Marianne2, m’avait intrigué. Colette Breackman en donne une explication plausible.