Après huit heures de délibérés, le jury de la cour d’assises d’Indre-et-Loire a condamné Véronique Courjault à huit années de prison. Un verdict qui contente au final toutes les parties.
On peut cependant s’étonner que l’issue de ce procès n’ait pas pris en compte la dimension psychologique de cette affaire : point d’injonction thérapeutique dans ce verdict.
Huit heures, dans un dossier où l’accusée reconnaît les faits, c’est long. À croire que les débats au sein du jury ont été houleux. Il devait y avoir les partisans d’un verdict « exemplaire », pour prouver à la société qu’on ne peut tuer impunément ses bébés. Et puis ceux, moins rétifs à la dimension très psychologique du dossier et donc plus cléments vis-à-vis de l’accusée. Le jury, composé de quatre femmes seulement, devait répondre à neuf questions. Il a estimé que Véronique Courjault avait « volontairement donné la mort » à ses enfants, mais n’a retenu la préméditation que pour les deux nouveaux-nés retrouvés en Corée du Sud, pas pour le premier brûlé en France en 1999, à Villeneuve-la-Comtesse.
Une peine de huit années de prison légèrement inférieure à celle de dix ans réclamée la veille par l’avocat général Philippe Varin. La mère de famille a déjà purgé plus de deux ans et demi de détention préventive. Avec le jeu des remises de peine, elle pourrait être libérable sous condition d’ici un an, peut-être moins : « J’ai quelques mois pour préparer les enfants et moi-même, on est presque au bout du tunnel », lançait ainsi Jean-Louis Courjault à ses beaux-parents, tous rassurés et éprouvés.
Maître Leclerc, lui, aurait simplement « voulu qu’elle sorte ». C’est en tout cas ce qu’il avait demandé au jury lors de sa plaidoirie : « Véronique n’est plus dangereuse, alors qu’est-ce que cela change qu’elle aille en prison ? Même si c’est impossible, je voudrais qu’elle sorte. Mais ici, l’impossible me paraît juste. C’est juste pour elle, et c’est juste pour J. et N., ses enfants ». Il rappelait que cette femme avait effectivement « commis une faute, un crime juridiquement », mais que ce n’était pas pour autant un « monstre », comme certains médias l’avaient pourtant qualifié en 2006. « C’est une femme aimée par ses proches. Tous sont là pour elle. Tous sont sidérés par ses actes. Mais tous l’aiment toujours autant ». Véronique Courjault aura été effectivement soutenue tout au long de ce procès par son mari, sa famille et ses amis. Elle se sait attendue à sa sortie par une tribu qui, c’est une minuscule consolation, aura au moins réussi à briser le silence dantesque qui régnait en son sein. Autant dire que cette parole retrouvée sera utile pour la suite.
Véronique Courjault aura tout du long été jugée telle une classique braqueuse. Le président Domergue ne cessant de ramener l’accusée à ce qu’elle avait dit durant sa garde-à-vue et l’avocat général Philippe Varin refusant tout simplement d’aborder l’aspect psy du dossier – car le psy, il n’y « croit pas ». On s’en est du coup tenu aux faits, au dossier, aux déclarations, au mobile. Lors de sa plaidoirie, Maître Henri Leclerc a un petit mot à ce propos à l’intention du président : « Vous avez essayé, monsieur le Président, de mener les débats avec une grande clarté. Mais dans les audiences d’assises, il peut être utile parfois d’aller plus loin que de simplement confronter l’accusée à ses déclarations d’avant ».
Philippe Varin l’avait dit la veille : si Véronique Courjault a tué ses trois nouveaux-nés, c’était parce que, « fainéante », elle n’avait ni la force, ni l’envie, d’élever plus de deux enfants. Avec sarcasme, la défense revient sur ces « mobiles ». Et le ton de Maître Seynik, autre avocate de « Véronique », laisse entendre qu’il y a effectivement de quoi hurler de rire : « La fainéantise ? Mais enfin ! Réfléchissez ! Réfléchissez à ce qu’elle a dû justement endurer physiquement et psychologiquement durant toutes ces années ». Trois grossesses cachées, trois meurtres de sang-froid, 27 mois à « mentir » , à faire « comme si » – cela peut effectivement paraître épuisant pour quelqu’un de « fainéant ». « Si Véronique avait une nature perverse, si elle aimait souffrir ou faire souffrir, là, d’accord, lance maître Seynik. Mais non ! Les experts le disent : il n’y a pas de plaisir là-dedans pour elle. Ce n’est que du malheur et de la souffrance ». Même agacement moqueur chez Me Leclerc : « Moi je veux bien monsieur l’avocat général, mais enfin, franchement, est-ce que vous pensez que c’est un mobile raisonnable ? »
Le seul mobile valable est à chercher là où l’avocat général ne voulait justement pas s’aventurer : trop compliqué. Me Henri Leclerc, lui, y va sans hésiter. Il reprend une à une les théories des experts, il les vulgarise et les expose à l’intention du jury. Car le seul « mobile » valable est là : dans la personnalité borderline de l’accusée. « Tous les experts sont d’accord sur l’altération, dit Leclerc. Le psychiatre Bensussan dit que nous sommes aux confins de la psychose. Or l’abolition du discernement, c’est justement quand on passe dans la psychose. J’ai demandé à Bensussan si l’on pouvait dire que Véronique était du coup “au bord du mur”. Il m’a répondu oui », termine Leclerc. Véronique Courjault est donc au bord du mur, à cheval entre la « normalité » et la « folie ». « Pour la punir, puisqu’il faut bien le faire, de quel côté du mur allons-nous l’envoyer ?, demande Leclerc. À l’hôpital psychiatrique ? Non. Je préfère qu’elle continue de mener son propre chemin vers la guérison. Car depuis 18 mois, nous l’avons déjà vu faire tellement de progrès ».
Voilà posée la question de la suite pour Véronique Courjault : celle du travail thérapeutique pour espérer sortir de sa propre prison. Or l’analyse d’une femme qui a tué trois de ses nouveaux-nés, qui a dit tout au long de l’instruction que pour elle, « ce n’étaient pas des bébés », qu’elle ne leur avait jamais parlé, qu’elle ne les avait jamais sentis bouger – une femme capable de faire cela est bien une femme malade. Elle devra donc faire son petit bout de chemin aux côtés de ces fameux « psys » pour espérer guérir.
L’épouse Courjault est certes déjà suivie par un psychiatre depuis bientôt trois ans, mais ces séances servent davantage, selon ses avocats, à « supporter la vie sous les verrous ». Tous les experts qui l’ont vu prévoient une décompensation importante, voire violente, d’ici quelques mois ou années, quand Mme Courjault prendra véritablement la mesure de ses actes. En clair, une grosse dépression s’annonce, ce qui semble effrayer, toujours selon leurs avocats, les deux époux. Véronique Courjault sortira bientôt de prison… et après ? « Ce travail s’annonce long et difficile, disait en substance Maître Leclerc. Hier, ma cliente a dit : “J’ai tué mes enfants, je le sais aujourd’hui” : quel premier pas énorme ! » Mais ce n’est qu’un premier pas.
En fin de plaidoirie, Henri Leclerc avait demandé pour « Véronique » une condamnation à un simple suivi médico-judiciaire. Il expliquait au jury de quoi il s’agissait : « Cela permet de dire “attention madame, vous êtes malade, vous êtes fragile, nous vous imposons pendant quelques années, quelque temps, d’aller consulter. Si vous ne le faîtes pas, vous retournez en prison” ». S’adressant à sa cliente, les derniers mots de Leclerc la renvoyaient au sérieux travail qu’il aimerait dorénavant qu’elle entame : « Acceptez Véronique d’avoir tué vos enfants et retournez parmi les vôtres ». La jeune mère de famille retrouvera les siens d’ici moins d’un an. Pour ce qui est de sa santé mentale, par contre, la justice est restée totalement silencieuse et ne lui demande absolument rien.
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border line = différent de psychotique…il faudrait savoir de quoi on parle… ! comprendre n’est pas accepter…(pour tous ceux qui réfléchissent à cette histoire)
cette femme a tué 3 enfants alors qu’elle aurait pu tout simplement les abandonner…
à l’hospital ou ailleurs…
il ne faut pas exagérer…
moi je pense effectivement que losqu’elle les a tué, elle savait que c’est ce qu’elle était en train de faire , border line ou non…
il est certain qu’elle a du paniquer, quant elle a accoucher car je pense vraimt qu’elle ne se savait pas enceinte, ceci peut se comprendre, pas les meutres…
déja elle aurait du appeler son mari OU un médeçin OU les pompiers…pour sa santé et celle des bébés…
après elle pouvait toujours les abandonner sous x… (il y a des tas de gens qui auraient été très heureux de pouvoir les adopter)
il y a bien d’autres femmes à qui s’est arrivé (déni de grossesse) et elles se sont fait aider (pompiers, mari etc…) souvent ont gardé leur enfant par la suite malgré le choc psy d’un accouchement pareil…
pour ma part, ces femmes auraient pu abandonner leur enfant ça ne me choque pas…le tuer oui beaucoup...
il ne faut pas exagérer…justice vraiment trop clémente…heureusement qu’elle ne peut plus enfanter…